FOCUS – Un écolier est en passe d’être exclu de la cantine de la commune iséroise de Pont-de-Chéruy. Pour quel motif ? Le refus répété de l’enfant de manger de la viande. Si l’élève ne s’est jamais plaint et n’a jamais demandé de plat de substitution, son attitude n’en est pas moins jugée indésirable par la commune. Dont le maire considère qu’elle est motivée par des préceptes religieux.
Interdit de cantine parce que végétarien ? C’est ce qui est arrivé à un écolier de la commune iséroise de Pont-de-Chéruy, dont la mère Raja Lamsyah a publié sur les réseaux sociaux le courrier qui lui a été adressé par la commune. Son contenu ? Pour avoir refusé de manger de la viande lorsque celle-ci figurait au menu de la cantine, l’enfant sera exclu du service de restauration scolaire à compter du lundi 4 janvier.
Les motifs invoqués sont pluriels. D’une part, « l’impossibilité (…) de ne pas servir de viande » à l’enfant. D’autre part, le rôle de la restauration scolaire dans « la découverte du goût [et] l’approche de nouvelles saveurs ». Ainsi que « le lien social et de convivialité » que la cantine génère et que la commune dit « s’attacher à maintenir ». Sans préciser en quoi ne pas vouloir manger de la viande nuit à ces deux valeurs.
Contraint de manger de la viande
Après l’affaire du débardeur au collège d’Heyrieux, l’Isère semble abonnée aux polémiques en milieu scolaire. Suite à la publication de Raja Lamsyah, la presse nationale s’est rapidement emparée de l’histoire. Il est vrai que la question des repas végétariens dans les cantines scolaires arrive de plus en plus… sur la table. Depuis le 1er novembre, les services de restauration ont d’ailleurs pour obligation de proposer au moins un menu végétarien par semaine.
Pour l’avocat et président de la Licra Grenoble Mohamed Djerbi, l’exclusion de l’enfant répond à des « motivations fallacieuses ». « On le sanctionne parce qu’il ne cède pas à la contrainte de manger de la viande », déclare-t-il auprès de nos confrères de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. Et ceci alors que l’écolier ne s’est jamais plaint et n’a jamais demandé à manger autre chose.
Sollicité par Place Gre’net, le maire de la commune Alain Tuduri n’a pas donné suite à notre demande d’entretien. L’élu s’est montré plus loquace avec les journalistes de 20 Minutes, à qui il déclare « douter » que l’enfant soit végétarien. « Il ne mange pas de viande à la cantine ni chez lui, je trouve ça très particulier », juge encore l’élu. Qui ne manque pas de s’étonner de l’absence de tout « certificat médical ». Pour une intolérance aux produits carnés ?
Des « motivations religieuses » selon le maire de la commune
Le cœur de la discorde ? Selon Alain Tuduri, ce sont des motivations religieuses qui poussent l’enfant à ne pas manger de viande. « Pour moi, le refus de manger de la viande est un signe religieux clair, et je ne souhaite pas que la religion rentre dans les affaires scolaires de Pont-de-Chéruy », juge-t-il ainsi. Tandis que Mohamed Djerbi indique que les parents n’ont jamais évoqué de motifs religieux.
Si le maire de la commune ne souhaite pas introduire de dimension religieuse dans les affaires scolaires, force est de constater que les menus de la cantine (du 11 au 22 novembre comme du 2 au 20 décembre) proposent invariablement du poisson le vendredi. Une fidélité à la tradition chrétienne qui relève de la pure coïncidence ?
Alain Tuduri n’est par ailleurs pas novice en polémique. Accusé de discrimination raciale pour l’acquisition de biens immobiliers sur sa commune, il avait été condamné en 2009, avant que le jugement ne soit annulé en 2011 par la cour de cassation de Grenoble. Pont-de-Chéruy jouxte par ailleurs Charvieu-Chavagneux, dont le maire Gérard Dezempte avait pour sa part signé une délibération limitant l’accueil humanitaire de la commune aux seuls Chrétiens d’Orient.
« L’enfant sera exclu à la reprise, en janvier, si on ne trouve pas de solution intelligente d’ici-là, je ne suis fermé à rien et nous avons trois semaines pour trouver la formule adaptée pour les deux parties », déclare encore Alain Tuduri à 20 Minutes. Qui propose aux parents de l’élève concerné, informés trois semaines à l’avance des menus des cantines, de ne pas amener leur enfant à la cantine les jours où de la viande figure au menu.