FOCUS – Depuis début février et jusqu’à fin mai, La Casemate accueille des ateliers art-science d’un genre particulier. Le projet « Galaxie » propose en effet au public de participer à des ateliers créatifs (écriture, vidéo, radio, dessin…) pour façonner un univers de science-fiction à plusieurs mains. Le tout accompagné par des artistes professionnels et des scientifiques.
Comme chaque mardi soir depuis la mi-février, le Média Lab de la Casemate s’anime pour le projet « Galaxie ». Ce soir c’est le musicien Santiago Nicola, membre du groupe de rap grenoblois Monkey Theorem, qui animera la séance. Il a déjà installé sa loopstation, deux enceintes et un micro. « Ce soir, c’est atelier beat-box », expliquent les organisateurs. « Mais à chaque atelier on aborde un média différent. Ça donne des ambiances très diverses ! »
Le rappeur Santiago Nicola montre aux participants le fonctionnement de la « loopstation » pour l’atelier beat-box. © CC-BY-SA 2.0
C’est là tout le concept de Galaxie : raconter un univers de science-fiction, mais à travers plusieurs médias. Écriture, musique, vidéo, dessin… Tout y passe. Si les amateurs de science-fiction sont les premiers à s’inscrire, le projet attire aussi des curieux et des créatifs motivés par une expérience de création collaborative. Les participants changent à chaque fois, mais certains reviennent régulièrement, happés par l’aventure.
« Je viens depuis le deuxième atelier », explique Abderrahmane, étudiant en thèse d’électronique. « L’univers avait déjà été créé, mais j’ai pu inventer un personnage, puis imaginer les logos des castes du peuple extraterrestre auquel il appartient. » Le troisième atelier était en effet consacré au graphisme, proposant aux participants de créer des affiches ou des logos en utilisant différents médiums (dessin, logiciels, collages…).
Participants lors de l’atelier graphisme de la Saga Galaxie, intitulé « Propagande ». © CC-BY-SA 2.0
Lors de l’atelier « Genesis », l’intervenante, scénariste, explique les ficelles de la création d’univers. – CC-BY-SA 2.0
Faire de l’art pour parler de sciences
« Pour nous, ce dispositif est une manière de parler de sciences autrement », explique Marion Sabourdy, chargée des nouveaux médias à La Casemate, le centre de culture scientifique de Grenoble. « Mettre en contact chercheurs, artistes et public crée une dynamique originale. Et la science-fiction est une bonne porte d’entrée pour aborder les sciences de manière ludique. »
À chaque atelier, sont présents deux scientifiques qui parrainent le projet : Cécile Renault, astrophysicienne et chercheuse au LPSC de Grenoble (Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie) ; et Éric Lewin, exogéologue, spécialiste de la planète Mars et des météorites, qui travaille à l’Observatoire des sciences de l’Univers de Grenoble (Osug).
Cécile Renault et Éric Lewin, marraine et parrain scientifiques du projet Galaxie. © CC-BY-SA 2.0
Tous deux contribuent régulièrement à des projets de vulgarisation ou de sciences participatives. Dans Galaxie, leur rôle est multiple. Ils sont à la fois inspirateurs d’idées et consultants scientifiques. « Dans le premier atelier, j’ai fait un panorama de l’état des connaissances en matière de cosmologie », explique Cécile Renault. Son exposé a manifestement inspiré les participants, puisque l’univers fictif qu’ils ont imaginé se concentre sur la notion d’énergie noire.
Elle poursuit : « Je tente d’apporter des éléments qui peuvent contribuer à nourrir l’imagination (fertile !) des participants. Et j’essaye de les recentrer un peu quand leurs propositions s’éloignent trop de la zone de crédibilité scientifique. » La chercheuse apprécie de sortir ainsi de sa zone de confort car « s’extraire de temps en temps du jargon et de la technique » lui permet de changer de perspective.
Cécile Renault, marraine scientifique du projet, explique ce qu’est la toile cosmique. © CC-BY-SA 2.0
Ce soir, pour l’atelier musique, l’astrophysicienne s’est justement creusé la tête : elle a déniché pour les participants une transposition sonore des signaux captés par le satellite Plank. Éric Lewin, quant à lui, leur fait découvrir « le son des étoiles filantes ». Tout un programme.
Une saga « transmédia »
Côté artistique, c’est le collectif d’intervenants La Fabrique Média qui est aux commandes. Sept intervenants différents se relayent tout au long de la saga pour animer les ateliers. Ils et elles sont scénariste, dessinateur, musicien, réalisatrice, vidéaste, programmateur de jeux vidéos…
Une diversité nécessaire pour accompagner ce projet qui se veut « transmédia ». Mais qu’est-ce que signifie exactement ce mot ? « On dit d’un univers qu’il est « transmédia » quand il se déploie à travers plusieurs supports sans être une simple adaptation », explique Diane Ranville, scénariste et cofondatrice de La Fabrique Média. « Star Wars, par exemple, est un univers transmédia, car il raconte différentes facettes du même univers narratif à travers différents médias : cinéma, jeux vidéos, romans… »
Les participants sont très concentrés pour la création d’affiches et de logos. © CC-BY-SA 2.0
Le projet Galaxie est d’ailleurs mené en partenariat avec le « Master Transmédia » de Sciences Po Grenoble. Les étudiants de la formation assistent à chaque atelier et réalisent des vidéos, live-tweets et compte-rendus que l’on retrouve notamment sur le site Échosciences.
Expérimenter un récit collaboratif
À chaque atelier, les participants sont invités à travailler en équipe. L’ambiance est bon enfant, et très vite on voit des inconnus dialoguer ensemble avec passion sur les potentiels enjeux éthiques de la consommation d’énergie noire, avant d’écrire à quatre mains le résultat de leurs réflexions.
Cette dimension collaborative est déjà au cœur des valeurs portées par le Média Lab de La Casemate, qui encourage la production open source et le partage de savoirs. Au sein du projet Galaxie, cela se retrouve dans la structure même du projet, puisque tous les participants sont invités à s’approprier et à co-construire une même histoire.
Ambiance d’un atelier de Galaxie dans le Fab Lab de la Casemate – CC-BY-SA 2.0
« C’est un récit à 100 mains », s’enthousiasme Laura Schlenker, deuxième cofondatrice de La Fabrique Média. « Il y a un côté vraiment expérimental dans ce projet. On innove en termes d’écriture collaborative en mobilisant la créativité et l’intelligence collective des participants. »
Et Morgane Schmitt Giordano, autre intervenante, de compléter : « C’est comme une grande pyramide en construction où chacun pose des briques qui seront utilisées par les suivants ». En effet, les personnages des uns ont inspiré les affiches des autres, et les musiques créées ce soir pourront servir de bande-son aux vidéos de l’atelier suivant.
Six ateliers sont encore à venir jusqu’à fin mai : vidéo, radio, character design, animation en motion graphics, création de jeu vidéo et maker. À savoir conception d’objets grâce aux machines du Fab Lab de La Casemate.
Diane Hentsch
Les inscriptions sont ouvertes sur le site de La Casemate.