FOCUS – Face à la prolifération des moustiques tigres sur l’agglomération grenobloise, l’Union de quartier Île Verte de Grenoble propose d’expérimenter des “aspirateurs à moustiques”. Ou, plus précisément, des bornes simulant la respiration, l’odeur et la chaleur d’un être humain pour piéger le moustique dans ses filets.
Des “aspirateurs à moustiques tigres” dans le quartier Île Verte de Grenoble ? C’est en tout cas la suggestion de son Union de quartier, en lien avec la société Qista, créatrice de ces machines anti-moustiques d’un genre nouveau. L’idée ? Proposer à la municipalité grenobloise de réaliser une expérimentation pour juger de la qualité du dispositif à échelle urbaine.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le quartier a répondu présent. Le 31 mai dernier, une trentaine d’habitants de l’Île Verte avait fait le déplacement dans la salle des Vignes pour entendre Camille Muranyi-Kovacs et poser de nombreuses questions. Preuve que le quartier, et ses habitants, n’en peuvent plus des moustiques…
Chargé de mission sur l’évaluation des risques sanitaires auprès de la Ville de Grenoble, Hugues Fradet confirme : alors qu’en 2016, les services de la Ville ont effectué en tout 77 visites à domicile pour des problèmes de moustiques, les demandes explosent en 2018. Pluies fréquentes et chaleur ont créé un cocktail détonnant pour toutes les espèces de moustiques. Mais le moustique tigre se distingue par son appétit… et son agressivité.
Un simulateur d’être humain pour attirer les moustiques
Comment fonctionne l’aspirateur à moustiques de la société Qista ? La machine tend en réalité à simuler une personne humaine. En émettant des molécules de CO2 que le moustique peut repérer dans un rayon de 60 mètres, une odeur créée à l’aide d’acide lactique et, enfin, de la chaleur. Autant d’éléments susceptibles d’attirer le moustique au moment du « repas sanguin », soit en phase de chasse. L’insecte se rapproche ainsi de la borne jusqu’à être happé, puis meurt desséché dans un filet. Le moustique tigre étant par nature diurne, les bornes ne fonctionneraient qu’en journée.
Si l’appareil soulève des craintes sur l’environnement, Qista se veut rassurante : la quantité de CO2, par ailleurs issu du recyclage, n’est pas différente de celle émise par un être humain. « Une borne, c’est un habitant de plus dans le quartier », résume ainsi Hugues Fradet. Quant au risque d’attirer d’autres insectes, il est minime : le principe de la machine est bien de cibler le moustique, et c’est lui que l’on retrouve en grande majorité dans les filets.
Le dispositif peut, par ailleurs, s’allier à d’autres méthodes de lutte contre le moustique tigre. À l’image du projet d’installations de nichoirs à chauves-souris, mésanges bleues et hirondelles sur Grenoble. Nocturne, la chauve-souris est une faible menace pour le moustique tigre. Mais les deux espèces d’oiseaux pourraient, elles aussi, participer à réguler la population des insectes affamés.
De 1 000 à 2 300 euros selon les modèles
Dans tous les cas, Camille Muranyi-Kovacs préfère prévenir : l’aspirateur à moustiques n’est pas une solution miracle. Il convient de l’installer au bon endroit, et les partenaires techniques de la société évaluent avec leurs clients les zones à privilégier.
Les particuliers doivent par ailleurs veiller aux précautions d’usage pour éviter la prolifération des moustiques à leur domicile, en éliminant au maximum tout contenant d’eau stagnante. Y compris les moins évidents. Tels le Diable, les œufs et les larves de moustiques se cachent dans les détails.
Bien utilisée, la machine semble donner des résultats satisfaisants. Si Qista équipe en majorité des ménages, elle a d’ores et déjà signé des contrats avec des collectivités, ou travaille avec le Village nature de Disneyland Paris. Sans surprise, les bornes ont un coût : près de 1 000 euros le modèle pour les particuliers… et 2 300 euros pour les modèles urbains, plus solides et anti-vol. Une somme à laquelle s’ajoute la bouteille de CO2 à 80 euros, qu’il convient de changer tous les mois.
Gilles Namur, président de l’Union de quartier Île Verte, comme Hugues Fradet, incitent ainsi les habitants du quartier à faire remonter leur motivation à la municipalité. À commencer par l’élu de secteur Antoine Back et l’adjointe aux Espaces publics Lucille Lheureux. « Je participerai au projet, mais pour que les élus marchent à fond dedans, il faut que ce soit une demande qui vienne de vous. Si c’est moi, technicien, qui vais voir un élu pour lui dire de le faire, il va m’envoyer paître ! », explique sans ambages Hugues Fradet.
Une expérimentation dans un « délai raisonnable » ?
Comment se déroulerait l’expérimentation ? L’idée évoquée serait d’installer cinq bornes, dans des endroits stratégiques, à proximité des sites larvaires, afin de mesurer leur impact. Des résultats concluants pourraient amener la Ville à généraliser les bornes, au moins à proximité de zones sensibles telles que les écoles. Une solution parmi d’autres peut-être, face à une espèce dont la progression semble dorénavant inéluctable sur l’agglomération grenobloise.
Une chose est certaine : les participants à la réunion publique adhèrent au projet, quand certains envisagent d’ores et déjà d’installer une borne à leur domicile. Sachant que la saison des moustiques commence de plus en plus tôt… et finit de plus en plus tard.