FOCUS – Pour la seconde fois sur l’agglomération grenobloise, des véhicules de la société Enedis ont été détruits par un incendie volontaire, revendiqué sur la plateforme libertaire Indymedia. Un énième sinistre criminel qui amène le procureur de la République Éric Vaillant a saisir le parquet anti-terroriste, comme il l’a déjà fait par le passé… mais sans succès.
Alors que les années 2017, 2018 et 2019 ont été marquées par une série d’incendies volontaires sur l’agglomération grenobloise, 2020 semble ne pas devoir déroger à la règle. Dans la nuit du dimanche 12 au lundi 13 janvier 2020, quinze véhicules ont été détruits par les flammes dans un entrepôt Enedis de Seyssinet-Pariset. Mais, contrairement à d’habitude, ce n’est que quelques heures plus tard que l’action a été revendiquée sur la plateforme Indymedia Nantes.
L’origine criminelle de l’incendie ne faisait toutefois guère de doutes. Nos confrères de France Bleu Isère avaient ainsi fait état d’un grillage découpé et de bidons d’essence retrouvés sur place. Quant aux pompiers, ils ont identifié plusieurs départs de feu. Ce n’est au demeurant pas la première fois que la société est visée : en mai 2017, des véhicules Enedis avaient déjà été incendiés à Grenoble. Avec la promesse de nouvelles actions à venir.
Bilan des dégâts ? « Sur les quinze véhicules, treize appartiennent à l’entreprise Enedis et deux autres à ses salariés », détaille le procureur de la République Éric Vaillant. Cinq camions de maintenance du réseau d’électricité ont notamment été détruits, valant entre 100 000 et 250 000 euros chacun. Et le procureur de livrer une première estimation des dégâts à hauteur de 2 millions d’euros, tout en précisant qu’elle est probablement sous-évaluée.
Un discours anti-électricité
Quid de la revendication ? Comme le veut la coutume, les auteurs du texte jouent la carte du flou artistique. « On laisse les personnes qui le voudraient, trouver leurs propres raisons. Pour pouvoir s’imaginer être « les auteurs » de cette attaque », écrivent-ils. Tout en s’adressant aux « anarchistes et autres antiautoritaires obsédés par le fait d’écrire ou pas des communiqués ». Et qui pourraient s’approprier l’incendie pour leur « sujet révolutionnaire ».
Le texte pose toutefois une base idéologique : le procès en sorcellerie de la Fée électricité. « Haine et dix raisons de s’attaquer à une entreprise qui promeut et propage l’électricité et le désastre », mentionnent-ils en détournant le nom de la société visée.
Avant de citer quelques lignes en-dessous les « fils [électriques] qu’on aimerait couper partout où on peut. Pour ne pas finir par définitivement péter les plombs ».
Le tout, en somme, dans la droite ligne des auteurs revendiqués de l’incendie des véhicules d’EDF en juin 2019. Des « énergumènes diablement furax » auxquels le nouveau texte rend d’ailleurs hommage. Puis, ceux qui se définissent, cette fois, comme « des disjonctés tenant tête » concluent en appelant à de nouvelles actions, « contre tout ce qui prétend apporter toujours plus de confort matériel et de liberté ». Pour produire, selon eux, « toujours plus de contraintes existentielles et de morbidité ».
Le procureur de Grenoble saisit le parquet anti-terroriste
Le texte prend également soin de rappeler les récentes opérations de police menées dans plusieurs squats isérois. « La vague de perquisitions qui a déferlé fin novembre 2019 à Grenoble, Fontaine et sur la ZAD de Roybon nous a débectés », écrivent ses auteurs. Une opération de représailles ? Le procureur de la République de Grenoble est, en tout cas, directement visé. Et qualifié de « répugnant fond de poubelle municipale ».
S’il ne répond pas aux injures, Éric Vaillant gonfle les muscles. Au cours d’une conférence de presse organisée au soir du lundi 13 janvier, le procureur annonce ainsi demander au parquet anti-terroriste de Paris de se saisir de l’enquête. « On peut avoir différentes appréciations de ce dossier. Pour ma part, j’estime qu’il s’agit d’un attentat que l’on peut qualifier de terroriste et que l’on pourrait attribuer à l’ultra-gauche libertaire », déclare-t-il.
Une nouveauté ? Pas vraiment « Cette qualification terroriste, nous l’avons envisagée depuis très longtemps et nous avons saisi le parquet anti-terroriste depuis de nombreuses affaires précédentes », concède Éric Vaillant. Sans succès jusqu’à présent. En cas de nouveau refus, le procureur indique donc qu’une instruction sera ouverte. Avec à la clé une enquête… ou un nouveau dossier sur le bureau des magistrats en charge des précédents incendies.
Des craintes pour la vie humaine ?
Sans livrer plus de détails, Éric Vaillant affirme que les incendiaires des véhicules d’Enedis « ont laissé sur place un certain nombre d’éléments qui permettent d’envisager des opérations de police technique ». La peine encourue par les tenants de « l’ultra-gauche libertaire » responsables du sinistre ? « Dix ans d’emprisonnement », répond le procureur. Qui juge par ailleurs crédible le texte de revendication émis quelques heures après l’incendie.
Éric Vaillant dit surtout redouter que la vague pyromane sur l’agglomération grenobloise ne finisse par tuer. « On a déjà échappé de peu à des conséquences sur la vie humaine, notamment dans les incendies sur les deux gendarmeries. Il y avait quand même des gendarmes qui habitaient là ! », rappelle le procureur. Quant aux locaux incendiés de France Bleu Isère, ils se situaient eux-mêmes en plein centre-ville, à proximité d’habitations.
Une réalité que rappelle, à son tour, une personne se présentant comme habitante d’un immeuble attenant à l’entrepôt d’Enedis. « Nous avons failli cramer et avons dû évacuer avec nos enfants en pleine nuit », répond sur Indymedia cette personne aux « disjonctés tenant tête ». Avant de les qualifier de « pauvres mecs »… et de les interpeller : « Au fait, vous vous éclairez à la bougie et ton ordi marche à la dynamo ? »