FOCUS – Une marche partie du rectorat ce jeudi 3 mai à 14 heures s’est poursuivie jusqu’à la préfecture de Grenoble. Les manifestants, des psychologues de l’Éducation nationale, s’opposent, avec le soutien d’étudiants et de professeurs du second degré,
au projet de régionalisation de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep).
Des drapeaux de la CGT, du Snes-FSU, de Force ouvrière (FO) et de Solidaires étudiant-e‑s flottaient devant le rectorat ce jeudi 3 mai en début d’après-midi. En cause, le projet de régionalisation de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep) auquel s’opposent des psychologues de l’Éducation nationale.
Une vingtaine d’étudiants opposés à la loi Vidal, prévoyant notamment une sélection à l’entrée des universités, ont rejoint les salariés du secondaire devant le rectorat de l’Isère, avant de partir jusqu’à la préfecture, place de Verdun. Au total, environ 200 personnes ont ainsi participé à cette marche intersyndicale.
Contre le transfert des compétences de l’orientation aux régions
Les manifestations s’inscrivent dans le cadre des luttes contre les réformes du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, mais aussi contre le projet de loi « Liberté de choisir son avenir professionnel », présenté il y a un mois par la ministre du Travail Muriel Pénicaud.
Actuellement, les délégations régionales de l’Onisep, qui dépendent des rectorats, récoltent des informations sur les formations et professions du territoire. Par exemple, l’Onisep de la région Auvergne-Rhône Alpes a publié un catalogue sur les métiers de la montagne. L’ensemble de ces informations sert à constituer une base de données identique pour tous. Les documents sont ensuite envoyés aux élèves, aux parents et aux établissements dans toute la France.
L’article 10 du projet de loi « Liberté de choisir son avenir professionnel » concentre la contestation : « Les missions exercées par les délégations régionales de l’Office nationale d’information sur les enseignements et les professions (Dronisep) sont transférées aux régions. »
Avec la régionalisation, « l’objectif est de clarifier et recentrer les positions de chacun, au service des élèves, en fonction de son périmètre », explique le ministère de l’Éducation nationale. Il n’y aurait donc plus une instance nationale donnant une information unique, mais des bureaux régionaux en charge d’orienter les étudiants selon leur zone géographique.
« On ne va pas forcer un lycéen à travailler dans le bâtiment s’il n’en a pas envie »
Les manifestants redoutent ce transfert de pouvoir de l’Onisep vers les régions. Parmi les militants, Frédérique Penavaire, directrice du Centre d’information et d’orientation (CIO) de Bourgoin-Jallieu, par ailleurs responsable académique du Syndicat national des enseignants de second degré (Snes-FSU) catégorie psychologues de l’éducation nationale, s’insurge contre la régionalisation de l’Onisep.
La directrice du CIO, qui a participé à l’audience avec le chef de cabinet du recteur ce jeudi midi, craint pour son rôle de conseillère en orientation. Et redoute que les formations mises en avant dans les régions soient dictées par les besoins locaux et les intérêts court-termistes au détriment du choix personnel de l’élève.
« Nous voulons une logique d’accompagnement des élèves, explique-t-elle. On ne va pas forcer un lycéen à travailler dans le bâtiment s’il n’en a pas envie, même si à court terme, ce secteur embauche ici ».
Vers la disparition des CIO ?
Autre inquiétude : le projet de loi prévoit de transférer les délégations régionales de l’Onisep. Les psychologues de l’Éducation nationale seraient ainsi affectés dans les collèges et les lycées. Cette régionalisation inquiète les psychologues de l’Éducation nationale qui y voient la fin d’un service public d’information nationale sur l’orientation.
« À Bourgoin-Jallieu, nous accueillons 4 000 personnes », affirme Frédérique. « Si nous sommes affectés dans les lycées, nous ne pourrons pas recevoir les lycéens qui décrochent. Ces jeunes ne vont pas retourner aussi facilement dans un lieu où ils sont exclus. Nous recevons aussi 20 % d’adultes, des allophones et des étudiants. Au lycée, ces populations seront mises à l’écart. »
En filigrane, la disparition des CIO serait programmée. « La suppression des CIO n’est pas inscrite dans la loi mais si les psychologues de l’Éducation nationale sont affectés dans les lycées, les CIO n’auront plus de raison d’être. »
Soutien des professions du secondaire
Frédérique se sent rassurée : « L’ensemble des professions du secondaire est mobilisé. Nous avons reçu le soutien du syndicat national des chefs d’établissement d’enseignement libre, ainsi que celui des associations de parents d’élèves. »
Olivier, professeur de Sciences de l’ingénieur en lycée général et technologique au Pont-de-Cheruy a, lui aussi, tenu à participer aux manifestations. « Si les régions s’occupent de l’orientation, c’est la fin d’une idée du service national. Les besoins régionaux pourront être dictés par le patronat. Un projet d’orientation doit être personnel. »
Les manifestations ont été aussi pour lui l’occasion de manifester son désaccord avec Parcoursup, la plateforme des bacheliers recueillant leurs vœux d’études supérieures.
Olivier affirme : « Sous des prétextes d’individualisation, on veut renvoyer aux lycéens la responsabilité de leur échec. Avec APB [la plateforme Admission Post-Bac qui a été remplacée par Parcoursup, ndlr], tu n’étais pas pris parce qu’il y avait un manque de place. Avec Parcoursup, tu n’es pas pris parce que tu n’as pas le niveau. Pourtant, chaque année, il y a 150 000 bacheliers supplémentaires mais le gouvernement ne crée pas de nouvelles places. »
Une prochaine journée d’action est prévue par les organisations syndicales le 22 mai pour défendre le service public.
Édouard Merlo