FOCUS – Des responsables du CHU de Grenoble organisaient, ce vendredi 13 mars, un point de situation sur l’évolution de l’épidémie du virus Covid-19 en Isère. Se déclarant prêt à livrer bataille et s’appuyant sur un dispositif adapté, le CHU reste confiant dans sa capacité à gérer une crise « qui n’en est qu’au début ».
« Pour l’heure, le virus ne circule pas de façon très importante en Isère. Cependant, on s’attend à ce qu’il y ait de plus en plus de personnes infectées et à devoir faire face à l’hospitalisation des cas les plus marqués. »
Le Pr Olivier Épaulard, infectiologue au CHU Grenoble-Alpes (Chuga) faisait le point, ce vendredi 13 mars, sur l’évolution de la situation épidémiologique dans le département.
L’entouraient, d’autres responsables du Chuga : Monique Sorrentino, sa directrice, le Dr Laurent Grange, adjoint à la commission médicale d’établissement, le chef de service du Samu 38, le Pr Debaty et Marie-Reine Mallaret, médecin hygiéniste.
Quid des personnes infectées ? « Pour certaines, comme elles allaient très bien et après accord de l’Agence régionale de santé (ARS), elles sont rentrées à domicile sous surveillance rapprochée », précise le Pr Épaulard. Une autre partie de ces patients, présentant des terrains plus fragiles, sont restés hospitalisés encore quelques jours.
Pour autant, explique-t-il, « nous ne sommes pas inquiets sur leur état de santé ». En revanche, rajoute l’infectiologue, « une personne présente un cas sévère et nous surveillons les choses de très près pour elle ».
Le nombre d’appels reçus au centre 15 a plus que doublé
« Il y a une mobilisation exceptionnelle de tous les personnels du centre 15 pour assurer une réponse à la population », enchaîne le Pr Guillaume Debaty, chef de service du Samu de l’Isère. Sa priorité ? « Nous cherchons à dépister des patients qui présentent des signes respiratoires avec de la fièvre, de la toux ». Le spécialiste insiste : « Il est très important de ne pas se rendre aux urgences ou de voir son médecin traitant sans avoir une évaluation préalable quand on est symptomatique ».
Le centre 15 très sollicité ? « Nous notons une augmentation très importante des appels depuis le début de la semaine. Alors que la moyenne est habituellement de 2 500, nous en sommes actuellement à 5 600 par jour », indique l’urgentiste. Pour faire face à cet afflux et renforcer le centre 15, le Samu a fait appel à des volontaires.
Soit la mobilisation de quelques 120 médecins libéraux ou retraités appuyés par des étudiants en médecine et des internes du CHU. « Tous ont reçu une formation spécifique et ne répondent que sur ce type d’appels », souligne ce spécialiste de l’urgence.
« Quand les patients appellent, on les oriente en fonction des éléments qu’ils nous transmettent sur une prise en charge ambulatoire le plus souvent. Pour certains patients qui présentent des critères, c’est une indication de dépistage qui est réalisée avec le service des maladies infectieuses », explique Guillaume Debaty.
Des dépistages du Covid-19 qui sont passés d’une moyenne de dix par jour à plus de soixante, voire même soixante-dix. « Nous anticipons que cela va continuer à augmenter, augure le professeur. Nous avons des capacités pour faire face au triple. Si nous restons vigilants, nous ne sommes pas inquiets. »
La lutte contre le virus Covid-19 s’organise au CHU
Le Covid-19 est-il vraiment une menace ? « La dangerosité de ce nouveau virus, on la découvre petit à petit. Si nous sommes un peu moins inquiets de la forte mortalité qu’il pouvait y avoir initialement, nous sommes sur une infection qui est potentiellement plus grave que la grippe saisonnière », reprend Olivier Épaulard. Qui décrit une situation complexe. « Les données que nous recevons sur le virus sont, sinon contradictoires, du moins hétérogènes quant aux taux de mortalité », indique-t-il.
