REPORTAGES VIDÉO – Succès vert incontestable à Grenoble à l’issue du second tour des municipales ce dimanche 28 juin. Sans surprise, Éric Piolle rempile ainsi pour un deuxième mandat de maire. Si la joie et l’émotion dominent du côté de Grenoble en commun, ses opposants comptent bien ne pas faire de la figuration. Et s’inquiètent de l’abstention record enregistrée pour le scrutin.
Environ deux cents soutiens du maire, essentiellement des militants, se sont réunis dimanche dans la soirée pour célébrer sa victoire sur la place Grenette, où une scène avait été installée. Un rassemblement toutefois loin des mille personnes venues l’acclamer le soir du second tour des municipales de 2014.
Un second tour très vert à Grenoble
À Grenoble, 64,14 % des électeurs ne se sont pas déplacés. Soit plus de trois sur cinq et près de cinq points de plus que la moyenne nationale. Éric Piolle le maire sortant Vert arrive en tête avec 53,13 % des suffrages. Loin derrière en seconde position, Alain Carignon n’obtient que 23,44 % des voix. Émilie Chalas et Olivier Noblecourt ferment la marche, avec respectivement 12,49 % pour la candidate soutenu par LREM et 10,92 % pour le socialiste.
À l’annonce des résultats, la petite foule a explosé de joie. Et Éric Piolle a même versé une larme, tandis que le slogan « Piolle président » résonnait en cœur sur la place. Le maire, qui ne cesse de répéter qu’il ne pense pas (encore) à se présenter aux présidentielles de 2022, n’a pas relevé.
Les discours qui ont suivi avaient pourtant clairement une envergure nationale, la réélection du maire sortant ayant eu lieu dans le cadre d’une vague verte qui a déferlé sur la France. Lyon, Marseille, Bordeaux, Poitiers ou encore Strasbourg sont en effet passées au vert avec des élus EELV. « C’est un élan incroyable. […] Voir que ça marche pour eux partout c’est génial ! », s’est exclamé le maire avec émotion.
Éric Piolle, attentif, scrutant ses résultats aux municipales Grenoble, 28 juin 2020. © Matthieu Livrieri – Place Gre’net
Partout en France, naissent ainsi des coalitions entre gauches et écologistes. Quand les Verts ne sont pas directement têtes de liste. Éric Piolle, qui a activement soutenu les candidats écologistes d’autres communes, voit son souhait exaucé.
Doit-il à présent maintenir, voire renforcer, sa présence sur le champ national ?
Si la formule du « seul maire écologiste d’une grande ville de France » lui revenait de facto, il doit désormais composer avec de nouvelles personnalités. A commencer par l’écologiste Michèle Rubirola élu à Marseille, deuxième ville de France. Ou Grégory Doucet, le nouveau maire Vert de Lyon.
« Il n’y a pas eu d’élan autour d’Éric Piolle » estime Alain Carignon
Face au succès vert à Grenoble, Alain Carignon, scrute les résultats en direct. © Matthieu Livrieri – Place Gre’net
À quelques pas de la place Grenette, ambiance nettement moins festive au QG de campagne d’Alain Carignon. Avec 23,44 % des voix, le candidat arrivé deuxième explique regretter l’abstention record à Grenoble.
« C’est très très inquiétant pour le fonctionnement de la démocratie et pour la légitimité des élus », juge-t-il.
« Comment conduire une politique sans qu’il y ait un élan, sans électeurs qui ont envie, qui adhèrent et s’expriment fortement ? » s’interroge encore l’ancien maire. Pour qui Éric Piolle devra « essayer de trouver un consensus au sein du conseil municipal parmi les groupes (de conseillers municipaux), de façon à […] construire des choses qui (leur) soient communes ».
Alain Carignon estime au demeurant qu’Éric Piolle a largement bénéficié « d’une vague verte nationale » plutôt qu’un réel « enthousiasme » de la part des électeurs. « On a un maire qui veut être élu à la présidence de la république » déplore l’ancien ministre. Et d’évoquer l’arrivée d’une « phase d’incertitude » à Grenoble pour les années à venir.
La primeur aux Républicains pour le conseil municipal ?
« Nous serons la principale force d’opposition », affirme encore Alain Carignon. Celui qui s’autoproclamait déjà « premier opposant » au lendemain du premier tour du mois de mars est en mesure d’envoyer sept conseillers d’opposition au conseil municipal de Grenoble. Mais les négociations ont tourné au casse-tête. Les sept premiers colistiers ne seront en effet pas désignés d’office comme élus.
Alain Carignon aurait décidé de refuser la priorité à ses colistiers non-encartés Les Républicains. Ce qui devrait, par exemple, permettre à Nathalie Beranger, pourtant dixième de la liste, de passer devant les premiers colistiers élus. « Pas sûr que la primeur ne soit pas écrasée par les têtes connues et les encartés », confie en off un colistier privé de siège. « Les têtes connues ont l’ascendant sur la fraîcheur et l’envie d’engagement », ajoute-t-il avec amertume.
Émilie Chalas : « Nous n’avons aucun regret »
« Grenoble sera l’objet de ma préoccupation pour les six prochaines années », promet de son côté Émilie Chalas. La députée de l’Isère entend bien siéger « en toute humilité » au conseil municipal, voire à la Métropole. Son objectif affiché ? Construire une opposition « vigilante » mais aussi « intelligente et constructive ».
Émilie Chalas demande également à Éric Piolle de « mieux considérer son statut de maire en tant que rassembleur de tous les Grenoblois et pas que de ses électeurs ». Avant de rappeler, comme elle a coutume de le faire, que son arrivée en politique ne date que de trois ans.
La députée décrit encore un second tour moins mouvementé que le premier. En raison du contexte national, notamment les manifestations contre la réforme des retraites, la candidate a subi de plein fouet les revendications à l’encontre du gouvernement en place. « C’était très violent » se souvient-elle. « Des tracts brûlés, un local muré, des plaintes sans cesse déposées pour des agressions diverses et variées… », énumère-t-elle.
Olivier Noblecourt « Nous serons exigeants à ne pas oublier les plus vulnérables ».
« On s’attendait à cette victoire » déclare pour sa part Olivier Noblecourt. « Ce qui me fait réagir ce soir, ce n’est pas cette victoire, c’est l’abstention dans la ville » déplore le leader de Grenoble Nouvel Air. Lui espérait tourner la page après six ans de gouvernance qu’il juge « dogmatique, assez sectaire, et refusant les avis contraires ». Il entend aujourd’hui « reconquérir la légitimité politique » des élus face à des Grenoblois qui se sont désintéressés de cet enjeu.
Olivier Noblecourt en profite pour critiquer une nouvelle fois le bilan social du maire sortant : « On a eu six premières années de mandat qui ont échoué sur la question sociale ». Pour lui, le grand défi est maintenant de « porter la réponse à l’urgence climatique (…) sans oublier les plus fragiles ». Malgré les rumeurs, l’ex-adjoint de Michel Destot assure qu’il siégera bel et bien au conseil municipal.
Si le résultat de sa liste est une déception pour le camp Noblecourt, le candidat ne se dit pas moins fier de sa campagne. Notamment, affirme-t-il, pour sa capacité à « porter dans le débat public les enjeux d’une vision peu prise en compte par les autres candidats ». Olivier Noblecourt annonce à présent vouloir constituer Grenoble Nouvel air en association, pour mieux peser dans le débat public.