Romanche-Gavet : le défi éco­lo­gique du plus gros chan­tier hydro­élec­trique français

Romanche-Gavet : le défi éco­lo­gique du plus gros chan­tier hydro­élec­trique français

FOCUS – Débuté en 2012 dans la val­lée de la Romanche, aux portes de l’Oisans, le plus grand chan­tier hydro­élec­trique de France vise à rem­pla­cer six cen­trales et cinq bar­rages par un amé­na­ge­ment en grande par­tie sou­ter­rain. Cette réa­li­sa­tion XXL, atten­due pour 2020, pro­duira 560 GWh/an – soit l’é­qui­valent de la consom­ma­tion de 231 000 habi­tants – et per­met­tra ainsi d’augmenter de 30 % la pro­duc­tion d’énergie hydrau­lique. Un chan­tier pha­rao­nique dont l’un des défis consiste à limi­ter et com­pen­ser l’impact sur l’environnement.

Le barrage de Livet, ici en mai 2016. A l'époque , la nature n'avait pas encore repris ses droits sur les berges de l'ouvrage. © EDF Christophe Huret

Le bar­rage de Livet en mai 2016. A l’é­poque, la nature n’a­vait pas encore repris ses droits sur les berges de l’ou­vrage. © EDF Christophe Huret

Neuf hec­tares de ter­rain déboi­sés plus le ter­ras­se­ment. C’est ce qu’il a fallu pour construire le bar­rage et la prise d’eau sur la zone de Livet, dans l’Oisans, en Isère. L’impact sur le site n’a pas été neutre, même si “seule­ment” 1,5 hec­tare est réel­le­ment occupé par les ouvrages.

Aujourd’hui, la nature reprend ses droits. Les berges du bar­rage ont fait l’objet d’une rena­tu­ra­tion, opé­ra­tion leur per­met­tant de retrou­ver un état proche de leur état natu­rel ini­tial. « 500 kg de graines ont été récol­tés sur 25 km de part et d’autre du bar­rage pour pou­voir « rena­tu­rer », plan­ter, bou­tu­rer, ense­men­cer des espèces végé­tales locales, ce qui a per­mis un taux de réus­site très impor­tant de la revé­gé­ta­li­sa­tion et la rena­tu­ra­tion sur le bar­rage », se féli­cite Céline Barbiero, chef de pro­jet Romanche Gavet à EDF.

La conti­nuité pis­ci­cole rétablie

Des espèces d’arbustes comme le troène, l’aubépine et le noi­se­tier ont été plan­tées sur les berges. Et les tra­vaux de rena­tu­ra­tion avec des espèces végé­tales locales évitent le déve­lop­pe­ment d’espèces inva­sives et exotiques.

Les berges du barrage de Livet ont fait l'objet d'une renaturation. © Laurent Genin

Les berges du bar­rage ont fait l’ob­jet d’une rena­tu­ra­tion qui a porté ses fruits. © Laurent Genin

Sur la rive gauche de ce nou­veau bar­rage, la conti­nuité pis­ci­cole a été réta­blie par la réa­li­sa­tion d’une passe à pois­sons. « Elle per­met­tra aux truites de la Romanche de remon­ter ce bar­rage qui a un déni­velé qu’elles ne pour­raient pas fran­chir natu­rel­le­ment sans cet ouvrage », explique Céline Barbiero.

« Les truites pour­ront frayer, c’est-à-dire se repro­duire, juste au-des­sus du bar­rage qui sont des zones pro­pices. Ensuite, elles redes­cen­dront la Romanche en étant aidées par un mur gui­deau qui a été réa­lisé devant la prise d’eau. Et nous met­trons un débit en rive droite par un cla­pet qui déver­sera. Les truites pour­ront redes­cendre la rivière par cet ouvrage, là aussi. »

Des dizaines d’es­pèces pro­té­gées recensées

Le nou­vel amé­na­ge­ment Romanche Gavet va avoir un impact sur 10 hec­tares dans la durée. Avant d’autoriser les tra­vaux sur ce chan­tier colos­sal, l’État a demandé à EDF un inven­taire com­plet des espèces pré­sentes sur le site et des mesures de com­pen­sa­tion des impacts du pro­jet sur la bio­di­ver­sité afin de garan­tir le niveau glo­bal de celle-ci.

