EN BREF – Le collectif contre les démolitions imposées à la Villeneuve de Grenoble intervient ce lundi 18 juin en début de conseil municipal de Grenoble. A‑t-il une quelconque chance d’infléchir la décision de la Ville de signer l’acte de démolition des immeubles 10 – 20 de la galerie de l’Arlequin ? Ou n’est-ce là qu’une démocratie participative de façade ? Les échanges filmés seront retransmis dans la salle 150 du quartier Villeneuve.
Soirée du débat sur la question de la démolition du 10 – 20 au conseil municipal retransmise à la Villeneuve, salle 150 © Séverine Cattiaux – Place Gre’net
Vers 18 h 30, ce lundi 18 juin, se déroule, en conseil municipal, « le débat » portant sur la démolition ou non du 10 – 20 galerie de l’Arlequin.
Point d’orgue d’une lutte engagée par les habitants et les militants anti-démolitions depuis deux ans, et sans doute dernière occasion d’infléchir la décision de la Ville de Grenoble, très déterminée à démolir le 20 et peut-être également le 10 galerie de l’Arlequin…
Le projet n’est pas tout à fait clair encore. Les échanges devraient durer une heure trente. Étant donné le caractère exceptionnel de cette intervention, un dispositif de retransmission des échanges est installé salle 150 du quartier de la Villeneuve, au plus près des habitants concernés au premier chef. Ils sont en effet nombreux à avoir signé la pétition ayant récolté 2 092 signatures.
Vingt minutes pour convaincre…
Trois membres du Collectif contre les démolitions imposées vont prendre la parole durant deux fois dix minutes, temps qui leur a été imparti : deux militants du Droit au logement (Dal) et un représentant de l’association Résidents du 10 – 20 galerie de l’Arlequin. Ils devraient redire ce qu’ils ne cessent de clamer, depuis deux ans, au fil de leurs interventions et coups de gueule divers.
Manifestation le 16 juin des pétitionnaires contre la démolition du 10 – 20 de la galerie de l’Arlequin, deux jours avant le débat en conseil municipal © Séverine Cattiaux – Place Gre’net
À commencer par le fait que les logements du 10 – 20 de la galerie de l’Arlequin sont de qualité et parmi des logements plus robustes de Grenoble.
Militants et habitants fustigent par ailleurs cette « gabegie » qui consiste à détruire des logements, alors qu’il en manque dans la Métropole, sous la pression d’une Agence de renouvellement urbain dont les buts vont à l’encontre de l’intérêt des habitants.
La politique de l’Anru dans le viseur
Le collectif ne devrait pas non plus manquer de dénoncer la politique de l’Anru, qui conduit selon lui à chasser les plus pauvres de quartiers agréables, proches du centre-ville, pour les repeupler de familles moins précaires et augmenter au passage les loyers. Militants et habitants ré-expliqueront, comme ils l’ont fait à plusieurs reprises, combien cette opération juteuse est destructrice du vivre-ensemble à la Villeneuve et en quoi elle ne profite au final qu’au bailleur Scic Habitat Rhône Alpes devenue CDC Habitat, rémunéré par l’Anru pour démolir, et aux entreprises du BTP payées pour reconstruire.
Le Dal et le collectif contre les démolitions imposées à la Villeneuve, au conseil métropolitain le 6 avril 2018 © Séverine Cattiaux – Place Gre’net
Enfin, les Résidents du 10 – 20 ne manqueront pas d’évoquer une énième fois, devant le maire de Grenoble et les élus du conseil municipal, le contenu de la loi Lamy, qui enjoint les décideurs des projets de renouvellement urbain de tenir compte de la parole des habitants.
À ce propos, le collectif annonce avoir déposé un recours gracieux contre la délibération votée par le conseil métropolitain le 6 avril dernier, portant sur le bilan de la concertation des projets Anru.
Enfin, les militants devraient de nouveau fustiger le vote lors de ce conseil municipal d’un protocole de relogement qu’ils estiment au rabais, pour lequel l’avis des habitants a été dénigré.
Un débat cousu de fil blanc ?
