FOCUS — Les enseignants des lycées professionnels appelaient à la grève et à la manifestation jeudi 27 septembre. Un mouvement national relayé au niveau local, où un groupe de professeurs de l’Isère mais aussi de la Drôme est allé crier sa colère sous les fenêtres du rectorat de Grenoble.
Après les AESH et la cité scolaire Stendhal, c’était au tour des enseignants en lycée professionnel (LP) de manifester devant le rectorat de Grenoble, jeudi 27 septembre. Le Syndicat national unitaire de l’enseignement professionnel (Snuep-FSU), la CGT Éduc’action, Sud Éducation et le Syndicat national de l’éducation physique (Snep-FSU) appelaient les professeurs des LP de l’Isère, mais aussi de la Drôme, à participer au mouvement national de grève et à crier leur colère.
Malgré une affluence modérée devant le rectorat, la police était très présente pour surveiller les manifestants. © Florent Mathieu – Place Gre’net
Motif de la grogne ? La réforme de la fonction publique annoncée par le gouvernement, qui prévoit la suppression de 2 600 postes dans l’Éducation nationale. Les manifestants sont en effet convaincus que l’enseignement professionnel sera en première ligne. Pour Pascal Michelon, membre du Snuep et enseignant de mathématiques, le calcul est simple : « On pense que les lycées professionnels auront au moins les deux tiers des 2 600 ».
Une formation professionnelle « Kleenex » ?
Et la réduction des postes ne s’arrête pas là. « La réforme prévoit 50 000 postes en moins dans la fonction publique d’ici 2022. Notre calcul, a minima, c’est entre 3 500 et 4 000 postes en moins sur les trois pour l’enseignement professionnel », ajoute Pascal Michelon. Qui dénonce, à l’image de ses camarades et confrères syndicalistes, une volonté purement budgétaire, dénuée de prise en compte de la réalité des établissements.
Quelles conséquences ? Une réduction des temps d’enseignement général, sur des matières comme les lettres, l’histoire, les sciences ou les mathématiques. Un positionnement qui révolte
Nathalie Geldhof, de la CGT Éduc’action. « On a besoin de jeunes avec une formation professionnelle diplômante mais de longue durée, que ce ne soit pas une formation Kleenex qui, dans deux ans, ne servira plus à rien ! », dénonce-t-elle.
Les bacheliers professionnels, premiers “récalés” de Parcoursup
Exemple de ces réductions : « Pour un CAP, on a actuellement 228 heures d’enseignement purement disciplinaire, et on va passer à 110 heures », détaille la syndicaliste. Des baisses nuisibles à l’accès à l’université. « Ce n’est pas en leur donnant moins d’enseignement général que ces élèves pourront accéder aux prérequis mis en place par Parcoursup », s’agace Pascal Michelon. « 60 à 80 % des élèves qui n’ont pas trouvé de place sont des bacheliers professionnels, il faudrait peut-être le dire ! », ajoute-t-il.
L’éducation physique n’est pas mieux lotie. Yann Queinnec, professeur d’éducation physique à Sassenage, nous explique que ses cours vont diminuer d’une demi-heure par semaine en première et terminale. « On voit évoluer la composition corporelle de nos élèves. On voit une réelle épidémie d’obésité, et on va encore réduire la place du corps et de la pratique physique dans leurs études ! », s’indigne-t-il.
N’en jetez plus ? Les heures d’enseignement professionnel seraient également touchées par les réductions. 300 heures en moins sur un Bac de trois ans, affirme Nathalie Geldhof. Et Pascal Michelon d’ironiser : « Peut-être que c’est une volonté de dire à ces élèves qu’ils n’ont pas besoin de formation ou de culture commune, mais juste à traverser la rue pour trouver un emploi… »
Une « casse de l’Éducation nationale »
Plus sérieusement, le syndicaliste du Snuep voit surtout dans ces mesures touchant en premier lieu les lycées professionnels du cynisme politique. « C’est toujours plus facile de taper sur les familles les plus défavorisées, sur les élèves les plus en difficulté. Le retentissement dans les urnes et sur la scène médiatique est moins important », estime-t-il.
Pose volontaire pour des enseignants qui ne veulent pas être oubliés © Florent Mathieu – Place Gre’net
Et le retentissement médiatique, c’est bien ce que les enseignants des LP ont voulu obtenir avec cette journée de grève, spécifique à ces établissements du secondaire. « Les médias parlent moins des lycées pros, qui concernent tout de même 30 % des élèves », juge encore Pascal Michelon. Et de conclure : « Comme nous sommes les principaux impactés dans cette casse de l’Éducation nationale, il nous a semblé important de nous mobiliser sur cette question précise ! »
Florent Mathieu