EN BREF — Plus éphémères que jamais, les collages de l’artiste américain Eddie Colla auront tenu moins de quarante-huit heures sur les murs du centre-ville de Grenoble. Une tentative à l’invitation de l’association Le Mur, qui revendique un street-art « vandale » mais sans volonté de nuire. Et qui espère pouvoir trouver un terrain d’entente avec la municipalité dans le courant du mois de septembre.
Les collages de l’artiste américain Eddie Colla n’auront pas fait long feu sur les murs de Grenoble. Invité par l’association Le Mur Grenoble, ce grand nom du street-art avait réalisé, mercredi 21 août, plusieurs fresques en usant de la technique éphémère du collage. La collégiale Saint-André, la rue du Palais ou le Jardin de Ville : autant de lieux et de murs investis par un artiste engagé… dont le visage est encore à ce jour inconnu.
Sur ce mur du Jardin de Ville, le collage d’Eddie Colla a été promptement retiré… mais pas les graffitis. © Florent Mathieu – Place Gre’net
Mais le vendredi 23 août au matin, plus de collages. À l’exception de celle réalisée au sein de la librairie Decitre, les œuvres d’Eddie Colla ont disparu des murs du centre-ville de Grenoble. Les responsables ? Les services de la Ville, qui ont procédé au “nettoyage” des réalisations. Mais sans instructions spécifiques de la part de la municipalité, tient à clarifier la président de l’association Le Mur Grenoble Magali Féret.
« On est en train de dévoyer ce qu’est le street-art »
Il est vrai que l’association n’avait pas d’autorisation à utiliser les murs investis par l’artiste. « On ne voulait pas dégrader ou abimer, mais on savait qu’on agissait en toute illégalité », explique encore la présidente de l’association. Avant d’insister sur la dimension résolument éphémère des collages d’Eddie Colla : « la pluie en serait venue à bout au bout d’un mois et demi ! » L’objectif n’était donc pas de durer… mais d’interpeller.
Quarante-huit heures après la réalisation du collage d’Eddie Colla rue du Palais à Grenoble, les tags ont repris leurs droits… Image de gauche © Le Mur Grenoble, image de droite © Florent Mathieu – Place Gre’net
Car l’art d’Eddie Colla est tout sauf neutre. Ainsi, la réalisation présentée rue du Palais voulait rappeler aux Grenoblois, sinon aux Français en général, les manifestations de la population hongkongaises contre le régime chinois. Sur la fresque, une jeune femme au visage dissimulé par un foulard se prépare à jeter un cocktail Molotov. Un personnage inspiré par l’assistante d’Eddie Colla, la bien nommée Rachel Riot (“émeute” en anglais).
Une dimension engagée qui séduit Magali Féret. « C’est mon rêve de voir quelqu’un monter au créneau, et faire ce qu’ont fait en leur temps Sartre, Malraux ou Picasso », confie-t-elle. Et de prôner un street-art capable d’investir les murs sans demander d’autorisation préalable. « On est en train de dévoyer ce que le street art est dans son essence, un art éphémère et un art vandale », déplore-t-elle.
Une rencontre prochaine avec la municipalité
Est-ce à dire que Magali Féret rejette le street-art à la grenobloise ? La principale intéressée conteste, et dit notamment son admiration pour le fondateur de SpaceJunk Jérôme Catz.
Les amoureux d’allitérations et d’assonances apprécieront ce collage d’Eddie Colla sur la Collégiale. © Le MUR Grenoble
Ce qui ne l’empêche pas d’aborder le street-art avec une autre sensibilité. « Il n’y a rien de plus beau que de se balader dans une rue et de tomber sur un petit truc, plutôt que d’avoir des plans qui vous indiquent tout au mètre près via Google », estime-t-elle.
Mais les « petits trucs » prennent aussi le risque de disparaître prématurément. Comment a réagi l’artiste au décollage de ses créations ? « Eddie Colla est extrêmement triste, mais il savait que les murs n’étaient pas autorisés », répond Magali Féret.
Avant d’ajouter que contact a été pris avec le cabinet du maire de Grenoble, dans le but d’entamer des discussions au mois de septembre… et peut-être accorder un ou plusieurs murs à l’association.
Pas de contradiction avec l’esprit “vandale” du street-art, juge cependant sa présidente. « S’ils nous allouent un mur, ce sera toujours de l’éphémère, les gens sauront que le mois suivant il sera recouvert par un autre artiste », décrit-elle. Sans exclure de mettre également à disposition le mur à des artistes vandales, anonymes nocturnes et créatifs. Et porteurs peut-être de messages engagés qu’elle appelle de ses vœux.