FOCUS – Alors que la clôture du « Ségur de la santé » approche, les professionnels de la santé ont à nouveau manifesté à Grenoble ce mardi 30 juin 2020. Estimant que les annonces faites par le gouvernement ne répondent pas à leurs besoins, les manifestants entendaient ainsi peser sur les négociations en cours. Et ce malgré les 6 milliards d’euros annoncés par Olivier Véran, le ministre de la Santé.
Le gouvernement s’était donné sept semaines pour répondre aux attentes des personnels hospitaliers à travers son « Ségur de la santé » censé « refonder » le système de soins français.
Lancée le 25 mai dernier, cette vaste concertation qui doit concrétiser « un plan massif d’investissement et de revalorisation » arrive à son terme ce vendredi 3 juillet 2020.
S’appuyant sur ce qui en a filtré et sur les récentes annonces, les personnels soignants estiment que le compte n’y est pas. C’est ainsi que forts de la mobilisation du 16 juin dernier, les collectifs inter-hôpitaux et inter-urgences soutenus par une Intersyndicale organisaient une nouvelle mobilisation ce mardi 30 juin 2020 à Grenoble et dans toute la France. Et appelaient l’ensemble des professionnels de la santé, des Ehpad, du social et médico-social à venir manifester avec l’ensemble des usagers les ayant soutenus durant la crise sanitaire.
Ainsi, après quelques témoignages et prises de parole, près d’un millier de personnes (650 pour les autorités) ont défilé du CHU jusqu’au Jardin de ville pour faire valoir leur revendications.
« Il va falloir mieux nous payer ! », clament les soignants
Les revendications n’ont guère changé depuis maintenant plus d’un an. Les manifestants réclament encore et toujours 300 euros d’augmentation de salaire pour tous et plus de moyens pour l’hôpital. Mais aussi un plan de recrutement, de formation, ainsi que l’arrêt des fermetures d’établissements, de services et de lits. L’autre objectif de cette nouvelle manifestation pour les soignants ? Peser de tout leur poids autant sur les négociations du “Ségur” que sur l’arbitrage du chef de l’État qui devrait suivre, notamment sur la très attendue revalorisation des salaires.
« Un an de burn-out ! La haine contre ce système. Adieu mon métier d’infirmière ! » Ou encore « Soigne et tue toi ! », pouvait-on lire sur quelques pancartes tenues à bout de bras.
Et pour cause, pour la majorité, la crise sanitaire n’a vraiment rien changé : le monde hospitalier d’après ressemble désespérément à celui d’avant et les héros d’hier ont été vite oubliés.
Ce qu’illustre la prise de parole de cette infirmière de bloc, en forme de réquisitoire. « Ça fait un an et demi que je manifeste et ça fait autant de temps que nous demandons plus de tout. On ne peut pas laisser des infirmières à 1 750 euros par mois et des aides-soignants à 1 400 euros. Il va falloir mieux nous payer et nous donner les moyens de mieux soigner correctement en toute humanité ! »
Autre témoignage que celui de Samir Baloul, brancardier au CHU depuis six ans. Estimant faire partie des « oubliés de la santé », ce dernier réclame la reconnaissance de son statut pour un meilleur salaire et plus de considération.
Six milliards d’euros sur la table pour la revalorisation des salaires
« Nos revendications n’ont pas abouti et le ministère de la Santé ne répond pas à nos exigences », lance au mégaphone Kevin, cadre santé et membre de l’intersyndicale. « Le gouvernement propose d’augmenter certains salaires, certaines professions et pas d’autres, poursuit-il. Nous, ce que nous voulons c’est une augmentation pour toutes les professions de santé et du médico-social. »
De fait, Olivier Véran, le ministre de la Santé a déjà lâché du lest en allouant 6 milliards d’euros à la revalorisation des salaires des personnels soignants « hors médecins ». Une somme à partager entre les hôpitaux, les Ehpad publics, mais aussi, pour partie, le secteur privé.
« Nous avons une enveloppe mais aucun chiffrage, pas d’échéance et aucun détail des mesures qui seront prises », déplore Chantal Sala, secrétaire générale CGT Santé au CHU. D’ailleurs, pour le syndicat, cette somme s’avère insuffisante et n’est pas « à la hauteur des remerciements aux soignants ».
Car, estime la centrale syndicale, « il en faudrait bien plus pour pallier les manques budgétaires cumulés que nous dénonçons depuis des années ».
Prochain rendez-vous le 14 juillet, jour d’hommage aux soignants
Autre motif d’insatisfaction pour les syndicats : la rallonge de 300 millions d’euros destinée à revaloriser les salaires des médecins hospitaliers. Une somme jugée « décevante » et au sujet de laquelle ils demandent instamment au ministre de réviser sa copie.
Face à ce conflit social qui n’en finit plus, le ministre des Finances, Bruno Le Maire a assuré ce mardi qu’il serait au rendez-vous « pour faire ce qu’il faut pour les personnels soignants ». Sans toutefois citer aucun chiffre
Échaudés, les syndicats dénoncent, quant à eux, le décalage « entre ce qui a été dit pendant des mois qu’il serait fait pour l’hôpital et la réalité des annonces ». Et évoquent la date du 14 juillet pour une future mobilisation des personnels hospitaliers. Pile le jour choisi par Emmanuel Macron pour rendre hommage aux soignants n’ayant pas ménagé leur peine pendant la crise du coronavirus.
Joël Kermabon