Parmi les espèces pro­té­gées, 41 ani­males (pie-grièche écor­cheur, cou­leuvre verte et jaune, lézard vert…) et 10 de chi­ro­ptères (chauves-sou­ris) ont été recen­sées. En jan­vier 2012, le feu vert a été donné à EDF : le pré­fet de l’Isère a signé un arrêté de déro­ga­tion à la pro­tec­tion des espèces pro­té­gées après un avis favo­rable du Conseil natio­nal de la pro­tec­tion de la nature (CNPN).

Au hameau des Ponants, deux tunneliers Rosali et Lilorosa creusent une galerie d'amenée de 10 km et 4,7 m de diamètre pour acheminer 40 m3 d'eau par seconde déviés de la Romanche, indispensables pour que la future centrale, dont la mise en service est prévue en 2020, puisse produire 560 gWh par an. Rosali a fini de creuser jusqu'à la centrale de Gavet. Lilorosa (ici sa galerie) est à 1 km du barrage de Livet, son point d'arrivée. © Laurent Genin

Au hameau des Ponants, deux énormes tun­ne­liers Rosali et Lilorosa creusent une gale­rie d’a­me­née de 10 km et 4,7 m de dia­mètre pour ache­mi­ner 40 m3 d’eau par seconde déviés de la rivière la Romanche, indis­pen­sables pour que la future cen­trale, dont la mise en ser­vice est pré­vue en 2020, puisse pro­duire 560 GWh/an. Rosali a fini de forer jus­qu’à la cen­trale de Gavet. Destination finale de Lilorosa (ici sa gale­rie) : le bar­rage de Livet. © Laurent Genin

Le Pont de Gavet et l’Île Falcon, 57 hec­tares à “rena­tu­rer”

Les mesures com­pen­sa­toires pré­voient pen­dant quinze ans la mise en ges­tion conser­va­toire de la bio­di­ver­sité sur 57 hec­tares répar­tis sur deux sites. Quels sont ces deux sites qui font l’ob­jet d’une res­tau­ra­tion éco­lo­gique ? Le pre­mier de 17 hec­tares, appar­te­nant à EDF, est situé au Pont de Gavet. Le second de 40 hec­tares, sur des par­celles de l’État, se trouve à l’Île Falcon, en face du glis­se­ment du ter­rain de Séchilienne, à l’aval du chantier.

L’Île Falcon à l'aval du chantier avec la Romanche au premier plan. Ce site de 40 hectares, sur des parcelles appartenant à l'Etat, est une des deux zones de compensation par rapport à l'impact du projet sur la biodiversité. Ce hameau situé en face des ruines de Séchilienne, aujourd'hui inhabité à cause du risque d'éboulement, a fait l'objet d'une renaturation. Le gestionnaire est le Conservatoire d'espaces naturels Isère pour le compte d'EDF. © EDF

Le site de l’Île Falcon sur 40 hec­tares, situé en face des ruines de Séchilienne, en aval du chan­tier, fait l’ob­jet d’une res­tau­ra­tion éco­lo­gique pen­dant 15 ans. © EDF

C’est le Conservatoire d’espaces natu­rels Isère (CEN) qui est le ges­tion­naire de ces zones pour le compte d’EDF. « Nous avons un comité de suivi annuel des zones de com­pen­sa­tion », ajoute Céline Barbiero. « Le der­nier s’est déroulé début juin sur la zone de com­pen­sa­tion de l’Île Falcon, où nous avons pu obser­ver les dif­fé­rentes actions réa­li­sées d’enlèvement des espèces inva­sives. La réa­li­sa­tion de pâtu­rages per­met de conser­ver des zones ouvertes. La dif­fi­culté, dans cette val­lée, est de main­te­nir des pelouses sèches ou des prai­ries parce que les bois et les forêts enva­hissent toutes ces zones. Avec du pâtu­rage, nous main­te­nons l’ouverture de ces milieux qui per­met le déve­lop­pe­ment des espèces cibles. »

Un autre exemple sur cette zone de l’Île Falcon ? La créa­tion d’une zone humide, une mare favo­ri­sant l’installation de la gre­nouille rousse, des libel­lules et de la végé­ta­tion aquatique.

