FOCUS – Le maire de Grenoble Éric Piolle a, comme annoncé, signé un arrêté interdisant l’expulsion de personnes d’un logement ou d’un hébergement sans proposition de relogement « effective, décente et adaptée ». De quoi rasséréner Droit au logement, qui appelle maintenant l’ensemble des maires de 49 communes de la Métro à suivre son exemple. Tandis que l’opposition dénonce un arrêté « illégal ».
Le maire de Grenoble Éric Piolle l’avait annoncé lors du conseil municipal du lundi 13 mai : l’arrêté anti-expulsion sans proposition de relogement préalable a finalement été signé mercredi 22 mai. C’est sur la base d’un vœu formulé par le groupe d’opposition de gauche Ensemble à gauche que l’arrêté, assorti de quelques modifications, avait été adopté à l’unanimité par les élus grenoblois. À l’exception du groupe Réussir Grenoble, qui n’a pas pris part au vote.
Le texte retenu est, au final, mot pour mot celui présenté durant le conseil municipal. En l’occurrence : « Lors de toute expulsion de domicile sur le territoire de la commune, il devra être fourni au maire ou à son représentant qualifié la justification qu’une solution effective, décente et adaptée de logement ou le cas échéant d’hébergement, ait été proposée à la ou aux personnes concernées. »
Le Dal appelle les maires de la Métro à suivre l’exemple grenoblois
De quoi rassurer et satisfaire Droit au logement. Les militants du Dal 38 organisaient en effet une conférence de presse devant les locaux de la DDCS de Grenoble quelques heures avant l’annonce de cette signature. Et ne cachaient pas leur inquiétude que le texte soit remanié et dénaturé, sur la base de propositions formulées par l’Ades (Association démocratie écologie solidarité), « matière grise de la municipalité ».
Pour le Dal, la prochaine étape est à présent de convaincre l’ensemble des communes de Grenoble Alpes Métropole d’adopter un arrêté similaire. C’est pourquoi les activistes du droit au logement seront présents devant le bâtiment de la Métro vendredi 24 mai dès 10 heures du matin, à l’occasion de la tenue d’un conseil communautaire qui réunira de nombreux maires des 49 communes composant la collectivité.
« On souhaite s’adresser aux maires pour leur dire de prendre exemple sur Grenoble, de faire passer des arrêtés anti-expulsions et de faire pression sur la préfecture », explique Raphaël, membre du Dal et du Front contre les expulsions. Qui ajoute attendre encore de la Métro et de son président Christophe Ferrari qu’ils « prennent position contre les expulsions et le fassent savoir à la préfecture ».
Un arrêté illégal ?
La préfecture de l’Isère, telle est la “cible” du Dal 38. Ses militants ne doutent pas que le préfet attaquera l’arrêté devant le tribunal administratif (TA) de Grenoble. Et obtiendra peut-être son annulation pour motif d’illégalité.
Lors du conseil municipal, l’élu de la majorité Alan Confesson insistait pourtant sur les aménagement amenés aux textes, lui permettant de pouvoir passer le cap judiciaire. Ce qui n’est pas le cas, de manière retentissante, des arrêtés successifs adoptés par Vénissieux.
Un arrêté “tribunal administratif-proof” ? Pas du tout, aux yeux du conseiller municipal d’opposition Matthieu Chamussy. Qui n’a de cesse de désigner l’arrêté à venir comme « illégal », et d’accuser le maire de Grenoble « d’instrumentaliser la misère ».
Il est vrai que la décision du TA de Lyon invalidant l’arrêté de Vénissieux porte bien sur un texte mentionnant, lui aussi, l’interdiction des expulsions locatives « sans proposition de relogement ».
La préfecture de l’Isère, cible de l’arrêté ?
D’autres critiques se font entendre. Le droitier Atlantico évoque ainsi « l’idée folle de la mairie de Grenoble » et reproche à Éric Piolle de « dériver l’obligation de relogement vers les bailleurs ». Faux, répond la Ville : « Ce ne sera évidemment pas aux propriétaires de trouver un logement ou un hébergement aux personnes avec lesquelles elles sont en litige mais à l’État qui (…) est le garant du Droit au logement et à l’hébergement », indiquent ses services.
De quoi crisper la préfecture, décidément très visée par ces prises de position ? À l’occasion de leur conférence de presse, prévue dans le jardin de la cité administrative Dode, les trois militants du Dal – ainsi que les journalistes – alors présents se voient demander de quitter les lieux, « sur ordre du préfet ». Refus poli des activistes qui s’estiment dans un espace public, et tiendront tout de même leur conférence… en attendant des policiers qui n’arriveront finalement jamais.
Florent Mathieu
LA FUSION ACTIS – GRENOBLE HABITAT DANS LE VISEUR DU DAL
« Déshabiller Paul pour habiller Jacques » ? C’est en substance la critique adressée par Droit au logement à la Ville de Grenoble. Si les militants saluent l’arrêté anti-remise à la rue adopté par la municipalité, ils n’en critiquent pas moins vertement le rapprochement prévu entre le bailleur social public Actis et la Société d’économie mixte Grenoble Habitat. Une « privatisation rampante du logement social » à leurs yeux.
« Cette privatisation va avoir pour conséquence des expulsions ! », dénonce Raphaël, membre du Dal. Pour le collectif, une société d’économie mixte sera nécessairement en recherche de rentabilité et de retour sur investissement. Ce qui conduira à la « dégradation de conditions de vie des locataires et [à l”]expulsions des “mauvais payeurs” », affirme le militant. Droit au logement 38 appelle ainsi les locataires à se rassembler devant les locaux d’Actis lors de la tenue de son conseil d’administration du 29 mai.