Solidaires rechigne à quit­ter son local que la ville de Grenoble entend céder

Solidaires rechigne à quit­ter son local que la ville de Grenoble entend céder

FOCUS – Un démé­na­ge­ment ou une expul­sion ? La Ville de Grenoble désire céder un local situé rue des Trembles, jusque-là occupé par le syn­di­cat Solidaires Isère. Après plu­sieurs pro­po­si­tions de relo­ge­ment refu­sées, le dia­logue est devenu dif­fi­cile, entre appel au com­pro­mis d’un côté et accu­sa­tions de règle­ment de compte poli­tique de l’autre. Mais la situa­tion semble sur le point de se débloquer…

« Affaiblir le syn­di­ca­lisme au niveau de l’Isère et au niveau de l’ag­glo­mé­ra­tion gre­no­bloise ne peut pas être une option pour des gens qui se réclament d’i­dées alter­na­tives, de jus­tice ou de pro­grès social. » Étienne Ciapin, de Solidaires Isère, ne mâche pas ses mots. Le motif de sa colère ? La muni­ci­pa­lité de Grenoble demande au syn­di­cat de libé­rer le local qu’il occupe gra­cieu­se­ment depuis bien­tôt seize ans.

C’est en effet en 2001 que Solidaires a pris “pos­ses­sion” des locaux du 12 bis rue des Trembles, à proxi­mité du quar­tier de la Villeneuve. Un local muni­ci­pal que les mili­tants syn­di­caux ont amé­nagé eux-mêmes, jusque dans la réa­li­sa­tion d’une mez­za­nine qui sert aujourd’­hui de lieu de sto­ckage pour les affiches, les tracts… ou les tam­bours de la batu­cada.

Un local ancré dans la vie de son quartier

Les lieux sont divi­sés en plu­sieurs bureaux, un petit espace salon, une pièce cui­sine plu­tôt volu­mi­neuse ainsi qu’une salle spa­cieuse. Et par­fois, selon les per­ma­nences et les réunions, le local affiche com­plet. « Ça arrive sou­vent que l’es­pace entier, y com­pris la cui­sine, soit occupé. Sauf les toi­lettes, on n’en est pas encore arrivé jusque-là ! », nous dit Étienne Ciapin en nous fai­sant visiter.

Pascal Goddet, Étienne Clapin et Aurélien, de Solidaires Isère. © Florent Mathieu - Place Gre'net

Pascal Goddet, Étienne Ciapin et Aurélien, de Solidaires Isère. © Florent Mathieu – Place Gre’net

Et le syn­di­ca­liste de décrire un lieu ancré dans la vie de son quar­tier, qui accueille les per­ma­nences, mais est aussi dédié aux for­ma­tions en droit du tra­vail, sert de salle de pro­jec­tion et accueille des asso­cia­tions amies pour des réunions de der­nière minute, quand tous les autres locaux sont fermés.

C’est ici, cite pour exemples Étienne Ciapin, que le col­lec­tif On vaut mieux que ça Grenoble a tenu sa pre­mière réunion, ou que s’est orga­ni­sée la mani­fes­ta­tion contre le Front natio­nal et en faveur des migrants de Saint-Martin-d’Hères du 5 novembre 2016.

« Conserver des acti­vi­tés éco­no­miques dans ce secteur »

Autant dire que la pers­pec­tive de devoir quit­ter les lieux n’en­chante pas le syn­di­cat. Mais la Ville de Grenoble a accepté de céder le bâti­ment au Centre de pres­ta­tions de ser­vices (CPDS), éta­blis­se­ment d’aide aux per­sonnes par le tra­vail, situé à proxi­mité, qui sou­haite regrou­per ici son acti­vité de trai­teur. Un pro­jet vive­ment sou­tenu par la muni­ci­pa­lité. « Nous sou­hai­tons conser­ver des acti­vi­tés éco­no­miques sur ce sec­teur. La demande du CPDS va donc dans ce sens », explique Maud Tavel.

