EN BREF – La préfecture a‑t-elle fermé – volontairement – l’hébergement d’urgence situé au gymnase Vieux Temple sans proposer d’alternatives aux familles de migrants, qui se sont alors retrouvé à la rue ? Pour la préfecture, qui invoque une mauvaise communication en direction des familles, son dispositif a bien fonctionné. « Un mensonge pour ne pas perdre la face », fustige l’association Droit au logement, qui revient sur les faits.
Lundi 19 mars au soir, l’association Droit au logement a évité la mise à la rue de nombreuses familles de migrants.
En effet, le gymnase Vieux Temple, à Grenoble, qui servait d’hébergement temporaire à des migrants, a été fermé dans la journée, laissant les familles sans solution.
Selon la préfecture, il ne s’agirait que d’un regrettable malentendu. « Les personnes […] se sont présentées à nouveau au gymnase du Vieux Temple après avoir été mal informées. » Sans toutefois préciser par qui…
Le 115 aurait reçu pour consigne de ne pas réorienter les familles
Aux dires de la préfecture, il aurait suffi que les familles appellent le 115 pour être réorientées. Plusieurs familles de migrants ont témoigné qu’elles avait bien appelé le fameux numéro ce soir-là, sans obtenir de propositions d’hébergement.
« On a appelé le 115. Ils nous ont dit qu’on allait nous donner un autre gymnase, mais ils nous ont menti […] », témoignait Digana, jeune femme serbe, ce lundi 20 mars au soir, dans le gymnase Vieux Temple de Grenoble.
« La préfecture ne dit pas tout, dénoncent les militants de l’association Droit au logement, qui ont, eux aussi, contacté le numéro d’urgence sociale. Le 115 avait reçu pour consigne de la préfecture de ne pas orienter les personnes ! Le 115 nous a dit que seules les maraudes, quand elles constateraient des gens dans la rue, devaient orienter les personnes vers l’hébergement d’urgence ! »
Une fermeture « programmée » et « concertée »
La préfecture avait-elle effectivement prévu un hébergement pour les familles qui se trouvaient dehors, ce lundi 19 mars au soir ? Oui, elle prétend avoir fait le nécessaire. Elle soutient même que la fermeture du gymnase était « programmée » et « concertée ».
« Les acteurs de la veille sociale ont été informés de cette fermeture dès le 16 mars », argumente-t-elle de surcroît.
Les services de la préfecture déclarent avoir contrôlé l’ensemble des opérations de A à Z : « La fermeture du gymnase du Vieux Temple s’est déroulée sous le contrôle de la Direction départementale de la cohésion sociale, qui a veillé à la réorientation des personnes hébergées dans la soirée du 19 mars dans les gymnases – déjà ouverts – dans d’autres communes de la métropole ». Sur le terrain, au gymnase Vieux Temple, lundi soir, régnait pourtant bien une désorganisation manifeste…
La mise à l’abri des familles a été proposée sous la pression du Dal
Les militants du Dal ne cachent pas leur surprise à la lecture du communiqué de la préfecture, laquelle se dédouane de toute responsabilité. Et affirme anticiper les fermetures et assurer la continuité dans l’hébergement.
« L’ouverture du gymnase Frachon a été obtenue parce que nous avons fait pression et occupé le gymnase Vieux Temple ! rappellent les militants.
De fait, ce n’est que vers 21 heures que la préfecture a consenti à réorienter les familles du gymnase Vieux Temple vers le gymnase Frachon de Saint-Martin-d’Hères. Lequel abritait déjà une quarantaine de personnes… Les dernières personnes du gymnase Vieux Temple ont ainsi regagné celui de Saint-Martin-d’Hères vers 23 heures. « Preuve d’une organisation sans faille s’agace le Dal, qui plus est, au mépris des familles et des enfants qui sont trimbalées d’un gymnase à un autre ! »
Le Dal accuse la préfecture de désorganiser l’hébergement, à dessein
Non seulement la préfecture ne veut reconnaître un tant soit peu ses torts, mais se prévaut d’un « dispositif [qui] permet d’adapter en permanence des propositions d’hébergement d’urgence en fonction des conditions climatiques ». Du point de vue du Dal, il ne s’agit pas d’un simple « couac ». L’association accuse la préfecture de sciemment désorganiser l’hébergement temporaire pour réduire au passage l’offre d’hébergement.
« Cinquante personnes du gymnase Vieux Temple ont pu rejoindre le gymnase Frachon. Pourtant, elles étaient quatre-vingt dix à dormir, la veille encore, dans le gymnase Vieux Temple, s’étonne un militant du Dal. Il faut que la préfecture nous explique où, dans son organisation si bien huilée, sont passées les quarante personnes manquantes », interroge l’activiste de l’association Droit au logement.
Séverine Cattiaux