FOCUS – La journée de mobilisation des personnels pénitentiaire de ce jeudi 18 janvier a été particulièrement suivie en France. À la maison d’arrêt de Varces où deux agressions contre des gardiens en début de semaine ont mis le feu aux poudres, les surveillants ont bloqué leur établissement. Un mouvement qui devait se poursuivre ce vendredi 19 janvier dans l’attente d’un arbitrage gouvernemental.
« Bloquer la machine carcérale » Tel est le mot d’ordre de l’Ufap-Unsa justice, syndicat majoritaire au sein de l’administration pénitentiaire, et de la CGT Pénitentiaire à l’attention des personnels de surveillance. Les syndicats ont ainsi appelé dans un tract commun, ce jeudi 18 janvier, à renouveler le blocage des lieux de détention ce vendredi 19 janvier.
Après l’agression dont ont été victimes trois de leurs collègues de la maison centrale de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) le 11 janvier, les surveillants dénoncent les violences dont ils sont trop souvent victimes de la part des détenus. Notamment à Varces où deux gardiens on été agressés en début de semaine.
Si la problématique des détenus radicalisés et dangereux est au cœur des revendications, les personnels pénitentiaires demandent plus de moyens, des effectifs supplémentaires et une meilleure reconnaissance du métier de surveillant.
Deux agressions consécutives ont mis le feu aux poudres à Varces
« Mardi dernier, un gardien a failli prendre un stylo dans l’œil car un détenu a profité que l’œilleton de la porte de sa cellule était cassé pour viser ses yeux », relate Dimitri Garot, délégué Ufap-Unsa justice à la maison d’arrêt de Varces « Et mercredi, un détenu mécontent qui voulait se rendre à l’infirmerie sans avoir pris rendez-vous a donné un coup de poing dans l’abdomen d’un autre collègue. »
Les deux détenus ont été mis en prévention en quartier disciplinaire avant de comparaître devant la commission de discipline de l’établissement.
Mais ces deux événements de trop ont fini par mettre le feu aux poudres parmi les gardiens et ont poussé certains des personnels à bloquer l’établissement.
« Nous n’avons pas le droit de faire la grève. Ceux qui ont bloqué le site étaient soit en repos soit venaient tout juste de terminer leur service de nuit », rapporte le syndicaliste. Qui précise qu’une première mobilisation avait déjà eu lieu dès le lundi 15 janvier en soutien aux surveillants agressés à Vendin-le-Vieil. Entre temps, d’autres violences se sont produites dans d’autres lieux de détention, notamment à Mont-de-Marsan ou encore à Tarascon.
Depuis mardi 16 janvier, des négociations ont été ouvertes avec l’Ufap-Unsa justice et la CGT pénitentiaire. Elles sont pour l’instant suspendues, en attendant des arbitrages budgétaires de la Chancellerie et surtout de Matignon. Dès ceux-ci rendus, les négociations devraient reprendre, assurent les deux centrales syndicales.
« Nous restons vigilants en attendant les arbitrages budgétaires »
Pas si simple pour autant de mobiliser le personnel avoue Dimitri Garot. « Il y a un effectif sur Varces qui est relativement jeune, avec beaucoup de stagiaires qui doivent faire leurs preuves et craignent pour la suite de leur carrière », explique-t-il.
Quant à la reconduite du mouvement dans l’établissement ce vendredi 19 janvier, le syndicaliste ne pouvait se prononcer à l’heure où nous l’avons interrogé, ce dernier attendant la fin des discussions avec les autres secrétaires locaux. « Nous restons très vigilants parce que nous attendons les arbitrages budgétaires. Mais si nous constatons que ça traîne trop, nous pourrions remettre un petit coup de pression », avertit Dimitri Garot.
La sphère politique locale semble en tout cas vouloir s’emparer du problème. À commencer par la députée de la 9e circonscription de l’Isère et membre de la commission des lois, Élodie Jacquier-Laforge (Modem) qui a visité l’établissement, ce jeudi 18 janvier. Laquelle, selon Dimitri Garot, « s’est montrée vivement intéressée par ce que nous avions à dire ».
Une population carcérale difficile et des guerres de territoires
Quant aux agressions, actuellement au premier plan avec « de gros événements », elles n’ont rien d’exceptionnel, explique le responsable syndical. « Si je vous parlais de toutes les agressions qui se passent à Varces, cela n’intéresserait même plus les gens. Elles font partie de notre quotidien », déplore-t-il.
Signe positif selon le syndicaliste, l’administration de la prison de Varces « est très proche de son personnel ». Qui en veut pour preuve la signature d’une convention tripartite avec la gendarmerie de Vif et la substitut du procureur en charge de la maison d’arrêt.
« Quand il y a des agressions de personnels, cette procédure autorise des comparutions immédiates pour que les choses ne traînent pas et que les surveillants ne ressassent pas leur agression et puissent tourner la page le plus rapidement possible », se félicite Dimitri Garot.
Ces actes de violence sont en outre amplifiés par la “clientèle” délinquante spécifique au territoire de l’agglomération grenobloise. Une délinquance que les moyens déployés peinent à contenir, à en croire les déclarations récentes de Jean-Yves Coquillat, le procureur de la République de Grenoble. Ce dont convient Dimitri Garot : « Nous avons à Varces une population carcérale difficile… Les guerres de territoires que l’on peut retrouver à l’extérieur entre les quartiers, nous la retrouvons entre nos murs », déplore le syndicaliste.
Joël Kermabon