Comment le CHU qui enregistre l’hospitalisation de plus de 3 000 patients, 3 400 consultations et 300 passage aux urgences par jour va-t-il faire face à la crise ? « La plupart des patients infectés sont admis dans le service des maladies infectieuses qui comprend 27 lits. Des chambres individuelles ou à pression négative avec du personnel entraîné et formé aux patients contagieux », décrit Marie-Reine Mallaret.
« Actuellement, nous transférons les patients qui n’ont pas le coronavirus dans d’autres services pour pouvoir disposer d’une unité complète en cas de besoin », rapporte l’hygiéniste. Ce pour les patients dont les cas ne sont pas trop graves. Pour ceux qui présentent un syndrome de détresse respiratoire, « nous disposons du service de réanimation de 18 lits qui en a également libérés », poursuit Marie-Reine Mallaret. « Au total, nous pouvons aller jusqu’à 100 lits de réanimation en transformant les salles de réveil des blocs opératoires », assure-t-elle.
« Nous nous préparons à une crise sanitaire avec un afflux de patients »
« Le CHU se prépare à une crise sanitaire avec un afflux de patients nécessitant de la réanimation. Nous y sommes préparés, la communauté hospitalière est d’ores et déjà mobilisée », veut rassurer Laurent Grange. « C’est une vraie bataille que nous allons mener. Non pas pour quelques jours, mais bel et bien pour quelques semaines », appuie-t-il.
L’objectif visé ? Libérer du temps médical et paramédical pour prendre en charge les patients infectés. Mais aussi d’autres puisque l’hôpital va continuer à travailler et accueillir des patients. « Pour cela, il va falloir arrêter d’autres activités non indispensables », expose Laurent Grange.
Ainsi, poursuit-il, « nous commençons à déprogrammer toutes les chirurgies non indispensables, telles des poses de prothèses. La téléconsultation sera également privilégiée pour éviter aux patients fragiles de venir dans un endroit potentiellement contaminé. » De surcroît, la cellule de crise déjà en fonction va se réunir quotidiennement afin de coordonner et de consolider l’ensemble du dispositif.
« Nous allons gagner cette bataille. Nous savons faire, nous en avons les capacités avec des moyens humains et matériels. Nous avons planifié tout cela, il faut rassurer la population ! », insiste-t-il. « Prévoir, c’est gouverner, réplique Olivier Épaulard. Nous sommes prêts à recevoir ce virus Covid-19 et ces patients ! »
Des points de situation hebdomadaires à compter du 20 mars
« Bien évidemment, nous ne travaillons pas tout seuls mais aussi avec les autres établissements », renchérit Monique Sorrentino. En l’occurrence, là aussi, l’union fait la force. « L’ARS travaille à les mobiliser ensemble autant que de besoin », affirme la directrice du CHU.
« Nous pensons aussi à la suite. Les patients ne pourront peut-être pas rentrer chez eux directement. Pour ça, nous avons déjà travaillé avec les établissements de Services de suite et de rééducation (SSR) pour pouvoir libérer des lits », assure le Pr Épaulard.
Avant que Monique Sorrentino, soucieuse de prévention, ne rappelle les règles garantissant la sécurité des patients, des personnels ainsi que celle des visiteurs dans l’enceinte du CHU.
Tout autant que les fameux gestes barrière, qu’elle juge « très efficaces » pour se prévenir, tant que faire se peut, du virus Covid-19.
Bien que la crise s’annonce d’importance Monique Sorrentino reste confiante. « Nous sommes préparés à la prendre en charge. Nous avons des personnels aguerris et des organisations qui fonctionnent pour gérer ce dispositif », synthétise la directrice du CHU.
Par ailleurs, pour assurer un meilleur suivi des actions en cours sur le Covid-19, le CHU annonce la tenue de points de situation hebdomadaires à compter de ce prochain vendredi 20 mars.
Joël Kermabon