Après l’intervention des pétitionnaires, les groupes d’opposition et la majorité s’exprimeront à tour de rôle, durant un temps également contraint. Puis la parole reviendra au collectif. Le maire Eric Piolle devrait alors conclure. Au lieu d’un débat, on devrait donc plutôt assister à une suite de prises de paroles, dont l’issue est ficelée d’avance.
À l’heure qu’il est, chaque intervenant a déjà posé un point final à sa déclaration. Le texte que prononcera le maire de Grenoble est, lui aussi, fin prêt ou pas loin de l’être.
De prime à bord, les pro et les anti-démolition du 10 – 20 sont connus et ne devraient pas changer de camp.
La majorité du Rassemblement citoyen, de la gauche et des écologistes (RCGE) et le Rassemblement de gauche et de progrès sont tous deux favorables aux démolitions de 10 – 20. Les deux groupes ont d’ailleurs voté ensemble, lors du dernier conseil municipal, la délibération portant sur le protocole de relogement des habitants du 10 et du 20 de la galerie de l’Arlequin.
Comme à l’accoutumé, les deux ex-colistiers de la majorité, qui forment dorénavant le groupe Ensemble à Gauche, devraient prendre faits et causes pour le collectif. Ce groupe n’a en effet eu de cesse de relayer les revendications des habitants du 10 – 20 dans l’enceinte du conseil municipal.
Quant aux groupes Les Républicains UDI Société civile et le Rassemblement national (ex-FN), ils semblaient, lors du dernier conseil municipal, prêter une oreille attentive aux requêtes des habitants. Mais leur avis sur le fond du dossier, à savoir la démolition de ces deux immeubles, demeure plutôt évasif.
Un probable débat dans le débat
D’après ce qu’en savent les membres du collectif, des groupes politiques ont manifesté leur désapprobation quant à la tenue de ce débat.
La démolition de l’immeuble 20 de la Galerie Arlequin à la Villeneuve doit permettre l’ouverture sur le parc, selon la mairie. Octobre 2017 © Séverine Cattiaux – Place Gre’net
Il est vrai que le dispositif d’interpellation et de votation citoyenne a été annulé par le tribunal administratif le 24 mai dernier alors que les pétitionnaires avaient, eux, finalisé la récolte des signatures.
Le maire Eric Piolle n’a pas voulu renoncer à l’intervention du collectif, sachant pertinemment qu’on le lui aurait âprement reproché.
« Il se pourrait que l’on assiste à débat dans le débat », redoutent ainsi des militants du collectif. Mais ce n’est pas notre sujet. »
Séverine Cattiaux
LE PORTE-PAROLE NATIONAL DU DAL SOUTIENT LE COLLECTIF
Ce samedi 16 juin, le collectif a organisé une fête pour célébrer « l’imposition du débat au conseil municipal » en invitant les 2 092 personnes signataires à venir. Ils étaient loin d’avoir tous fait le déplacement. Toutefois, une petite centaine de personnes a répondu à l’appel.
Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole national du Dal, le 16 juin 2018, à la Villeneuve, en soutien au Collectif contre les démolitions imposées. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net
Pour l’occasion, Jean-Baptiste Eyrault, le porte-parole national du Droit au logement, est venu apporter son soutien à la lutte du collectif. « Il y a de nombreux quartiers en France où la lutte s’est engagée, comme ici, contre les démolitions. Elle n’est pas facile parce qu’en face, la détermination du pouvoir financier, immobilier et politique pour détruire les quartiers est forte », a‑t-il déclaré aux habitants venus l’écouter.
Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole national du Dal, le 16 juin 2018, à Villeneuve, en soutien au Collectif contre les démolitions imposées. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net
Les porte-paroles du Dal envisagent en effet de sombres perspectives pour les quartiers urbains en France. « Le processus de démolition mis en place avec l’Agence nationale de renouvellement urbain va encore s’aggraver avec le projet de loi Élan [évolution du logement et aménagement numérique, ndlr] », a prévenu Baptiste Eyrault.
Le porte-parole national du Dal dit, par ailleurs, avoir bon espoir que « la Ville de Grenoble revienne en arrière », au regard de la mobilisation locale et du contexte national que ne devrait pas, en principe, cautionner la municipalité…