Accord réciproque, 1942 Huile et ripolin sur toile, 114 x 146 cm Musée national d’art moderne / CCI – Centre Pompidou, Paris Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMNGrand Palais / Georges Meguerditchian

Le musée de Grenoble expose les ultimes toiles de Kandinsky : fabuleux !

Le musée de Grenoble expose les ultimes toiles de Kandinsky : fabuleux !

FOCUS – La nou­velle expo­si­tion tem­po­raire du musée de Grenoble, visible du 29 octobre au 29 jan­vier 2017, est dédiée à une figure capi­tale de l’art moderne : le peintre russe Vassily Kandinsky. Soit l’inventeur de l’art abs­trait. Les œuvres expo­sées, peintes pen­dant la der­nière décen­nie de la vie de l’artiste, de 1933 à 1944, ne sont pas les plus plé­bis­ci­tées par les his­to­riens de l’art, mais n’en sont pas moins riches et enthou­sias­mantes pour le visiteur.

Bleu de ciel, 1940, Vassily Kandinsky, Huile sur toile, 100 x 73 cm Musée national d’art moderne / CCI – Centre Pompidou, Paris Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMNGrand Palais / Philippe Migeat

La « star » de l’expo : Bleu de ciel, 1940
Huile sur toile, 100 x 73 cm, Musée natio­nal d’art moderne – CCI – Centre Pompidou, Paris
Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMNGrand Palais – Philippe Migeat

Après les artistes rela­ti­ve­ment confi­den­tielles Georgia O’Keeffe et Cristina Iglesias, le musée de Grenoble mise sur un peintre célé­bris­sime en la per­sonne de Vassily Kandinsky (1866−1944). Les toiles de l’inventeur de l’art abs­trait qu’expose le musée du 29 octobre au 29 jan­vier 2017 ne sont tou­te­fois pas les plus connues, ce qui ajoute à l’intérêt de la monographie.

C’est en effet pen­dant sa période alle­mande à l’école du Bauhaus que Kandinsky réa­lise ses œuvres les plus illustres et bas­cule de manière consciente d’un art figu­ra­tif vers un art abs­trait. Les toiles ras­sem­blées à Grenoble sont peintes à Paris – d’où le sous-titre de l’exposition « Les années pari­siennes », pen­dant la der­nière décen­nie de la vie de l’artiste. Lequel réflé­chis­sait à tel point sur sa créa­tion que ses ultimes toiles peuvent se lire comme une forme de mani­feste, ou du moins une sorte de syn­thèse. Idéal, en somme, pour abor­der l’esthétique du peintre, qui est loin de se résu­mer à quelques formes géo­mé­triques aux cou­leurs chamarrées.

Entre art abs­trait géo­mé­trique et surréalisme

Développement en brun, 1933, Vassily Kandinsky. Huile sur toile, 101 x 102,5 cm © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Claude Planchet

Développement en brun, 1933. Huile sur toile, 101 x 102,5 cm © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Claude Planchet

Lorsque Kandinsky débarque à Paris en 1933, il a déjà 67 ans. L’essentiel de son œuvre est der­rière lui. À Munich, dans l’école du Bauhaus, où il enseigne depuis 1922, il a posé les bases de son esthé­tique géo­mé­trique aux côtés d’autres figures essen­tielles de l’avant-garde comme Paul Klee. Dans la capi­tale fran­çaise, il ne jouit pas de la renom­mée qui était la sienne outre-Rhin. La scène artis­tique pari­sienne est cli­vée. D’un côté, l’art abs­trait géo­mé­trique. De l’autre, le surréalisme.

Kandinsky juge le pre­mier mou­ve­ment quelque peu rigo­riste, accou­chant trop sou­vent d’œuvres dés­in­car­nées. Le second impose des règles, notam­ment poli­tiques, qui s’accommodent mal avec la liberté du peintre. Ce der­nier est pour­tant reven­di­qué par les deux cercles. Il s’en rap­proche d’ailleurs suc­ces­si­ve­ment sans jamais s’y aban­don­ner tout à fait. Cette ten­sion entre les deux mou­ve­ments esthé­tiques trans­pa­raît clai­re­ment dans les œuvres expo­sées au musée ainsi que dans les quelques docu­ments annexes, comme ce cli­ché où l’on voit Kandinsky posant aux côtés du pape du sur­réa­lisme André Breton.

