ENTRETIEN - Avoir le « droit de dormir avant de mourir pour ne pas souffrir ». Telle est l'expression du Dr Leonetti pour définir la sédation continue prolongée et maintenue jusqu'au décès (SCPMD) autorisée par la loi sur les droits des patients en fin de vie, votée en 2016. Comment les médecins et personnels soignants du Centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes (Chuga) s'en emparent-ils et quelles sont les difficultés rencontrées dans sa mise en œuvre ? Éléments de réponse avec le professeur Robert Juvin, responsable de l’Espace Éthique au Chuga.
JUGÉE IMPARFAITE, LA LOI SUR LA FIN DE VIE NE FAIT PAS CONSENSUS
Signe que les “défauts” de la loi Léonetti-Claeys encadrant la sédation continue prolongée et maintenue jusqu'au décès (SCPMD) secouent en profondeur la société, les débats se multiplient à l’échelon national (cf. encadré an bas d'article) autant que local.
Ce jeudi 26 avril, c'est au tour de l’Ordre maçonnique mixte et international d’organiser une conférence publique sur « la fin de vie et l’euthanasie » à l’auditorium du Musée de Grenoble. Ce, en présence du Grand maître national du droit humain, Alain Michon, lui-même grenoblois et de Georges Juttner, président de la commission de bioéthique de la Fédération. Une conférence donnée par Philippe Mahoux, sénateur honoraire belge, chirurgien, co-auteur de la loi sur les soins palliatifs et l’euthanasie.
Fin janvier 2018, la délégation iséroise de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) a quant à elle animé à Grenoble une grande réunion d’information sur la loi belge de 2002 encadrant l’aide active à mourir.
Il revient aux médecins de gérer la lourde question de la fin de vie
Loi trop méconnue, incomplète, imparfaite ? On en oublierait presque qu’il revient aux médecins de l’appliquer stricto sensu. Comment ces derniers s’approprient-ils le texte Leonetti-Claeys et gèrent-ils la lourde question de la mort à donner aux patients en fin de vie qui en font la demande ?
Place Gre’net a voulu en savoir plus auprès du représentant pour ces questions au Centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes (Chuga). Le professeur Robert Juvin est rhumatologue, responsable de l’Espace Éthique et animateur d'un groupe pluri-professionnel sur les droits des patients en fin de vie.
PLACE GRE’NET – Les médecins et personnels soignants connaissent-ils tous la récente loi Leonetti-Claeys autorisant depuis 2016 la sédation continue prolongée et maintenue jusqu'au décès (SCPMD) pour les patients en fin de vie qui en font la demande ?
ROBERT JUVIN - La loi Leonetti-Claeys est effectivement méconnue du personnel hospitalier. Voilà pourquoi dans le cadre de l'Espace Éthique du Chuga nous menons toute une communication autour de cette loi.
Concrètement, nous allons de services en services pour expliquer aux médecins et soignants les nouveaux droits des patients en fin de vie. Ce qu'est une personne de confiance, les directives anticipées, etc.
L’autre difficulté à laquelle nous sommes confronté est la diffusion plus large de l'information car seulement 11 % des personnes de plus de 50 ans ont rédigé des directives anticipées. Il faudrait que ce soit davantage.
Comment le corps médical réagit-il à l’idée de pratiquer la SCPMD ?
La sédation continue prolongée et maintenue jusqu'au décès est une façon de répondre à la demande d’un patient en fin de vie, d'éviter les souffrances physiques et psychiques sans pratiquer l'euthanasie. C'est là toute l'habileté de la loi. Cela ne veut pas dire pour autant qu'on se donne bonne conscience. C’est toujours difficile pour un médecin de pratiquer cet acte.
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