Ce 27 mars, un rassemblement avait lieu à Fontaine pour interpeller la municipalité communiste suite aux propos anti-roms tenus par un élu FN en conseil.

Conseil muni­ci­pal tendu à Fontaine suite aux pro­pos anti-Roms tenus par un élu FN

Conseil muni­ci­pal tendu à Fontaine suite aux pro­pos anti-Roms tenus par un élu FN

REPORTAGE – Lundi 27 mars à 18 h 30, Ras l’front Isère et Réseau de lutte contre le fas­cisme, appe­lait à un ras­sem­ble­ment devant la mai­rie de Fontaine pour inter­pel­ler les élus à l’oc­ca­sion du conseil muni­ci­pal. En cause, les pro­pos de Franck Sinisi, conseiller muni­ci­pal FN, lors du pré­cé­dent conseil, le 27 février. Ce der­nier avait sug­géré de récu­pé­rer les dents en or des Roms pour finan­cer leur loge­ment. Des pro­pos sur les­quels il a dû revenir.

 © Albéric Marzullo - Place Gre-Net

Personnes pré­sentes à l’oc­ca­sion du conseil muni­ci­pal de la ville de Fontaine. © Albéric Marzullo – Place Gre’net

Le col­lec­tif La Patate Chaude, les asso­cia­tions Un toit pour tous, Roms action, la paroisse de Fontaine et du secours catho­lique, mais aussi de très nom­breux citoyens étaient ras­sem­blés ce lundi 27 mars sur le par­vis de la mai­rie de Fontaine pour faire entendre leur voix.

Alexandre Cohen municipal délégué, événements culturels et festifs © Albéric Marzullo - Place Gre-Net

Alexandre Cohen. © Albéric Marzullo

Les mili­tants, venus avec de nom­breuses pan­cartes, récla­maient des expli­ca­tions, non seule­ment sur les pro­pos tenus par Franck Sinisi le 27 février der­nier mais sur­tout sur la poli­tique appli­quée vis-à-vis des Roms et des immi­grés en général.

« On ne peut pas accep­ter de tels pro­pos dans notre démo­cra­tie », s’in­surge Alexandre Cohen, conseiller délé­gué à la culture. Il y a un mois, lui et deux autres élus ont quitté la salle « afin de ne pas cau­tion­ner des pro­pos inju­rieux et qui incitent à la haine raciale ».

Il regrette que « les pro­pos anti­sé­mites, xéno­phobes et racistes soient deve­nus une bana­lité aujourd’­hui ». Et rap­pelle que, lors d’une période pas si loin­taine de notre his­toire euro­péenne, les mêmes boucs émis­saires étaient désignés.

« Ce sont tou­jours les mêmes : les femmes, les popu­la­tions tzi­ganes et roms, les Juifs, les homo­sexuels, les com­mu­nistes et les han­di­ca­pés comme cause de la crise éco­no­mique. »

Si l’a­pai­se­ment sem­blait le maître-mot avant la tenue du conseil, dès l’en­trée dans la salle, la ten­sion est deve­nue plus pesante. La foule a alors régu­liè­re­ment pris à par­tie les élus, cou­pant la parole au maire et à M. Sinisi et scan­dant « Démission ! »

« Nous condam­nons solen­nel­le­ment ces propos »

Laurent Jadeau, 3e adjoint chargé de l’é­du­ca­tion, a d’emblée condamné les paroles de M. Sinisi au nom des groupes « Fontaine au cœur nous ras­semble, Des ambi­tions pour Fontaine et Vivons Fontaine autre­ment […] et des 32 élus qui le com­posent ».

Laurent Jadeau, 3ème Adjoint, éducation, enfance et petite enfance. Conseil municipal de Fontaine © Albéric Marzullo - Place Gre-Net

Laurent Jadeau, 3e adjoint, édu­ca­tion, enfance et petite enfance. Conseil muni­ci­pal de Fontaine, le 27 mars 2017. © Albéric Marzullo – Place Gre’net

Il a notam­ment rap­pelé que « M. Sinisi est hélas un habi­tué des décla­ra­tions outran­cières – stig­ma­ti­sant les plus dému­nis, les femmes et les étran­gers, à la limite de l’in­jure publique – et qui n’ont pas leur place dans un conseil muni­ci­pal ». « Cette fois-ci, nous consta­tons qu’il a fran­chi un degré dans l’in­sup­por­table », a‑t-il estimé, avant de pour­suivre : « Nous deman­dons à M. Sabatier, absent aujourd’­hui mais tou­jours pré­sident du groupe Fontaine bleu marine, de condam­ner ces pro­pos. » Une allo­cu­tion saluée par des applau­dis­se­ments de la part du public.

