Pascal Clérotte dénonce les promesses clientélistes en cette période de campagne électorale. En particulier celles faites aux “clients” des quartiers.

Clientélisme aux muni­ci­pales : « ceux qui se posent en “clients” perdent à tous les coups

Clientélisme aux muni­ci­pales : « ceux qui se posent en “clients” perdent à tous les coups

TRIBUNE LIBRE – Pascal Clérotte, porte-parole du Groupe d’analyse métro­po­li­tain (Gam) qui, depuis 2013, se penche sur les déci­sions et comptes des col­lec­ti­vi­tés locales de l’ag­glo­mé­ra­tion gre­no­bloise, dénonce cette fois les pro­cé­dés uti­li­sés par cer­tains can­di­dats ou listes de can­di­dats en cette période de cam­pagne des muni­ci­pales. En par­ti­cu­lier les pro­messes faites à des inter­mé­diaires dans les “quar­tiers”, per­çus comme des “lea­ders” locaux sus­cep­tibles de mobi­li­ser des votes. Des pro­cé­dés qui s’ap­pa­rentent à du clientélisme.

Pascal Clérotte dénonce les promesses clientélistes en cette période de campagne électorale. En particulier celles faites aux “clients” des quartiers.UNE Tag, politique, vote, parc Paul Mistral, Grenoble. © Chloé Ponset - Place Gre'net

Tag au parc Paul-Mistral de Grenoble. © Chloé Ponset – Place Gre’net

Vous l’au­rez tous com­pris, la cam­pagne des muni­ci­pales a belle et bien débuté, même si ce n’est pas le cas de la cam­pagne officielle.

Les périodes élec­to­rales étant des moments par­ti­cu­liers dans la vie de notre démo­cra­tie et une élec­tions étant un objet par­ti­cu­lier, tout cela est régulé par un cor­pus juri­dique par­ti­cu­lier, le code électoral.

Car oui, les périodes élec­to­rales où plu­sieurs can­di­dats ou listes de can­di­dats sont en concur­rence pour l’ac­cès au pou­voir poli­tique sont paroxys­tiques et, dans cer­tains cas, peuvent mener à des conflits civils graves. C’est pour cela que les élec­tions sont régu­lées et que les can­di­dats comme les citoyens ne peuvent pas faire tout et n’im­porte quoi. En clair, ce n’est pas “open bar”.

Le code élec­to­ral pré­voit des dis­po­si­tions pénales sanc­tion­nant les infrac­tions – délits et crimes – qui pour­raient être com­mises dans ce contexte par­ti­cu­lier. Ces infrac­tions sont éga­le­ment lis­tées comme des excep­tions à l’ar­ticle 85 du code pro­cé­dure pénale qui per­met à tout citoyen d’en­clen­cher l’ac­tion publique – c’est-à-dire l’ou­ver­ture d’une infor­ma­tion judi­ciaire et la dési­gna­tion d’un juge d’ins­truc­tion – sans condi­tion préa­lable de rece­va­bi­lité par sai­sine du doyen des juges d’ins­truc­tion d’une plainte avec consti­tu­tion de par­tie civile.

Nous allons tout de suite plan­ter le décor : la cor­rup­tion élec­to­rale conduit méca­ni­que­ment à un exer­cice du pou­voir et à une ges­tion de la chose publique corrompus.

Propagation de fausses nou­velles et clien­té­lisme sont des infractions

Notre légis­la­tion est suf­fi­sante pour pré­ve­nir et évi­ter cela. Sauf qu’elle n’est pas tou­jours appli­quée. Certaines de ces infrac­tions sont très inté­res­santes à consi­dé­rer. Voyez un peu :

- La pro­pa­ga­tion de fausses nou­velles est punie d’un an de pri­son et de 15 000 euros d’a­mende (article L97 du code élec­to­ral)

- Le clien­té­lisme est puni de deux ans de pri­son et de 15 000 euros d’a­mende (Article L106 du code élec­to­ral)

Une Grenobloise relate le parcours du combattant pour les électeurs souhaitant voter pour une petite liste dépourvue de bulletins de vote dans les bureaux.

DR

Ce der­nier article, le L106, est par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sant : « Quiconque, par des dons ou libé­ra­li­tés en argent ou en nature, par des pro­messes de libé­ra­li­tés, de faveurs, d’emplois publics ou pri­vés ou d’autres avan­tages par­ti­cu­liers, faits en vue d’in­fluen­cer le vote d’un ou de plu­sieurs élec­teurs aura obtenu ou tenté d’ob­te­nir leur suf­frage, soit direc­te­ment, soit par l’en­tre­mise d’un tiers, qui­conque, par les mêmes moyens, aura déter­miné ou tenté de déter­mi­ner un ou plu­sieurs d’entre eux à s’abs­te­nir, sera puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros. Seront punis des mêmes peines ceux qui auront agréé ou sol­li­cité les mêmes dons, libé­ra­li­tés ou pro­messes. »

Il signi­fie qu’un can­di­dat qui pro­po­se­rait un « quid pro quo » – un ceci pour un ou plu­sieurs votes – com­men­te­rait alors un délit. Remarquez que c’est bien un « quid pro quo » qui a déclen­ché, dans un contexte élec­to­ral, l’en­quête for­melle de des­ti­tu­tion de Donald Trump enga­gée par la chambre des repré­sen­tants. C’est l’a­pa­nage des démo­cra­ties de sanc­tion­ner tout ceux qui sub­ver­ti­raient par quelque moyen que ce soit des élec­tions libres et transparentes.