Entre for­ma­lisme géo­mé­trique et biomorphisme

Formes noires sur blanc, 1934, Vassily Kandinsky. Huile sur toile, 70 x 70 cm. Musée Zervos - Maison Romain Rolland, Vézelay. Photo Jacques Faujour

Formes noires sur blanc, 1934. Huile sur toile, 70 x 70 cm. Musée Zervos – Maison Romain Rolland, Vézelay. Photo Jacques Faujour

En dépit de son âge avancé, à Paris, Kandinsky conti­nue d’expérimenter. La scé­no­gra­phie de l’exposition le révèle avec force. En vis-à-vis, on trou­vera des toiles encore très mar­quées par l’esthétique géo­mé­trique mise en place au Bauhaus – voir ci-des­sus : Développement en brun – et d’autres, ver­sant davan­tage dans des mou­ve­ments ondu­la­toires et bio­mor­phiques – voir ci-contre : Formes noires sur blanc. Cette der­nière œuvre illustre par­fai­te­ment la nou­velle ten­dance du peintre, attiré par le bio­mor­phisme et les formes cel­lu­laires. Ici, l’abstraction tend sub­ti­le­ment vers la figu­ra­tion puisqu’on devine une sorte de four­mille­ment embryon­naire. On sait le peintre cap­tivé par les sciences à cette époque de sa vie.

D’autres toiles encore syn­thé­tisent les deux mou­ve­ments. C’est le cas de ces œuvres-trames qui recensent, façon damier, l’étendue du voca­bu­laire gra­phique de l’artiste (voir ci-des­sous : Trente). La fusion de ces deux esthé­tiques, géo­mé­trique et bio­mor­phique, répond en outre aux inten­tions de Kandinsky, qui plai­dait pour un « art concret ». À savoir un art, certes abs­trait, mais non dénué pour autant de lien avec le réel. Un art, en outre, émi­nem­ment vivant. Caractère qui illu­mine l’ensemble des œuvres de sa période pari­sienne et pro­cure un véri­table élan de joie chez le spectateur.

Trente, 1937. Huile sur toile, 81 x 110,9 cm. Musée national d’art moderne / CCI – Centre Pompidou, Paris Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMNGrand Palais / Philippe Migeat

Trente, 1937. Huile sur toile, 81 x 110,9 cm. Musée natio­nal d’art moderne – CCI – Centre
Pompidou, Paris. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN Grand Palais – Philippe Migeat

Entre déses­poir et force de vie

Entassement réglé, 1938, Vassily Kandinsky, Huile et ripolin sur toile, 116 x 89 cm Musée national d’art moderne / CCI – Centre Pompidou, Paris Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMNGrand Palais / Bertrand Prévost

Entassement réglé, 1938, Huile et ripo­lin sur toile, 116 x 89 cm – Musée natio­nal d’art moderne / CCI – Centre Pompidou, Paris. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN Grand Palais / Bertrand Prévost

Si, la plu­part du temps, l’œuvre de Kandinsky est por­tée par un élan vital sur­pre­nant (voir ci-contre : Entassement réglé), la vie du peintre n’est pour­tant pas à cette image. Cette seule période pari­sienne pro­cède d’un exil forcé. L’école du Bauhaus au sein de laquelle il ensei­gnait a été fer­mée par les nazis en 1933. Le peintre est lui-même éti­queté « artiste dégé­néré » par le régime. Ce qui revient pour lui à être rejeté par la nation qu’il avait adoptée.

Alors qu’il a fui le régime nazi, son nou­vel exil en France est bien­tôt obs­curci par les bombes et par l’occupation. Certaines toiles portent d’ailleurs la marque du déses­poir dans le choix des cou­leurs, notam­ment, plus sombres. Mais jusqu’au bout, ce qui domine, est l’exceptionnelle force vitale qui habite les toiles du peintre. Lui-même recon­naît dans sa cor­res­pon­dance être mar­qué par une sorte de déni du tra­gique. Magnifiquement sublimé dans son lan­gage graphique.

Adèle Duminy

Infos pra­tiques 

Musée de Grenoble

Kandinsky – Les années pari­siennes (1933 – 1944)

Du 29 octobre au 29 jan­vier 2017

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