FOCUS – Arnaud Montebourg était l’invité, ce lundi 2 octobre à Grenoble, de l’intersyndicale et des salariés de General Electric Hydro en lutte contre un plan social menaçant 345 emplois. Un plan contre lequel le ministre de l’Économie et du Redressement productif de François Hollande leur a assuré avoir trouvé une parade. Tout en prévenant Bruno Le Maire, actuel ministre de l’Économie, de risques de poursuites pénales pour « détournement de fonds publics par négligence ».
Plus d’une centaine de salariés de General Electric Hydro sont venus écouter Arnaud Montebourg, l’ancien ministre de l’Économie, invité par l’intersyndicale de l’entreprise ce lundi 2 octobre dans la salle Dauphine d’Alpes Congrès à Grenoble.
C’est la deuxième fois que l’ancien avocat sort du bois, au terme du long silence médiatique qui a suivi son échec aux primaires de la gauche. La première date du 28 septembre, avec la publication d’une tribune dans Le Monde, sur la vente de la branche ferroviaire d’Alstom au groupe allemand Siemens.
Au premier rang, quelques politiques dont Christophe Ferrari, le président de Grenoble-Alpes Métropole, et Éric Piolle, le maire de Grenoble. Tous deux avaient assuré les salariés de GE Hydro de leurs soutiens respectifs.
Devant les salariés en lutte contre un plan social qui menace 345 emplois sur le site de Grenoble, Arnaud Montebourg a déroulé, durant une demi-heure, le scénario de la parade qu’il envisage de mettre en œuvre. Tout en mettant en garde Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie contre les risques de poursuites pénales pour « détournement de fonds publics ». Un habile mélange « de lutte syndicale, d’action politique et de saisine des juges d’instruction », a‑t-il promis.
« Il est impossible que le rachat des actions d’Alstom à Bouygues ne se fasse pas ! »
Arnaud Montebourg, déminant le terrain, s’est, dans un premier temps, défendu de toute démarche politique. « Je suis venu en citoyen engagé. J’ai un métier qui n’est pas compatible avec les débats politiciens mais parfaitement compatible avec votre cause. Je suis venu ici vous dire ce qui s’est passé et ce que vous pouvez faire », a posément expliqué l’ancien ministre à son auditoire. En guise de préambule.
Arnaud Montebourg s’est ensuite longuement attaché à expliquer comment il avait tenté, en 2014, en tant que ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique de François Hollande, de peser sur la vente « humiliante » des activités énergie du Français Alstom à l’Américain General Electric (GE).
Et tout particulièrement sur les actions Alstom que Bouygues a prêtées à l’État en 2014 au moment de la cession, le fer de lance de sa parade en l’occurrence.
Son plan d’action ? Sommer l’État d’exercer son droit d’achat sur ces fameuses actions. « Nous avions négocié une option d’achat, en toutes lettres dans cet accord du 21 juin 2014 […] Pour moi, il est impossible que le rachat des actions d’Alstom entre les mains de Bouygues ne se fasse pas ! », a lancé Arnaud Montebourg.
Qui rappelle qu’après la fusion Alstom-Siemens, dont le protocole d’accord a été signé ce 26 septembre, « une prime de 4 euros par action va être distribuée aux actionnaires, à laquelle s’ajoutent 4 autres euros au titre d’un dividende exceptionnel ». Pour l’ancien ministre, l’affaire est entendue : « Si l’État n’exerce pas son option d’achat, il abandonne au groupe Bouygues la modique somme de 380 millions d’euros du fait de la détention d’actions qu’il a refusé d’acquérir ».
Une menace de poursuites judiciaires à peine voilée
S’ensuit une menace à peine voilée à l’encontre de Bruno Le Maire. « Le ministre de l’Économie qui ne prendrait pas la décision de racheter serait en situation de risque pénal maximal puisqu’il se rendrait coupable de détournement de fonds publics par négligence », avertit Arnaud Montebourg. Et celui-ci de rappeler à l’occasion qu’il y a eu un précédent avec l’ancienne ministre des finances, Christiane Lagarde. L’État avait en effet été condamné à 400 millions d’euros dans l’affaire de l’arbitrage Tapie.
« Il n’y a pas d’autre solution que celle du rachat », estime Arnaud Montebourg, lequel considère que l’option est gagnante puisque que l’État deviendrait actionnaire principal d’Alstom.
Cependant, avertit l’ancien ministre « le temps presse puisque l’option d’achat parvient à expiration ce 17 octobre ».
Quid de GE Hydro ? « Ensuite, il va falloir, par la lutte syndicale, l’action politique, organiser le rachat à General Electric de votre entreprise », poursuit Arnaud Montebourg. L’ancien ministre en est convaincu, il ne serait pas difficile de trouver un acheteur, une fois qu’Alstom sous le contrôle de l’État aura racheté, considérant que « c’est une industrie que tout le monde rêve d’avoir ». « Je vais les chercher ces investisseurs ! », a‑t-il tenté de rassurer les salariés. Avant d’achever son intervention, sous les applaudissements nourris des salariés, en se qualifiant de « militant égaré de la cause du “made in France” ».
La direction de GE Hydro à Bercy pour s’expliquer sur le plan social
Au cours de la séquence de questions-réponses qui a suivi le discours d’Arnaud Montebourg, certains se sont étonnés de l’absence de réactions de la part du gouvernement et tout particulièrement de Nicolas Hulot, le ministre de l’Environnement. S’agissant d’un secteur industriel concernant l’hydroélectricité, une énergie durable, sa réaction était attendue… et n’est pas venue.
Plus localement, Émilie Chalas, la députée La République en marche (LREM) de la troisième circonscription de Grenoble, très active sur le dossier, n’est pas restée les bras croisés.
Cette dernière, qui s’est fendue, le 26 septembre, d’un article sur son compte Facebook, a également obtenu que la direction de GE Hydro puisse être reçue à Bercy pour s’expliquer sur le plan social en cours. « Je porterai à Bercy les propositions des salariés lors de cette rencontre entre le PDG de GE Renewable Energy et le ministre, à laquelle je participerai », a‑t-elle annoncé.
C’est tout à fait dans l’esprit de la proposition d’Éric Piolle qui a annoncé que Christophe Ferrari et lui-même, auxquels pourrait se joindre la députée de la circonscription, adresseraient un courrier au ministre de l’Économie. Dans quel but ? « Lui dire qu’il a une responsabilité dans les jours qui viennent qui peut être un préjudice fort pour l’État mais aussi pour le soutien de cette entreprise centenaire et sa contribution future à la transition énergétique », explique le maire de Grenoble.
Christophe Ferrari n’avait d’ailleurs pas attendu pour envoyer dès ce 2 octobre un nouveau courrier à Emmanuel Macron, le président de la République, concernant un projet de restructuration du site de General Electric de Grenoble.
Émilie Marche, conseillère régionale France insoumise (FI), estime, quant à elle, qu’il faut que le gouvernement fasse vite. « Pour l’heure nous avons zéro réponse. Ça commence à faire long, sachant que nous avons l’échéance du 17 octobre. Nous attendons qu’il agisse et puisse bloquer le plan social avec ses parts », déclare l’élue.
Et les salariés de GE Hydro, que pensent-ils de cette venue d’Arnaud Montebourg ? Deux d’entre eux nous ont fait part de leurs impressions juste après le meeting.