« On ne peut pas pro­mettre tout et n’im­porte quoi à n’im­porte qui »

En clair, en ce qui concerne les élec­tions muni­ci­pales et métro­po­li­taines à venir :

Un can­di­dat peut dire : « Je pro­pose si je suis élu de remettre des ser­vices publics dans les quar­tiers qui n’en n’ont plus ou pas suf­fi­sam­ment et d’ou­vrir x places de crèches. »
Un can­di­dat ne peut pas dire : « Si je suis élu, je pro­mets de réser­ver la com­mande publique aux entre­prises locales, de réser­ver les emplois muni­ci­paux de ren­forts aux habi­tants de tel quar­tier ou aux béné­fi­ciaire du CCAS, d’au­to­ri­ser la construc­tion de lieux de culte etc.

On ne peut pas pro­mettre tout et n’im­porte quoi à n’im­porte qui et il est dans les faits délic­tueux de faire des pro­messes caté­go­rielles lors d’é­lec­tions muni­ci­pales, les pro­messes faites valant pour l’en­semble de la col­lec­ti­vité. Une fois aux manettes, il faut livrer et les pro­messes déçues peuvent pro­vo­quer au mieux de la colère, au pire des incen­dies en série.

Urban expo, œuvre collective pour la semaine de la non violence à la Villeneuve © Séverine Cattiaux - Place Gre'net

La Villeneuve durant la semaine de la non-vio­lence. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

Tous les can­di­dats décla­rés écument « les quar­tiers ». Les retours que nous avons du « ter­rain » sont inquié­tants. Les dis­cours tenus par tous les can­di­dats, toutes cha­pelles confon­dues, se résument à : ce n’est pas de votre faute, vous êtes des vic­times, vous êtes dis­cri­mi­nés, nous allons vous sau­ver, et si vous votez pour nous, alors nous vous don­ne­rons [met­tez ici ce que vous souhaitez].

Les pro­messes concrètes faites le sont à des « inter­mé­diaires » per­çus comme des « lea­ders » locaux sus­cep­tibles de mobi­li­ser des votes : « grands frères », pré­si­dents de lieux de culte, d’as­so­cia­tions “cultu­relles”, spor­tives etc.

« Celui qui se pose en client a l’as­su­rance d’être déçu »

Nous disons aux habi­tants de ces quar­tiers qu’on les prend pour des buses, qu’on les cho­si­fie par un méca­nisme à double détente. Ni les can­di­dats, ni les “lea­ders” locaux n’ont inté­rêt à ce que la situa­tion change car :

C’est la pro­messe de mobi­li­ser des moyens publics pour telle ou telle caté­go­rie qui génère cer­tains votes au seins de ces caté­go­ries et donc l’ar­ri­vée ou le main­tien au pou­voir de tel ou tel can­di­dat. C’est la capa­cité des lea­ders locaux à obte­nir ces pro­messes de moyens publics qui jus­ti­fie leur situa­tion de pou­voir local.

Pour que ce sys­tème se per­pé­tue, il faut que rien ne change. Il faut que les “lea­ders” locaux puissent conti­nuer à “mon­nayer” leur entre­mise, que les can­di­dats puissent conti­nuer à les “ache­ter” en pro­met­tant des moyens publics et que les habi­tants – élec­teurs soient main­te­nus en état de dépen­dance de ces moyens publics. Sans client, pas de clien­té­lisme possible.

Celui qui se pose en client a l’as­su­rance d’être déçu, puisque celui qui pro­met, une fois au pou­voir, aura toute la lati­tude de choi­sir six ans durant, de tenir ses pro­messes ou pas. Celui qui se pose en client perd à tous les coups, parce que son uti­lité ne tient qu’à son vote : une fois ce vote donné, le client n’existe plus et n’a plus aucune valeur. Jusqu’à la pro­chaine élection.

Vous vou­lez savoir pour­quoi rien ne change dans les “quar­tiers” ?
Nous venons de vous en expo­ser la prin­ci­pale raison.

Pascal Clérotte

Rappel : Les tri­bunes publiées sur Place Gre’net ont pour voca­tion de nour­rir le débat et de contri­buer à un échange construc­tif entre citoyens d’opinions diverses. Les pro­pos tenus dans ce cadre ne reflètent en aucune mesure les opi­nions des jour­na­listes ou de la rédac­tion et n’engagent que leur auteur.

Vous sou­hai­tez nous sou­mettre une tri­bune ? Merci de prendre au préa­lable connais­sance de la charte les régis­sant.

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