FOCUS – La troisième édition de la Semaine des fiertés lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles et intersexes, organisée par le Centre LGBTI Grenoble-Cigale et soutenue par la ville de Grenoble, bat son plein depuis le 17 mai. Si les associations saluent les évolutions législatives en la matière, elles déplorent que l’homophobie soit encore très présente, notamment sur les réseaux sociaux.
« Sommes-nous libres de vivre nos droits ? », interroge Emmanuel Carroz, adjoint à l’Égalité des droits et à la Vie associative de la ville de Grenoble. Ce dernier, qui s’est exprimé le 17 mai, lors de l’inauguration de la troisième édition de la Semaine des fiertés lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles et intersexes[1], n’est guère optimiste. Et la question reste, selon lui, ouverte bien que la France fasse désormais partie des dix-sept pays ayant adopté le mariage pour tous et qu’elle ait inscrit dans son droit l’adoption plénière pour les couples de même sexe.
« La fierté, c’est l’antidote de la honte »
Après le succès rencontré lors de ses deux premières éditions, notamment celle de 2015, la Semaine des fiertés organisée par le comité Fiertés du Centre LGBTI de Grenoble-Cigale propose jusqu’au 29 mai un éventail d’activités informatives, militantes, sportives, culturelles et festives, dans différents endroits de la ville.
En point d’orgue, la Marche des fiertés – entendez la Gay Pride, ou encore « LGBT Pride » – clôturera dix jours d’événements, ce dernier samedi de mai.
« C’est un jour où nous marcherons fièrement parce que la fierté, c’est l’antidote de la honte », explique le collectif.
Une manière, selon lui, d’interpeller « sur cet exercice encore périlleux qu’est la jouissance des droits de chaque individu à vivre ses choix de vie dans une société qui les hiérarchise, produisant inégalités, rejet ou stigmatisation ».
« Des élus refusent de célébrer des unions entre personnes de même sexe »
De grands pas vers l’égalité des droits, arrachés de haute lutte, sont certes désormais gravés dans le marbre de la loi, se félicite Emmanuel Carroz. Même si, constate-t-il amèrement, rien n’est définitivement gagné et que le combat contre les « LGBTphobies » doit continuer. « Je repose la question : sommes-nous libres de vivre ces droits quand certains élus refusent encore de célébrer des unions entre deux personnes de même sexe, soit-disant pour des raisons de conscience ? » Quant à l’adoption plénière, elle reste, toujours selon l’élu, une entreprise difficile, longue et semée d’embûches.
« Il est temps, en 2016, de faire un bilan de l’avancée des droits LGBTI acquis depuis 2012, d’autant plus que de nouvelles élections majeures se profilent », s’inquiète, quelque peu énigmatique, Emmanuel Carroz.
« Sommes-nous libres d’aimer qui nous voulons dans une société encore sclérosée par le rejet et la stigmatisation ? […] Sommes-nous libres d’avoir des papiers conformes à notre identité de genre lorsque nous sommes transsexuels ou intersexes ? » Pour le Centre LGBTI-Cigale, le chemin qui reste à parcourir vers ces revendications est encore long.
L’association en veut pour preuve le très édifiant rapport annuel 2016 sur l’homophobie qui dénonce « une homophobie ancrée dans le quotidien, au travail, à l’école ». Principaux vecteurs de cet ostracisme selon SOS Homophobie ? Internet et les réseaux sociaux, « des viviers où l’on peut constater de véritables déchaînements de haine », s’insurge Kentin Bonnefond de SOS Homophobie.
C’est la raison pour laquelle, le 15 mai dernier, SOS Racisme, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) et SOS Homophobie ont décidé de porter plainte conjointement contre les plateformes YouTube, Facebook et Twitter pour non-respect de leurs obligations de modération.
Sensibiliser les plus jeunes pour éviter la stigmatisation
Sophie Vilfroy, du Centre LGBTI-Cigale en est convaincue, c’est autant de raisons de ne surtout pas baisser la garde, de rester mobilisés et de continuer à « prôner l’égalité de tous et de toutes dans la société ».
L’occasion pour l’association de rappeler ses principales revendications politiques et sociales : la simplification des procédures judiciaires, médicales, économiques et sociales de changement d’état civil pour les transsexuels et intersexes, l’arrêt de la stigmatisation des pratiques sexuelles, l’ouverture du droit au don du sang des gays sans période d’abstinence de douze mois, et celle – plus contestée – de la procréation médicalement assistée (PMA) pour les lesbiennes.
Mais aussi une sensibilisation, dès le plus jeune âge, à l’égalité et au respect des différences, dans le but d’éviter la stigmatisation des personnes LGBTI. « Nos revendications se veulent égalitaires et inclusives pour tous nos semblables. Ensemble, nous devons lutter contre toutes les exclusions et toutes les discriminations », conclut Sophie Vilfroy.
Un soutien « sans faille » de la ville de Grenoble
Qu’en est-il de cette mobilisation au plan local ? « À Grenoble, nous sommes mobilisés. Éric Piolle, son maire, a signé la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. Cette charte comprend un article qui impose la mise en place d’un dispositif contre les vingt formes de discrimination reconnues par la loi, dont celles liées à l’identité de genre ou à l’orientation sexuelle », explique Emmanuel Carroz.
La mairie de Grenoble s’implique en interne avec les agents de la Ville et du Centre communal d’action sociale (CCAS) en adaptant les procédures d’alerte, de formation et d’accompagnement, avec l’édition d’un livret sur l’égalité au travail, assure l’élu. Qui précise que « le soutien de la Ville de Grenoble aux partenaires institutionnels et associatifs luttant contre les “LGBTphobies” est sans faille ». Et pour cause : « J’ai été alerté à plusieurs reprises de cas de LGBTphobies subis surtout par des jeunes », témoigne-t-il.
« C’est pour cela que nous travaillons conjointement avec les associations du Centre LGBTI de Grenoble, SOS Homophobie ou Le Refuge, dont nous soutenons la création d’une antenne à Grenoble. »
Joël Kermabon et Yuliya Ruzhechka
[1] Intersexe : être humain ou animal dont les organes génitaux sont difficiles ou impossibles à définir comme mâles ou femelles selon les standards habituels.
QUEER : QUÈSACO ?
Le 19 mai dernier, au nombre des animations proposées dans le cadre de la Semaine des fiertés, l’association A jeu égal organisait une soirée “queer”.
Ce mot anglais ne vous dit rien ? Apparu dans les années 80, ce terme, qui appartient à la terminologie propre à l’univers LGBTI, n’a pas de définition conventionnelle, si ce n’est « étrange », « bizarre » ou encore « hors normes ».
Le tango queer permet, par exemple, de revisiter le tango argentin en réinterprétant et en interchangeant les rôles traditionnellement assignés aux hommes et aux femmes.
Comment les participants de la soirée définissent-ils ce concept encore méconnu du grand public et en quoi la danse queer se différencie-t-elle de la danse classique ? Éléments de réponse dans notre portfolio.
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Retrouvez le programme de la Semaine des fiertés sur le site de l’association Centre LGBT Grenoble-Cigale.