REPORTAGE VIDÉO – Jongleurs, danseurs, comédiens, musiciens, clowns… et manifestants contre la loi Travail. La quinzième édition de Festiv’arts, le festival des arts de la rue de Grenoble, vient tout juste de s’achever dans un contexte très particulier. Une renaissance après une édition 2015 raccourcie, du fait de problème de financement. Au menu cette année, bonne humeur et convivialité pour réinventer l’espace public en toute liberté.
« Un Festiv’arts sans la pluie, ce ne serait plus vraiment un Festiv’arts ! », plaisante Xavier Guicherd-Delannaz, le président de l’association éponyme. Une manière de conjurer le sort ? Il est vrai que ce vendredi 8 avril, la pluie, l’ennemie des baladins et autres saltimbanques coureurs de rues, risque de s’inviter à la fête et de compromettre les premiers spectacles en extérieur de cette quinzième édition. Sans parler d’une température pour le moins dissuasive. « En avril, ne te découvre pas d’un fil », le vieux dicton de la sagesse populaire, est ainsi vérifié. Mais il en faut plus pour décourager les organisateurs et les artistes : The show must go on !*
Festiv’arts : plus qu’un festival, un état d’esprit
Qu’est-ce que Festiv’arts ? Avant d’être un festival des arts de la rue, c’est avant tout un état d’esprit. Celui de la jeunesse, de la bonne humeur couplée à une totale décontraction. C’est ce qui caractérise tant la centaine de bénévoles – auxquels s’ajoutent les prestataires et intermittents du spectacle – que le public. Lequel d’ailleurs ne s’y trompe pas et reste fidèle à ce rendez-vous annuel.
Mais l’âme véritable du festival, ce sont ces artistes que l’on croise, durant trois jours, sur les places du centre-ville, installés sur des scènes de fortune, faites de bric et de broc. L’essentiel n’est-il pas de faire rêver, de redonner des couleurs à la vie, à la rue ? « La rue est à nous, et pourtant, nous ne faisons qu’y passer. Comment la voir autrement ? Comment la transformer ? », questionne la brochure du festival.
À charge pour les artistes invités de fournir des réponses, de relever le défi. Autant dire qu’ils s’y sont employés avec ferveur et authenticité, en lien avec le public, le temps d’une saynète, d’un concert, en jonglant, et surtout, surtout… en s’amusant.
Mais quoi de mieux que quelques images moissonnées ça et là au fil du programme, de nos envies ou tout simplement au hasard de nos pas ou encore d’une rencontre ?
Reportage Joël Kermabon
Quid de la programmation ? « Nous essayons de proposer le plus de choix esthétiques possibles au public. Pour nous, apporter la culture aux gens dans la rue, sur les places publiques revêt une très grande importance, explique Xavier Guicherd-Delannaz. Nous avons voulu proposer des spectacles de qualité à la population grenobloise et marquer le coup pour fêter les quinze ans du festival. »
Les manifestations contre la loi travail en toile de fond
Le contexte de cette quinzième édition de Festiv’arts était cette année assez particulier, le 9 avril ayant aussi été la date choisie par diverses organisations syndicales pour organiser une nouvelle manifestation contre la loi El Khomri. Qui plus est, le mouvement social s’est élargi pour donner naissance à La Nuit debout Grenoble impliquant notamment les intermittents du spectacle.
De quoi expliquer que certains artistes ou compagnies ne se soient pas produits comme prévu initialement par le programme, préférant se joindre au mouvement devant la MC2. « Cela a eu effectivement une répercussion sur le programme mais une répercussion calculée », assure Xavier Guicherd-Delannaz.
Dès le début de la semaine, l’ensemble de l’organisation s’était réuni pour savoir si les spectacles prévus le 9 avril seraient annulés ou bien maintenus.
« Nous avons fait le choix de les maintenir, mais de manière intelligente. C’est la raison pour laquelle nous avons annoncé aux bénévoles, aux compagnies et aux artistes qu’ils pourraient faire grève s’ils le souhaitaient. »
Durant la journée du 9 avril, seuls deux spectacles ont ainsi été annulés. Pour autant, le président de Festiv’arts l’assure, le festival garde son esprit militant. Notamment via la mise en place de caisses de solidarité pour participer aux frais de justices des militants arrêtés. Mais pas seulement. « Maintenir les spectacles c’était aussi un autre moyen d’exprimer notre colère. L’art de rue est en l’occurrence un moyen d’expression privilégié », explique-t-il. Et de préciser : « C’est un moyen symbolique beaucoup plus fort qu’une population qui se réunit pour manifester et crier dans la rue ».
« Cette année, c’est le paradis ! »
Et financièrement, où en est le festival ? « Pour nous, cette année, c’est le paradis puisque Festiv’arts est redevenue une association étudiante », se réjouit Xavier Guicherd-Delannaz. « L’Université nous a vraiment beaucoup aidés cette année. Mais aussi la municipalité qui à mis, gratuitement, des équipements divers à notre disposition. »
Pour bien comprendre la satisfaction du président de Festiv’arts, il faut revenir sur l’édition 2015 du festival où la structure avait perdu son statut d’association étudiante et n’avait donc pas pu bénéficier de l’une des subventions les plus importantes pour son budget, celle de l’Université. C’est désormais de l’histoire ancienne puisque cette même université lui a octroyé une subvention de 9.000 euros, contribuant ainsi à faire repartir le festival sur de bonnes bases.
L’ensemble des subventions – qui avoisine les 10.000 euros – aura également permis de maintenir l’entière gratuité des spectacles, chère aux yeux des organisateurs… et du public. L’occasion pour Xavier Guicherd-Delannaz de remercier au passage la ville de Grenoble qui ne s’est pas contentée de délivrer une subvention. « Ils nous ont aussi vraiment facilité les choses et nous ont fait confiance pour animer durant quatre jours les rues et places du centre-ville. »
Joël Kermabon
* The show must go on : Le spectacle doit continuer