FOCUS – La liste Prenez le pouvoir du Rassemblement national menée par Jordan Bardella semble avoir le vent en poupe dans la dernière ligne droite de l’élection européenne de ce 26 mai. L’optimisme gagne les rangs du parti de Marine Le Pen qui table, a minima, sur l’élection de 23 eurodéputés. Enfourchant des chevaux de bataille désormais bien connus, ses militants et responsables comptent sur leurs nouveaux « amis européens » pour peser sur les décisions de Bruxelles.
« Nous avons mené une campagne pour les élections européennes tout à fait classique, même si les enjeux sont bien évidemment importants : rencontres avec les électeurs sur les marchés, distributions de tracts, affichage, réseaux sociaux etc. », relate Alexis Jolly,
Le conseiller régional et municipal de la ville d’Échirolles est l’un des nombreux responsables de circonscriptions qui ont ainsi défendu la liste du Rassemblement national (RN), l’ex-FN, en Isère.
Cette dernière, nommée Prenez le pouvoir, soutenue par Marine Le Pen et menée par Jordan Bardella, comporte 79 noms de candidats dont certains pourraient bien devenir eurodéputés au soir du 26 mai 2019.
« Les gens en ont clairement raz-le-bol ! »
Pour autant, aucun élu appartenant à la Fédération de l’Isère du RN ne figure sur cette liste nationale, pas plus que d’habitants du département. « La commission d’investiture a été soucieuse de représenter toutes les régions de France. Si l’Isère n’y est pas, Auvergne Rhône Alpes est bien présente, avec quatre candidats », précise l’élu. Qui, surfant sur les sondages, affiche un réel optimisme quand à l’issue du vote européen.
« Ils sont assez représentatifs de ce qui se passe dans la rue. Les gens en ont clairement raz-le-bol », analyse Alexis Jolly. Le conseiller régional décrit ainsi « un accueil favorable », sortant du seul vote d’adhésion. Et qui, de plus, émane d’une population qui voit dans le RN « la seule alternative possible à la politique nationale et européenne d’Emmanuel Macron », assure-t-il.
Meeting pour les européennes le 2 mai 2019 à Voiron. À gauche, Alexis Jolly. © Rassemblement national Isère
« S’ils gagnent ces élections, LREM sera bien évidemment consolidé et ils pourront mettre en application la suite du quinquennat », prédit le conseiller municipal. Une séquence dont le RN ne veut pas. Ce que reflètent du reste les principaux thèmes de la profession de foi extraits du projet du RN pour ces élections européennes.
Mais ne sommes-nous pas là dans des considérations franco-françaises débordant du cadre des élections européennes ? « Il ne suffit pas d’être en tête parce que l’enjeu serait uniquement européen avec le réveil des peuples. Il s’agit aussi de sanctionner la politique nationale par un vote RN », rétorque Alexis Jolly.
« Aujourd’hui, nous avons une dizaine d’alliés en Europe »
Comparer la situation actuelle avec celle prévalant en 2014, lors des élections européennes, serait faire fausse route, estime l’élu. Ne serait-ce qu’à travers la volte-face – remarquée – sur la volonté du parti de Marine Le Pen de sortir de l’Europe. « La situation a changé. Nous étions alors seuls. Aujourd’hui, nous avons une dizaine d’alliés qui sont au pouvoir ou en bonne place en Europe », justifie Alexis Jolly. Notamment en Espagne, Finlande, Belgique, Autriche et en Pologne peut-être, énumère-t-il.
« Nous ne sommes plus isolés. Et ce contrairement à Emmanuel Macron qui se fâche avec tous les pays européens et ses dirigeants. Pour quelqu’un qui représente le “nouveau monde”, c’est assez contradictoire ! », tacle l’élu.
« Quand je vois Raffarin soutenir la liste LREM, et qu’on ressort toutes les vieilles gloires de la politique française, on est loin de la renaissance de l’Europe que tous ont à la bouche ! », assène-t-il. « Nous avons une vision plus positive, jeune et dynamique avec nos alliés européens. Ça va se traduire au niveau national et nous porter en tête des élections », s’enflamme Alexis Jolly.
L’objectif ? Peser beaucoup plus largement dans le futur groupe du Parlement européen, au sein duquel le RN ambitionne de devenir la deuxième ou troisième force politique. « Et peut-être même avoir des commissaires pour intervenir dans la mise en application des directives européennes », se prend à espérer l’élu. « Si nous arrivons premiers à 24 ou 25 % des voix, nous pouvons tabler sur 23 députés européens au minimum », pronostique Alexis Jolly.
« Il ne s’agit pas de construire des murs ou de poser des barbelés »
Auquel cas, quelles vont être les priorités du RN et de ses alliés ? « L’intégralité de nos partenaires européens et de nos électeurs seront d’accord pour retrouver leur souveraineté territoriale », assure Alexis Jolly. Soit, et sans surprise, revenir sur l’espace Schengen et à la maîtrise des frontières nationales. « L’immigration de masse coûte cher à tous les budgets des États et crée une concurrence avec les Français pour l’obtention d’un logement ou d’un emploi », affirme l’élu.
« Il ne s’agit pas de construire des murs ou de poser des barbelés, ça c’est la caricature. C’est diminuer drastiquement le droit d’asile et le nombre de migrants accueillis, comme l’a fait en Italie Matteo Salvini », expose le conseiller municipal.
« Nous avons neuf millions de pauvres, des gens qui sont mal logés. Nous souhaitons donner la priorité à ceux qui sont les nôtres », affirme-t-il.
L’occasion de rebondir sur les gilets jaunes. « Le programme de Marine Le Pen en 2017 contenait déjà l’ensemble de leurs revendications. Ils nous soutiennent », explique Alexis Jolly. De quoi conforter, estime l’élu, cette idée de représentativité du peuple français qu’incarne le RN. « Ils se tournaient déjà vers nous et ils continuent de le faire. »
Une Europe des coopérations via des accords multilatéraux
« Ça fait trente ou quarante ans qu’on nous vend une Europe qui serait protectrice et serait la garantie d’un avenir meilleur. On s’aperçoit finalement qu’elle a failli en tout ! », déplore Alexis Jolly. De quelle Europe rêve donc le RN ? D’une Europe totalement différente, « qui ne déciderait pas à la place des peuples ». Car, explique l’élu régional, « les Français doivent savoir que la plupart des textes de loi appliqués en France sont des demandes des commissaires européens ! » Lesquels n’ont par ailleurs par été choisis, ni élus, tient-il aussi à souligner.
Le RN veut « une Europe des coopérations » – telle celle d’Airbus – entre certains pays unis via des accords multilatéraux pour la réalisation de grands projets. Ou encore une Europe sans « avoir sous la gorge le couteau des 3 % de déficit », imposés par Bruxelles où « les citoyens ne seraient pas fondus dans le magma mondialiste ».
« Chaque pays européen doit défendre sa culture, sa langue, ses racines profondes que sont celles de l’héritage gréco-romain et de la chrétienté. » Une priorité, selon le militant, mais aussi la condition sine qua non « pour pouvoir imaginer l’avenir ».
Joël Kermabon