Maud Tavel adjointe déléguée au personnel et au patrimoine municipal. © Florent Mathieu - Place Gre'net

Maud Tavel, adjointe délé­guée au per­son­nel et au patri­moine muni­ci­pal. © Florent Mathieu – Place Gre’net

L’adjointe de la Ville de Grenoble délé­guée au per­son­nel et au patri­moine muni­ci­pal craint en effet de voir le Centre de pres­ta­tion quit­ter le quar­tier de la Villeneuve, faute de pou­voir y concen­trer toutes ses acti­vi­tés. Et rap­pelle que le pro­jet concerne l’emploi de quatre per­sonnes han­di­ca­pées, plus leurs accompagnateurs.

Solidaires pose ses conditions

La déci­sion de céder le bâti­ment relève de « l’at­taque » et de « l’ex­pul­sion », juge le syn­di­cat Solidaires dans un tract. La mai­rie lui a bien pro­posé d’autres locaux mais ceux-ci ne cor­res­pondent pas à ses cri­tères. « Quand on a eu l’oc­ca­sion de dis­cu­ter, on a énoncé de manière très claire et dès le départ les carac­té­ris­tiques. Nous n’a­vons jamais été fer­més à leurs pro­po­si­tions. Les quatre pro­po­si­tions qui nous ont été faites ne cor­res­pondent pas à nos carac­té­ris­tiques. Certaines étaient même des bâti­ments insa­lubres », explique Étienne Ciapin. Avant de se mon­trer sus­pi­cieux : « C’est à se deman­der dans quel esprit, et avec quel cahier des charges, les élus ont chargé les agents de trou­ver ces locaux… »

Étienne Clapin, aux côtés des tambours de la Batucada stockés dans la mezzanine de Solidaires Isère © Florent Mathieu - Place Gre'net

Étienne Ciapin, aux côtés des tam­bours de la Batucada sto­ckés sur la mez­za­nine de Solidaires Isère. © Florent Mathieu – Place Gre’net

Les carac­té­ris­tiques en ques­tion ? D’abord, l’ac­ces­si­bi­lité du lieu. Le local actuel est ainsi situé à côté de l’ar­rêt de tram La Bruyère, et à proxi­mité d’un par­king. Le syn­di­cat Solidaires sou­haite éga­le­ment res­ter près du quar­tier de la Villeneuve, et évi­ter un bâti­ment occupé par des habi­ta­tions afin de ne pas déran­ger le voi­si­nage. Les per­ma­nences, et les pas­sages qu’elles occa­sionnent, peuvent en effet com­men­cer très tôt le matin et se finir tard dans la soi­rée, sinon la nuit.

Enfin, la ques­tion de l’es­pace se pose, d’au­tant que de nou­veaux syn­di­cats ont vu le jour, tels que Précaires Solidaires. « Pour l’ins­tant, on réus­sit à s’or­ga­ni­ser, mais vu notre dyna­mique de construc­tion, on pour­rait même deman­der plus ! », juge-t-on chez Solidaires. Cette ques­tion est par ailleurs déci­sive mais muni­ci­pa­lité et syn­di­cats ne sont pas d’ac­cord sur le chiffre. La pre­mière estime que le local actuel compte 251 m2, quand Solidaires en évoque 328, inté­grant dans ses cal­culs la mez­za­nine de 71 m2.

L”« ultime solu­tion » de la Ville ?

La Ville de Grenoble, après plu­sieurs pro­po­si­tions, estime avoir trouvé le local le plus à même de conve­nir aux syn­di­ca­listes. Dans son cour­rier du 15 décembre adressé à Solidaires, Maud Tavel le pré­sente comme « l’ul­time solu­tion » trou­vée par ses ser­vices. Et sti­pule que la relo­ca­li­sa­tion devra sur­ve­nir « vers la fin du 2e tri­mestre 2017 ».

En l’oc­cur­rence, le lieu compte 288 m2 : 188 m2 en rez-de-chaus­sée et 100 m2 sur deux niveaux. Le tout au 9 place des Géants, au cœur du quar­tier de la Villeneuve. Ultime ou non, le syn­di­cat a rejeté cette option après visite : éloi­gnée du tram, sans grande salle de réunion, et située dans un immeuble d’ha­bi­ta­tion. Il n’ap­pré­cie pas non plus que ce bâti­ment soit dis­po­nible suite à l’an­nonce du dépla­ce­ment des sala­riés de la mai­rie. « La fer­me­ture de cette antenne locale de la mai­rie par­ti­cipe à la déser­ti­fi­ca­tion des quar­tiers popu­laires par les ser­vices muni­ci­paux », juge-t-il dans sa réponse à Maud Tavel.