Des espèces en aug­men­ta­tion sur les zones de com­pen­sa­tion, selon EDF

Céline Barbiero, chef de projet Romanche Gavet chez EDF depuis le belvédère de Gavet qui permet de découvrir le site de la future centrale hydroélectrique. © Laurent Genin

Céline Barbiero, chef de pro­jet Romanche Gavet chez EDF, depuis le bel­vé­dère de Gavet qui per­met d’a­per­ce­voir le chan­tier de la future cen­trale hydro­élec­trique. © Laurent Genin

Est-ce que ces zones de com­pen­sa­tion ont réel­le­ment per­mis le déve­lop­pe­ment de la bio­di­ver­sité ? Céline Barbiero assure que oui : « Il y a eu des diag­nos­tics avant le chan­tier et, chaque année, nous regar­dons l’état des lieux. Or nous consta­tons un déve­lop­pe­ment cer­tain des espèces actuel­le­ment. Oui, il y a une aug­men­ta­tion des espèces sur ces zones de com­pen­sa­tion. »

La chef de pro­jet Romanche Gavet ajoute que les mou­flons ont fait leur retour à Livet. « Ce prin­temps, nous les avons beau­coup vus au niveau du bar­rage. Ils reviennent sans dif­fi­culté sur le site après rena­tu­ra­tion. » Une rena­tu­ra­tion qui a aussi en par­tie pour ori­gine… les zones de com­pen­sa­tion du Pont de Gavet et de l’Île Falcon. « C’est aussi sur ces sites-là que les 500 kg de graines qui ont per­mis la rena­tu­ra­tion ont été récol­tées. C’est une grande réus­site de se dire que, grâce aux zones de com­pen­sa­tion, nous avons pu faire la rena­tu­ra­tion du bar­rage », se réjouit Céline Barbiero.

Cinq bar­rages et cinq cen­trales en voie d’être détruits et “rena­tu­rés”

Seule la centrale des Vernes, sur la commune de Livet-et-Gavet, classée aux Monuments historiques depuis 1994, ne sera pas déconstruite malgré la mise en service du nouvel aménagement Romanche Gavet prévue en 2020. © Laurent Genin

La cen­trale des Vernes, sur la com­mune de Livet-et-Gavet, a été construite par l’in­dus­triel Charles Keller. Elle est clas­sée aux Monuments his­to­riques depuis 1994. © Laurent Genin

Pour ce qui est de l’intégration des ins­tal­la­tions dans le pay­sage, 75 % du chan­tier Romanche Gavet se situe en sou­ter­rain, dans le mas­sif de Belledonne. Seuls le bar­rage et les ouvrages de res­ti­tu­tion de l’eau à la rivière sont visibles depuis la val­lée. Et ils se fondent bien dans le panorama.

Après la mise en ser­vice du nou­vel amé­na­ge­ment hydro­élec­trique pré­vue en 2020 et l’arrêt consé­cu­tif des six cen­trales et cinq bar­rages actuels, d’importants amé­na­ge­ments dans la val­lée vont s’opérer entre 2021 et 2024.

Sur une dizaine de kilo­mètres, quatre des cinq bar­rages seront tota­le­ment décons­truits, et le der­nier par­tiel­le­ment, ainsi que cinq des six cen­trales. Ces sites feront l’objet d’une rena­tu­ra­tion comme pour le bar­rage de Livet. Seule la cen­trale des Vernes, clas­sée aux Monuments his­to­riques depuis 1994, sera conservée.

Laurent Genin

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