FOCUS – La trêve estivale n’a pas eu d’effet sur la détermination des urgentistes isérois qui poursuivent leur mobilisation. S’ils estiment avoir obtenu quelques avancées, les services d’urgence de Grenoble, Voiron, Bourgoin-Jallieu et de La Mure maintiennent leur mouvement de grève. Les revendications restent inchangées : plus de lits, de personnel, une revalorisation des salaires et l’amélioration des conditions de travail.
La trêve estivale n’a en rien entamé la détermination des urgentistes en colère mobilisés depuis la mi-juin pour l’amélioration de leurs conditions de travail. À travers toute la France, plus de 210 services d’accueil et de traitement des urgences (SAU) sont en grève et le mouvement ne cesse de s’étendre.
En Isère, malgré des concessions du CHU de Grenoble (Chuga) au Samu 38, les urgences de Grenoble, Voiron, Bourgoin-Jallieu et de La Mure continuent à maintenir la pression. Le tout sans que le fonctionnement des services soit toutefois affecté, l’accueil des patients et les secours d’urgence restant, bien sûr, entièrement assurés.
Leurs revendications ? Elles restent inchangées. À savoir, plus de lits, plus de personnel et la revalorisation des salaires. Sans oublier la reconnaissance et l’amélioration de conditions de travail jugées difficiles, notamment à travers un départ anticipé à la retraite.
Une prime de 90 euros pour les urgentistes contractuels et sept postes supplémentaires
« Il y a eu des avancées. Notamment sur certaines revendications des assistants de régulation médicale (ARM) du Samu 38 », explique Marie Rofidal, elle-même ARM du Samu 38. En effet, un accord avec le CHU a permis aux ARM contractuels d’obtenir une prime de 90 euros bruts. Une manière de leur accorder un avantage qu’avaient déjà les titulaires, afin de rendre le poste plus attractif. De quoi éviter aussi un trop important turn over en incitant les gens à ne pas quitter leur emploi.
« Nous, nous sommes contents. Ça n’est pas rien sur un salaire d’ARM ! Mais nous sommes là dans les limites de ce qu’un CHU peut faire localement en matière de rémunérations », regrette-elle. De fait, précise l’urgentiste, pour les titulaires, « les hôpitaux n’ont aucun pouvoir de décision, c’est statutaire, donc national ».
Les avancées annoncées ne s’arrêtent toutefois pas là. « Nous avons obtenu au total sept postes, c’est énorme ! », se réjouit l’urgentiste. Comment seront-ils financés ? « Par l’arrêt du paiement des heures supplémentaires des renforts lors des pics d’activité », précise Marie Rofidal. L’idée est cohérente, assure cette dernière. « Au lieu de payer plus cher des heures à des agents en poste, on utilise cet argent pour rémunérer des agents pérennes. »
Des patients souvent plus de six heures sur des brancards
Voilà pour le Samu. Qu’en est-il des urgences ? « Des efforts ont été faits, en particulier pour renforcer le planning médical en demandant de l’aide aux services », rapporte Marie Rofidal. Concrètement ? Les médecins des services viendront à la rescousse des médecins urgentistes. « Un plus indéniable pour l’équipe », estime l’assistante de régulation.
Autant de progrès notables qui n’ont pour autant « pas amélioré les problèmes de lits avals et de fermetures de lits dans les services », appuie Marie Rofidal. « Les patients ne peuvent pas être hospitalisés et “squattent” d’une certaine façon les urgences », déplore-t-elle. Ce « malgré les efforts sur le papier », poursuit l’ARM.
« La tendance est tellement à la fermeture que les besoins ne sont pas compensés », déplore-t-elle. « On a régulièrement des patients, souvent âgés donc fragiles, qui passent plus de six heures sur des brancards ! »
Une situation qui a empiré dans le courant de l’été, la saturation du service des urgences n’allant qu’en s’accentuant. Et pour cause, en capacité de gérer environ 160 entrées par jour, le personnel a dû régulièrement faire face à 180, voire 200 admissions dans une même journée. Pas mieux à Voiron où les urgences sont également saturées, tandis qu’au Smur de Bourgoin-Jallieu il manque toujours cruellement une équipe.
Des pics d’activité « énormes » au Samu et aux urgences lors des périodes caniculaires
Et bien sûr, les période caniculaires n’ont fait qu’empirer les choses. « Nous avons enregistré des pics d’activité énormes, aussi bien au Samu qu’aux urgences », témoigne Marie Rofidal. Qui regrette l’absence de tout renfort lié à la canicule, ce qui a accru encore un peu plus l’effet de saturation. Globalement, sur l’ensemble du mois de juillet, 300 personnes ont dû attendre dans les couloirs des urgences une place d’hospitalisation.
L’impact sur les patients des grèves ponctuelles menées depuis juin ? Il est nul, assure Marie Rofidal. « Que nous soyons en grève ou pas, le service tourne toujours exactement de la même façon », assure-t-elle. « La seule différence c’est que l’administration est contrainte de nous remettre en main propre des assignations. De plus, ça nous permet de pouvoir établir des chiffres sur le pourcentage de grévistes participant aux mouvement ». Le tout en parfaite coordination avec les syndicats en charge de déposer les préavis de grève.
Quid de la réponse aux trois principales revendications des urgentistes ? « On nous fait le coup du ping-pong local-national. “Voyez ça avec votre direction d’établissement ou voyez avec le ministère”, nous dit-on. On ne sait jamais vraiment qui s’occupe de quoi ! » Or, pour Marie Rofidal, ces revendications sont parfaitement justifiées.
« C’est tellement simple, ça saute aux yeux ! C’est pour ça que le mouvement prend tant d’ampleur, même au cours de l’été ! », souligne-t-elle.
Une mobilisation régionale avant une assemblée générale et une grande journée d’action
Toujours est-il que les urgentistes de Grenoble se félicitent de l’oreille que leur prête la direction du CHU. « Comparé à d’autres centres hospitaliers, il n’y a pas de déni des revendications », reconnaît Marie Rofidal. Même si « subsistent les problèmes d’ouvertures de lits, de moyens structurels, notamment en matière d’emploi qui ne peuvent lui être imputés ».
L’assistante de régulation rappelle par ailleurs que « l’hôpital est déclaré officiellement en tension depuis plus de trente jours ». Les causes ? Elles sont multiples et extrêmement difficiles à cerner, selon elle.
« C’est très compliqué de pointer exactement du doigt le nombre de lits fermés, ceux qui sont nécessaires. Sont-ils fermés le matin ou bien à cause du manque de personnel ou d’autres problématiques ? »
En tout cas, affirme Marie Rofidal, « la direction du CHU est bien consciente que c’est sur ces chiffres-là que nous nous battons. »
Les suites du mouvement ? Une mobilisation régionale des urgentistes prévue le 9 septembre. En ligne de mire ? L’Agence régionale de santé (ARS), l’organisme garant de l’application des politiques de santé au niveau régional. Suivra, le 10 septembre, une assemblée générale de l’ensemble des services en grève, à l’appel du collectif Inter urgence, et l’organisation d’une grande journée nationale d’action.
Joël Kermabon