« Tout comme vous, M. le Maire, je ne suis pas très à l’aise »

L’élu FN, entouré par de nom­breux mani­fes­tants hos­tiles, a pré­féré lire un com­mu­ni­qué préa­la­ble­ment pré­paré. « Tout comme vous, Monsieur le maire, je vous avoue que je ne suis pas très à l’aise. […] Les faits dont on m’ac­cuse sont très graves et j’es­père qu’on aura la dignité de me lais­ser par­ler jus­qu’au bout. » Il a ainsi déclaré : « J’ai bien conscience que mes pro­pos du 27 février ont pu être mal inter­pré­tés et mal retrans­mis. Il est bien évident que je n’ai jamais eu la moindre inten­tion de por­ter atteinte à la com­mu­nauté roms et aux gens du voyage. »

Franck Sinisi, élu FN de la ville de Fontaine, conseil municipal © Albéric Marzullo - Place Gre-Net

Franck Sinisi, élu FN de la ville de Fontaine, conseil muni­ci­pal. © Albéric Marzullo – Place Gre’net

Après ces excuses, celui-ci s’est empressé de pas­ser du côté des vic­times : « Je suis moi-même fran­çais de troi­sième géné­ra­tion mais d’o­ri­gine ita­lienne. Et de voir mon nom sur toutes les presses et sites inter­net sus­cite aussi l’in­di­gna­tion du peuple ita­lien dans le monde entier. » Des pro­pos pour le moins ambi­gus. Les Italiens du monde entier sont-ils indi­gnés par le matra­quage média­tique dont il ferait l’ob­jet ou par le fait d’être asso­ciés à sa personne ?

Une salle comble lors du conseil municipal de Fontaine © Albéric Marzullo - Place Gre-Net

Une salle comble lors du conseil muni­ci­pal de Fontaine © Albéric Marzullo – Place Gre’Net

L’élu a pour­suivi : « Vous note­rez que, ni de près ni de loin, je n’ai parlé d’ar­ra­cher les dents en or […] J’avoue avoir ignoré rap­pro­cher [cela] à un passé ter­rible par un humour actuel. » Et se jus­ti­fiant : « Je ren­contre sou­vent des gens qui ne peuvent plus payer de taxe d’ha­bi­ta­tion et qui doivent sou­vent vendre leurs bijoux de famille afin de sub­ve­nir à leurs besoins. Je n’ai voulu qu’être le porte-parole de ces gens, qui s’é­tonnent par­fois que cer­tains soient dis­pen­sés de taxes et qu’ils vivent dans des loge­ments offerts par la col­lec­ti­vité et qui, par­fois, semblent s’of­frir des véhi­cules et des cara­vanes… » Une inter­ven­tion défi­ni­ti­ve­ment inter­rom­pue par les mani­fes­tants criant en cœur « Démission ! Démission ! »

« Vous n’a­vez même pas conscience de la gra­vité de vos propos »

Après avoir ramené le calme dans la salle, le maire de Fontaine, Jean-Paul Trovero, a alors pris la parole, et annoncé : « Vos excuses ne m’in­té­ressent plus, j’au­rais sou­haité que vous ayez plus de pudeur. […] Je sou­hai­tais sin­cè­re­ment que vous reve­niez à la rai­son, ce n’est pas le cas. Je sai­sis donc offi­ciel­le­ment le pro­cu­reur de la République pour qu’il donne suite à cette affaire. »

Jean-Paul Trovero maire de Fontaine, conseil municipal © Albéric Marzullo - Place Gre-Net

Jean-Paul Trovero, maire de Fontaine, conseil muni­ci­pal du 27 mars 2017. © Albéric Marzullo – Place Gre’Net

Laurent Thoviste, conseiller com­mu­nau­taire, a quant à lui demandé la parole pour ajou­ter : « Au fond de vous-même, vous ne regret­tez rien de ce que vous avez dit, vous n’a­vez même pas conscience de la gra­vité de vos pro­pos. […] Je n’at­tends qu’une chose, que la direc­tion du FN qui vous a placé ici vous enlève. Et […] le seul acte digne que vous pour­riez faire c’est celui de pré­sen­ter votre démis­sion. » Le Mrap et l’an­cien élu fon­tai­nois Édouard Schoene ont, pour leur part, porté plainte pour inci­ta­tion à la haine raciale à l’en­contre de M. Sinisi.

« La mai­rie com­mu­niste fait les mêmes actions qu’une mai­rie de droite »

Et les prin­ci­paux inté­res­sés, qu’en disent-ils ? Une des familles roms habi­tant dans le camp Gérard Philipe et pré­sente ce soir-là s’est conten­tée d’ex­pli­quer, pour témoi­gner de son sou­tien à cette action : « Nous, on demande à res­ter à la même place, comme on est res­tés jus­qu’à main­te­nant, c’est tout. »

Roms résidants dans le camp Gerard Phillipe, hôtel de ville de Fontaine © Albéric Marzullo - Place Gre-Net

Roms rési­dant dans le camp Gérard Philipe, hôtel de ville de Fontaine. © Albéric Marzullo – Place Gre’net

De fait, la muni­ci­pa­lité sou­haite expul­ser fin avril les onze rési­dents de ce camp. Sous la pres­sion des mani­fes­tants, le maire a tou­te­fois assuré : « Il n’y aura pas d’ex­pul­sions si on reçoit une fin de non-rece­voir offi­cielle de la métro­pole et de l’État. » Un sur­sis qui ne règle pas leur situa­tion dans l’absolu.

