FOCUS – Le préfet de l’Isère a ordonné la fermeture pour six mois de la mosquée Al-Kwathar à Grenoble. En cause : les propos d’un de ses imams incitant à la violence et à la discrimination et légitimant le djihad armé. Le prédicateur et l’association gestionnaire ont également fait l’objet d’une mesure de gel de leurs avoirs, dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme. Radicalisation ? Dans l’agglomération, les signes visibles d’un durcissement de la lutte se multiplient ces dernières semaines.
Le préfet de l’Isère a ordonné, ce 5 février, la fermeture pour six mois de la mosquée Al-Kwathar à Grenoble. La mesure prendra effet le 7 février si aucun recours contentieux n’est déposé dans un délai de quarante-huit heures.
En cause ? « Les propos tenus et les idées et théories diffusées au sein de ce lieu de culte provoquent à la violence, à la haine et à la discrimination », soulignent les services de la préfecture dans un communiqué.
Qui précisent encore : « À travers plusieurs de ses prêches, l’imam légitime le djihad armé, provoque à la violence, à la haine et à la discrimination contre les fidèles des autres cultes et véhicule un message contraire aux valeurs républicaines en légitimant la charia et la discrimination envers les femmes. »
L’arrêté préfectoral intervient à l’issue d’une procédure contradictoire menée avec les représentants de l’association gestionnaire du lieu de culte, « qui n’ont pas contesté la teneur des propos tenus en son sein », précise la préfecture.
Gel des avoirs de l’imam et de l’association gestionnaire
Les prêches radicaux de l’imam ne sont pas seuls en cause. La structure gestionnaire du lieu de culte, l’association musulmane dauphinoise (AMD), est également directement visée. Comme l’imam, celle-ci a ainsi fait l’objet d’un gel des avoirs par arrêté conjoint du ministre de l’Économie et des Finances et du ministre de l’Intérieur. Une sanction financière dans l’objectif de lutter contre le financement du terrorisme.
Grande salle de prière de la mosquée Al-Kawthar de la Villeneuve. © Florian Espalieu – Place Gre’net
Ce n’est pas la première fois que cette mosquée située rue des Trembles dans le quartier de La Villeneuve à Grenoble est le théâtre de faits de radicalisation. Le 3 juin 2014, un imam tunisien, soupçonné d’avoir recruté des djihadistes, avait été interpellé à sa sortie. En novembre 2015, une jeune Grenobloise qui fréquentait la mosquée Al-Kwathar avait par ailleurs quitté sa famille pour partir faire le djihad en Syrie.
L’islam radical a‑t-il trouvé à Grenoble un terreau fertile ?
L’annonce de la fermeture temporaire de la mosquée Al-Kwathar intervient en effet quelques jours avant le délibéré, attendu le 12 février, de l’école Philippe-Grenier. Cette école musulmane basée à Échirolles est prévenue pour avoir tenté de se soustraire à un contrôle de l’Éducation nationale et pour dispenser « un enseignement non conforme à l’instruction obligatoire malgré mise en demeure ». Elle pourrait à son tour faire l’objet d’une procédure de fermeture.
« C’est une école que l’on doit qualifier d’école salafiste », avait souligné le procureur de la République Olivier Nagabbo lors de l’audience. « C’est de l’obscurantisme, du lavage de cerveau. Cette école est nocive. »
Hassan Iquioussen, conférencier controversé, bientôt à Échirolles
L’annonce intervient aussi à quelques jours, le 17 février, de la venue à Échirolles d’Hassan Iquioussen. Ce n’est pas la première fois que le conférencier, proche de la mouvance des Frères musulmans, est invité à s’exprimer dans l’agglomération. Mais sa venue est controversée.
Car l’homme a, à plusieurs reprises, été épinglé pour ses propos antisémites. Et reste dans le viseur des services de renseignement. En 2017, sa venue à Mulhouse avait d’ailleurs dû être annulée.
Cette invitation, l’association des musulmans unis, gestionnaire de la mosquée Teisseire, l’assume pleinement. « Le dimanche 17 février 2019, la mosquée de Teisseire a invité un conférencier qui est une grande figure du prêche, peu importe ce que des personnes peuvent penser, souligne-t-elle sur sa page Facebook. Nous ne sommes pas les avocats de Hassan Iqioussen ou quelqu’un d’autre (…). Nous faisons venir des conférenciers dans le cadre de notre projet de construction de mosquée. » *
Cette conférence vise en effet, entre autres, à récolter des dons pour construire la future mosquée de Teisseire dont les premiers coups de pelle sont attendus dès septembre prochain. Le permis de construire a été délivré fin 2018 par la mairie de Grenoble.
L’annonce de cette conférence n’a pas été du goût de tous. L’association dit avoir dû faire face à de nombreux « messages de haine et de violence de la part de certains musulmans ayant une vision littéraliste de l’islam, et ne souhaitant pas la venue d’Hassan Iquioussen ». Elle a aussi fait bondir le représentant élu du Rassemblement national à Échirolles, ville où se tiendra cette conférence. Alexis Jolly a d’ailleurs écrit au préfet de l’Isère pour demander l’interdiction de la conférence. (article mis à jour le 6 février à 22 heures)
Patricia Cerinsek
* Dans un courrier qu’elle nous a adressé le 6 février, l’association des musulmans unis s’étonne de voir son nom associé à un article traitant des problématiques de « prêches radicaux » ou « d’incitation à la violence ». « Nous ne souhaitons pas entrer dans la polémique au sujet des propos tenus par Hassan Iquioussen mais il semble nécessaire de préciser qu’il a lui même, dès 2004, démenti être antisémite », précise l’association. Laquelle réaffirme sa « désapprobation totale et complète à toutes formes d’antisémitisme, [l”]association œuvrant de manière active depuis des années à entretenir un dialogue interreligieux nourri, prospère et sincère. À ce sujet, nous recevons très régulièrement le rabbin Nissim Sultan et des représentants du diocèse de Grenoble au sein de notre mosquée. » (article mis à jour le 6 février à 22 heures).