FOCUS – L’évolution du règlement des piscines municipales de Grenoble en faveur des maillots de bain couvrant, les fameux burkinis, n’est pas pour tout de suite. C’est ce qui ressort d’une entrevue, ce mardi 21 mai en début de soirée, entre le groupe des musulmanes voilées soutenues par l’Alliance citoyenne, et deux adjoints d’Eric Piolle, maire de Grenoble.
Les femmes voilées de l’Alliance citoyenne qui revendiquent l’accès aux piscines municipales en burkini n’ont absolument rien obtenu à l’issue de l’entrevue qui s’est déroulée ce mardi à 18 h 30.
La rencontre a pourtant duré plus d’une heure avec les deux émissaires du maire de Grenoble, Sadok Bouzaiene, adjoint au sport, et Emmanuel Carroz, adjoint à l’égalité des droits.
Une rencontre avec la Ville obtenue suite à l’action de « désobéissance civile » de militantes à la piscine les Dauphins, vendredi 17 mai. Et ce avec le soutien de l’Alliance citoyenne. « Nous attendons ce rendez-vous depuis dix mois », tenait à rappeler l’une des femmes voilées peu avant l’heure du rendez vous, devant la direction des sports, au 25 rue Constantine.
Un premier rendez-vous resté sans lendemain
Il est vrai qu’en juillet 2018, le groupe avait rencontré des élus de la Ville de Grenoble et des techniciens. À cette occasion, il avait demandé aux élus de faire évoluer le règlement des piscines comme à Rennes, afin que les femmes vêtues de burkini puissent avoir accès aux bassins.
Pour appuyer leur requête, les militantes avaient apporté une pétition signée par plusieurs centaines de femmes favorables au port du maillot de bain couvrant dans les piscines.
Au sortir de ce rendez-vous de juillet 2018, la Ville leur avait assuré qu’elle ne manquerait pas d’étudier leur demande et de revenir vers elles. Par la suite, et malgré de multiples relances, la municipalité ne leur a plus donné signe de vie.
Eric Piolle diffuse un communiqué et clôt le débat
Ce mardi, la question de l’accès ou non du burkini dans les piscines de Grenoble aurait pu être tranchée. Il n’en a rien été. En fin de matinée, le maire de Grenoble, Eric Piolle, a affirmé dans un communiqué que l’heure n’était pas venue de se prononcer sur cette question. La raison avancée ? Un climat peu propice aux prises de décision.
« Les conditions d’un dialogue serein ne sont pas réunies pour échanger en bonne intelligence sur ce sujet », justifie ainsi l’édile.
Et le maire de dénoncer, en les renvoyant dos à dos, tant l’action coup de poing de l’Alliance citoyenne qui « [expose] des agents du service public, des usagers du service public, et […] [préfère] le buzz au débat », que les opposants au port du burkini à la piscine qui « [jouent] la caricature, le péril, la peur, avec certains propos qui débordent du cadre républicain ».
« Le contexte politique n’était pas favorable »
Un peu avant 20 heures, ce sont d’abord les adjoints et deux membres du cabinet du maire qui sont sortis de l’immeuble le Polynôme. Peu enclins à épiloguer sur la réunion, ils ont renvoyé les médias au communiqué de presse du maire. Peu après, ont suivi les militantes de l’Alliance citoyenne, davantage loquaces, bien que la réunion ne se soit pas déroulée comme elles l’avaient espéré.
« Les élus ont commencé par nous distribuer le communiqué de presse d’Eric Piolle, relate une jeune fille voilée, et nous ont expliqué qu’ils n’avaient pas de mandat pour donner suite à notre demande, et que le contexte politique n’était pas favorable. »
Un motif que la militante balaye du revers de la main : « Ce sont surtout leurs intérêts d’élus qui priment sur les aspirations des citoyens », tacle-t-elle.
« Sadok Bouzaiene nous a dit que c’était à nous d’assumer notre différence »
Les militants ont demandé aux élus de, soit mettre le sujet du burkini à l’ordre du jour du prochain conseil municipal, soit tester l’ouverture d’une piscine au burkini, ou encore d’imaginer un créneau horaire dans la semaine, ouvert aussi aux femmes portant des maillots de bain couvrant. Inflexibles, les élus ont continué à se retrancher derrière les propos du maire.
Taous Hammouti, l’une des leaders du groupe, a bien essayé de les attendrir : « Des mamans vont encore passer un été sans pouvoir accompagner leurs enfants à la piscine et, comme les papas travaillent, les enfants ne pourront pas aller à la piscine », leur a‑t-elle lancé.
D’après les militantes, l’argument aurait eu un petit effet sur leurs interlocuteurs, mais pas au point de les faire sortir de leur réserve.
Au final, l’entrevue n’aura donc rien donné. Mais les militantes ne comptent pas renoncer. Une remarque de Sadok Bouzaiene a même un peu plus encore échauffé les esprits : « Ils nous a dit que c’était à nous d’assumer notre différence », rapportent-elles, choquées. Et de réaffirmer qu’elles n’aspirent qu’à aller à la piscine comme tout le monde… sans renier leurs convictions.
Une chose est sure : ces militantes peuvent compter sur le soutien sans failles de l’Alliance citoyenne. Leur ligne de conduite repose « sur deux principes intangibles de la République : le respect de la liberté de conscience et l’accès pour tous aux services publics », affirme ainsi Adrien Roux, président de l’association.
Séverine Cattiaux