Des manifestants brandissant des pancartes pour dénoncer le racisme, hôtel de ville de Fontaine © Albéric Marzullo - Place Gre-Net

Des mani­fes­tants bran­dis­sant des pan­cartes pour dénon­cer le racisme, à l’hô­tel de ville de Fontaine. © Albéric Marzullo – Place Gre’net

L’étiquette poli­tique ne veut plus dire grand chose, jugent cer­tains citoyens pré­sents. « C’est une mai­rie com­mu­niste mais elle fait les mêmes actions qu’une mai­rie de droite », estime un homme, sous cou­vert d’a­no­ny­mat, crai­gnant des repré­sailles de la part de « mili­tants fas­cistes ». Tandis d’un mili­tant plus âgé ana­lyse la stra­té­gie de l’ad­mi­nis­tra­tion : « C’est pour pou­voir dire au FN et à leurs élec­teurs : “vous voyez, on fait ce que vous vou­lez on expulse aussi”. »

« Pas de sor­tie des bidon­villes sans sta­bi­li­sa­tion des condi­tions de vie »

Representant de Roms action, de la paroisse de Fontaine, du secours catholique et de l'association un toit pour tous, conseil municipal de Fontaine © Albéric Marzullo - Place Gre-Net

Représentant de Roms action, de la paroisse de Fontaine, du secours catho­lique et de l’as­so­cia­tion un toit pour tous, au conseil muni­ci­pal de Fontaine. © Albéric Marzullo – Place Gre’net

Stabiliser les condi­tions de vie des Roms. Telle est la pré­co­ni­sa­tion du der­nier rap­port de Romeurope. Ce que toutes ces asso­cia­tions et col­lec­tifs essaient de mettre en place depuis long­temps. « Il faut une sor­tie par le haut, en per­met­tant aux gens d’a­voir un petit peu de mieux, estiment les membres du col­lec­tif La Patate Chaude. C’est la seule façon pour eux d’ar­ri­ver à la marche sui­vante. »

Et de fus­ti­ger cer­tains maires. « [Ils] disent sou­vent “on va expul­ser parce qu’on va pas lais­ser les gens vivre comme ça”, mais c’est un men­songe. En expul­sant, ils recréent des bidon­villes. Si on leur détruit la pre­mière marche, ils ne peuvent pas avan­cer. »

« On avait un pro­jet sur Courtade »

Le col­lec­tif, avec la col­la­bo­ra­tion de Roms action, de l’é­vê­ché et du sou­tien finan­cier de la Fondation Abbé Pierre, a pro­posé un pro­jet pour relo­ger ces per­sonnes, rue Pierre Courtade. Et ce dès juillet 2014. Le pro­jet consis­tait en l’a­chat de cara­vanes ou de mobile-homes, entiè­re­ment finan­cés par la fon­da­tion Abbé Pierre.

Du côté de la mai­rie, cela deman­dait une via­bi­li­sa­tion du ter­rain, c’est-à-dire de construire un sys­tème pour l’eau et l’élec­tri­cité mais aussi de mettre en place le ramas­sage des ordures. Une affaire qui a traîné et qui est res­tée sans réponse de juillet à décembre. En atten­dant, « les asso­cia­tions disaient aux habi­tants du camp de ne pas construire de cabanes pour ne pas faire tom­ber le pro­jet à l’eau. Ils ont suivi de juillet jus­qu’à décembre. Ils étaient dans des tentes alors qu’il pleu­vait, ils ont joué le jeu » et « lors­qu’on est allés à la Métro, ils nous ont dit que ça n’al­lait pas se faire car ça blo­quait à [la mai­rie de] Fontaine », raconte un membre de La Patate Chaude.

« Politiquement, c’est tou­jours la Ville qui est aux manettes »

Le ter­rain sur lequel le pro­jet allait voir le jour appar­tient à l’EPFL.RG1, un éta­blis­se­ment public créé en 2002 dans la région gre­no­bloise, dont la mis­sion consiste à faire du por­tage finan­cier. Les col­lec­ti­vi­tés cèdent les ter­rains sur les­quels elles ne peuvent construire, faute de fonds ou de pro­jets, délé­guant ainsi la charge finan­cière. Par la suite, lors­qu’un pro­jet est fina­lisé, elles récu­pèrent le ter­rain. L’EPFL.RG l’a confirmé au col­lec­tif : « On suit scru­pu­leu­se­ment ce que le maire veut poli­ti­que­ment. » Mais le maire botte en touche et ren­voie la balle à la métropole.

Pancarte du front contre le fascisme à l'entrée du conseil municipal de Fontaine © Albéric Marzullo - Place Gre-Net

Pancarte du front contre le fas­cisme à l’en­trée du conseil muni­ci­pal de Fontaine. © Albéric Marzullo – Place Gre’net

Que les ins­tances du FN donnent ou pas une suite aux pro­pos de Franck Sinisi, la ques­tion du relo­ge­ment des Roms ne semble ainsi pas près d’être réglée à Fontaine et dans l’agglomération.

Albéric Marzullo, cor­res­pon­dant à Fontaine

1 Établissement public fon­cier local de la région grenobloise

Amar

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