Pas de “mur des cons” chez Solidaires Isère, mais un montage pop-art de photographies, dont certains venant de Place Gre'net. © Florent Mathieu - Place Gre'net

Pas de “mur des cons” chez Solidaires Isère, mais un mon­tage pop-art de pho­to­gra­phies, dont cer­tains venant de Place Gre’net. © Florent Mathieu – Place Gre’net

L’ajointe, de son côté, com­prend les réti­cences de Solidaires et veut main­te­nir le dia­logue, mais n’en appelle pas moins aux com­pro­mis : « On n’aura pas la capa­cité de pré­sen­ter quelque chose qui res­semble trait pour trait à ce qu’oc­cupe Solidaires actuel­le­ment rue des Trembles. Ce qui peut peut-être les inter­ro­ger dans leur orga­ni­sa­tion, sur leurs horaires d’ou­ver­ture ou sur la façon qu’ils ont de tra­vailler. »

Maud Tavel insiste : sur la Villeneuve, cette pro­po­si­tion est bien la der­nière. « Nous n’a­vons pas de telles sur­faces aujourd’­hui, proches des trans­ports en com­mun, indé­pen­dantes, sur ce sec­teur de la ville. Peut-être que le parc privé a ces sur­faces-là, mais la Ville a la volonté d’oc­cu­per les locaux dont elle est pro­prié­taire et de ne pas aller cher­cher des locaux à la loca­tion. »

« Un règle­ment de compte politique » ?

Et Solidaires de s’in­ter­ro­ger sur les liens entre ce dépla­ce­ment et son action syn­di­cale, en oppo­si­tion notam­ment au plan d’aus­té­rité de la Ville ou auprès des biblio­thé­caires en colère. « Cette déci­sion de Piolle et de son équipe est un règle­ment de compte poli­tique », accuse ainsi le syn­di­cat dans un tract.

Solidaires souvent aux côtés des Bibliothécaires en colère. © Séverine Cattiaux - Place Gre'net IntrusionConferenceDePresse23Janvier2017MiltantsBibliothequesCreditSeverineCattiaux

Solidaires sou­vent aux côtés des Bibliothécaires en colère. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

Une accu­sa­tion qui ne passe pas auprès de Maud Tavel. « […] c’est tota­le­ment faux. Nous sommes capables de faire la part des choses entre la ques­tion d’un local d’une union dépar­te­men­tale, et les choix qui ont été faits à l’été 2016. Il n’y a aucune volonté de se ven­ger ou de mettre à mal le syn­di­ca­lisme , assure l’adjointe.

« J’ai en charge la délé­ga­tion des res­sources humaines et celle du patri­moine immo­bi­lier, et je fais plus que la part des choses entre les deux. Tant dans ma vie pro­fes­sion­nelle que dans ma vie poli­tique et mili­tante, j’ai tou­jours su faire la part des choses entre tous les dos­siers, et il n’y a aucune rai­son aujourd’­hui que je fasse un mélange des genres ! », conclut-elle.

La situa­tion tou­te­fois semble tou­te­fois évo­luer posi­ti­ve­ment… Ainsi, une délé­ga­tion Solidaires a‑t-elle été reçue par la muni­ci­pa­lité, ce mer­credi 8 février au matin. La Ville de Grenoble aurait accepté de renou­ve­ler la conven­tion d’oc­cu­pa­tion du local du syn­di­cat, le temps pour lui de trou­ver un lieu adapté, avec les ser­vices municipaux.

En retour, le syn­di­cat Solidaires accep­te­rait l’i­dée de quit­ter le quar­tier de la Villeneuve. « On accepte d’é­lar­gir à d’autres zones. L’important pour nous c’est de ne pas être tota­le­ment excen­trés, que l’on puisse conti­nuer à accueillir les gens. C’est notre prio­rité », nous pré­cise côté syn­di­cat Milan Bazatole. Qui salue la volonté de la muni­ci­pa­lité de « déblo­quer la situa­tion ».

Florent Mathieu

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