FOCUS – Un territoire et un patrimoine peuvent-ils devenir une marque ? C’est le pari du Conseil départemental de l’Isère qui lance Alpes Is(h)ere, une marque territoriale qui veut autant incarner la fierté d’être isérois que les richesses économiques et touristiques du Département. Une « impulsion » initiée dans l’espoir que chacun s’empare à présent de ce nouveau marquage identitaire.
« Les gens sont en recherche d’une identification territoriale. » À l’occasion de la présentation officielle de la marque Alpes Is(h)ere, ce jeudi 19 janvier à l’Hôtel du département, le président du Conseil départemental Jean-Pierre Barbier veut porter cette conviction.
Face à la « concurrence féroce » que se livrent les territoires entre eux, et s’inspirant du succès de la marque Savoie Mont Blanc, Alpes Is(h)ere incarnera les valeurs et l’image de l’Isère, au niveau national voire international.
Concrètement, Alpes Is(h)ere est une “marque ombrelle”, regroupant sous un même logo des activités n’ayant pas de lien direct entre elles. Son principe ? Jouer sur un anglicisme – “Alpes is here” pour “les Alpes sont ici” – avec un A privé de barre transversale figurant la montagne, et une flèche pointant vers le bas pour indiquer que « c’est ici que ça se passe ».
Les Alpes comme moteur de l’Isère
Une omniprésence de la montagne donc, quand la présentation veut pourtant mettre également en valeur « plaines, vallées, rivières (et) lacs ». Jean-Pierre Barbier assume ce choix : « Les Alpes, on les voit d’une grande partie du département. On a considéré qu’elles étaient moteur, que l’on soit montagnard ou pas. » Un moteur également touristique, le président du Conseil départemental n’oubliant pas de rappeler son soutien aux stations de sports d’hiver.
Car la marque territoriale Alpes Is(h)ere est naturellement tournée vers les acteurs économiques. Si Jean-Pierre Barbier rêve de voir chacun avoir « la fierté d’être isérois et défendre le département », l’opération demeure essentiellement commerciale. « On a besoin pour nos produits isérois de cette marque : c’est demandé par les producteurs, c’est aussi demandé par la grande et moyenne distribution, parce que le consommateur est toujours attiré par les produits avec un marquage territorial. »
Mais Jean-Pierre Barbier prévient : « Ce n’est pas une AOC ! » Tout en affirmant que les producteurs, par exemple de l’agro-alimentaire, qui voudront apposer la marque territoriale sur leurs produits devront respecter une charte. « On aura la certitude que ce seront des produits de qualité, produits et fabriqués en Isère », insiste-t-il.
Un investissement de 10 000 euros
Le Conseil département pense-t-il vraiment réussir à réunir sous une même bannière un sentiment d’attachement citoyen et un marquage commercial ? Peut-on aimer son département en tant que marque, comme on préfère Apple à Microsoft ?
« Moi je dis oui !, répond Jean-Pierre Barbier. Après, c’est de l’appréciation de chacun : des gens se disent citoyens du monde, d’autres citoyens de leur commune. Le département a un champ énorme de par sa disparité : les Alpes, la métropole, la plaine… On a une chance extraordinaire. Ensuite, il faut porter la conviction ! »
Et le Président d’enfoncer le clou en appelant chacun à porter Alpes Is(h)ere : « Si c’était la volonté d’un élu ou de plusieurs élus, ça ne servirait à rien. On se ferait plaisir, on présenterait la marque qui, demain, n’existerait plus. Notre volonté, c’est d’être en accompagnement. On donne une impulsion et un investissement. Et maintenant, il faut qu’on ait des relais. »
Un investissement ? 10 000 euros, dit le Département. Une grande partie de l’opération a été conçue en interne par les services communication – notamment la vidéo de présentation de la marque – et un prestataire extérieur a participé à la réalisation du logo. Quant aux « valeurs » dégagées pour incarner la marque – la montagne, la nature ou encore l’innovation –, elles proviennent d’un panel “test” d’une vingtaine de personnes.
Une faute de grammaire pour mieux marquer les esprits ?
Demeure la question, d’ailleurs soulevée par quelques-uns de nos lecteurs lors de l’annonce du lancement de la marque, de l’usage d’un anglicisme et de la faute d’accord qu’il comporte. En l’occurrence, “Alpes is here” quand la logique voudrait que l’on écrive “Alps are here”. Le “pun” (calembour) au mépris de la grammaire ?
Jean-Pierre Barbier ne manque pas de s’amuser des « puristes » de la langue de Shakespeare. « On voulait Alpes et Isère, et moi je trouve que c’est plutôt bien trouvé. C’était plus compliqué avec “are”. Il a fallu qu’on s’adapte, et tout le monde comprend ce que l’on veut dire ! »
Ne craint-il pas toutefois de heurter le regard des touristes anglophones susceptibles de venir dans nos Alpes, “here” ? « Il va comprendre, l’Anglais ! Ce n’est pas une dissertation, ce n’est pas un cours d’anglais. Et cela marche plein de fois quand vous déclinez avec “nature”, avec “innovation”, qui sont au singulier. Et puis quelque chose qui choque marque beaucoup plus les esprits ! »
Difficile en effet, puriste de la grammaire ou non, de contredire cette règle élémentaire de logique publicitaire. Reste à savoir à présent si la marque Alpes Is(h)ere s’imposera suffisamment sur les supports de communication pour « choquer » à bon escient le potentiel touriste anglophone.