FOCUS – Qu’est-ce qu’un monstre ? Et qu’est-ce que la normalité ? Avoir des rapports sexuels avec un robot, cela vous semble pathétique ou excitant ? Voici quelques questions que le visiteur est amené à se poser en découvrant l’exposition Monstru’Eux. Vous trouvez ça normal ?, proposée en binôme par le Muséum de Grenoble et La Casemate jusqu’au 8 janvier 2017. Ludique et instructif…
« Si c’est horrible, ne regarde pas ! » Tel est le cri du cœur d’une maman inquiète pendant que sa petite fille parcourt l’allée de l’exposition Monstru’Eux. Vous trouvez ça normal ? du Muséum de Grenoble. Elle n’a pourtant guère de raisons de se faire de souci : rien de choquant parmi les monstres proposés ici. En prenant surtout l’allure d’un cabinet de curiosités, le Muséum met avant tout en scène notre fascination pour les créatures qui sortent de l’ordinaire.
« J’ai choisi de traiter le sujet il y a trois ans, en voyant le succès qu’ont sur YouTube les vidéos montrant des monstres humains, explique Catherine Gautier, directrice du Muséum et commissaire de l’exposition. J’ai pensé qu’il fallait donner aux gens des clés sur ce qu’évoque le monstre et, surtout, derrière cette question, sur la question de la différence, sur ce qui est normal. »
Un ton résolument ludique
L’exposition, sous-titrée « Vous trouvez ça normal ? », propose au visiteur de s’interroger sur son rapport à la norme. Mais en prenant le parti de l’exotisme avec le « Cabinet des chimères » de Camille Renversade, le Muséum adopte un ton résolument ludique qui ravira petits et grands. Yeti, monstre du Loch Ness, Phénix et autres Kraken peuplent les vitrines de cet étrange salon riche de ses reproductions et de son iconographie somptueuse.
Le Muséum s’emploie également à expliquer comment naissent les légendes. Comment le squelette d’un lamantin a inspiré le mythe de la sirène ; ou comment la trace de patte de Nessie, le monstre du Loch Ness, était en fait celle d’un hippopotame, probablement reconverti en… cendrier. Mais que le visiteur se rassure : il découvrira un « véritable » dahu empaillé !
L’humain, c’est à l’Orangerie qu’on le trouvera, à quelques pas de la salle du Muséum. Pas de volonté tapageuse ou voyeuriste : juste l’évocation de quelques difformités naturelles, une brève mention de John Merrick, alias Elephant Man, au corps horriblement déformé par la maladie de Protée, avant de chercher à nous questionner sur ce qui fait, ou non, un monstre.
Cependant, en prenant le choix de mélanger dans une même installation la question de la monstruosité « sociale » – autour de la criminalité ou de la folie – avec celle de la monstruosité physique – autour de l’évolution de l’espèce humaine –, l’exposition s’éparpille un peu sans vraiment donner les clés de la réflexion qu’elle aborde. Et si les projections vidéos sont d’un grand intérêt, on regrettera que les plaques explicatives qui les accompagnent soient quasiment illisibles, faute d’une lumière suffisante…
Inquiétante étrangeté
Le visiteur pourra enfin se rendre à La Casemate pour découvrir le dernier chapitre de Monstru’Eux, consacré à notre rapport aux robots et aux technologies tendant à copier, ou dépasser, l’humain.
Tout à fait dans l’esprit de La Casemate, l’exposition se veut drôle, instructive et interactive. Et pose des questions bien moins anecdotiques qu’il n’y paraît au premier abord. « Avoir des rapports sexuels avec un robot, cela vous semble pathétique ou excitant ? » Le visiteur est invité à voter…
Dans une pièce sombre, il est également invité à découvrir ce « sentiment d’inquiétante étrangeté » – termes empruntés à Freud – , théorie voulant que plus un robot ressemblera à l’humain, plus il mettra mal à l’aise celui qui se tient à côté. C’est ici peut-être que le rapport au monstrueux prend tout son sens : lorsque le robot est trop humain, pourquoi nous apparaît-il encore plus différent de nous ?
Autant de questions que l’on pourra se poser, sans forcément toujours trouver des pistes pour y répondre.