ENTRETIEN - Michel Destot ne s'en cache pas, il est un fervent partisan de la ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin. Rapporteur du projet de loi entre la France et l'Italie, missionné par Manuel Valls pour trouver de nouvelles sources de financement pour les travaux du tronçon transfrontalier, l’ex-député socialiste de l’Isère ne décolère pas depuis qu'Élisabeth Borne, ministre déléguée aux Transports, a annoncé mettre projet sur « pause ». Pour l’ex-maire de Grenoble, le Lyon-Turin n'est pas seulement un projet environnemental ou économique. Il est d'abord stratégique.
Que pensez-vous de l'annonce du gouvernement de vouloir réexaminer les grands projets d’infrastructures de transport, dont le Lyon-Turin ?
De quoi s’agit-il au juste ? D’une décision concernant le tunnel de base ou de celle relative aux accès ? S’il s’agit de la section transfrontalière, dont certains travaux ont déjà été engagés et qui correspond à un engagement tripartite (UE, Italie et France) ratifié par les parlements nationaux, on est en droit de s’interroger sur une telle décision unilatérale. La part de l’investissement pour la France s’élèvera à environ 200 millions d’euros par an pendant la durée du chantier. Ce montant pourra être financé en bonne partie par l’eurovignette, ainsi que nous l’avions proposé, Michel Bouvard et moi, dans notre rapport parlementaire au Premier ministre.
Cette décision vous surprend-elle ?
Elle est en tout cas en complète contradiction avec les engagements du candidat Macron pendant la campagne présidentielle, aussi bien concernant la politique européenne que celle relative aux déplacements. Il parlait alors avec force de relance de l’Europe à travers notamment des projets d’investissement comme le Lyon-Turin.
Il évoquait d’engager « en même temps », la montée en charge du fret ferroviaire (pour combler le retard considérable de la France en la matière), l’entretien du réseau ferré national et la réalisation de grandes infrastructures comme le Bordeaux-Toulouse, le canal Seine-Nord et surtout le projet Lyon-Turin.
Que devient cette politique « d’équilibre » ? Comment peut-on renier ses engagements en aussi peu de temps, surtout quand on se fait le chantre de la moralisation de la vie politique ? Et puis comment rendre efficientes des décisions ponctuelles sans les inscrire dans une politique d’ensemble à moyen et long terme ?
Nous assistons à une série d’annonces gouvernementales où l’on perd le fil de la cohérence économique, sociale et environnementale d’ensemble. Au nom de la réduction désordonnée, sinon désespérée, des déficits publics, on crée incompréhensions et malaises sur tous les fronts (défense nationale, collectivités territoriales, énergie, aide publique au logement…). Et les conséquences à terme rapproché de ces décisions, au-delà de l’impopularité et de l’inefficacité, seront de contrarier le redressement économique et social de notre pays.
Les raisons d’être de la ligne ferroviaire Lyon-Turin ont bien évolué avec le temps. D’abord dédiée au trafic voyageurs, puis au fret et désormais au report modal, cette nouvelle ligne semble naviguer au fil des critiques de ses opposants, sans véritable ligne directrice…
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