REPORTAGE VIDÉO – Le procès des meurtriers présumés de Kevin Noubissi et Sofiane Tadbirt est entré dans sa cinquième semaine avec les interrogatoires des accusés. Pour autant, les langues ne se sont toujours pas déliées. Pression et omerta planent plus que jamais sur les débats. Le point avec plusieurs avocats des deux parties.
Peu de monde dans la salle des pas perdus du tribunal de Grenoble, ce mardi 1er décembre… La faute à la tenue des audiences à huis clos qui rend bien difficile le suivi du procès. Faire le pied-de-grue pendant des heures, attendre les interruptions de séances sont la règle si l’on veut obtenir quelques parcelles d’informations, que ce soit de la part des avocats, des familles ou des proches.
Après les examens de personnalité des accusés et des victimes, après les auditions des experts et des témoins présents lors de la rixe, la cour d’assises des mineurs de Grenoble interroge les accusés sur le fond de l’affaire depuis ce lundi 30 novembre. Le procès entre, là, dans une phase cruciale. Si des langues doivent se délier, c’est maintenant. Mais les parties civiles ne sont guère optimistes car l’omerta et la pression règnent en maître.
« Saïd Hanachi a souhaité revenir sur ses déclarations »
Pour preuve, la surprenante volte-face devant la cour, la semaine dernière, de l’un des témoins, Saïd Hanachi. Ce dernier avait confirmé les déclarations que lui aurait faites l’accusé Naderhaman Delli relatives aux responsabilités des autres inculpés. Mis en cause pour avoir transporté l’un des accusés, Saïd Hanachi n’aurait pas participé à la rixe. Il confirmait à l’audience du matin ses déclarations enregistrées lors de sa garde à vue, précisant notamment le rôle de Ilyes Tafer, l’un des coaccusés.
« Pendant la suspension d’audience et alors même que son interrogatoire n’était pas terminé, il aurait reçu des pressions de la part du père de Ilyes Tafer », relate Hafida El Ali, avocate des parties civiles.
Et de poursuivre : « Il a souhaité revenir sur ses déclarations, prétextant qu’il s’agissait de pressions de Youssef Camara, ce qui est totalement erroné puisque ce dernier était en détention. »
Jean-Pierre Pradier, le président de la cour d’assises, a d’ailleurs aussitôt engagé des poursuites pour faux témoignage. Peine maximale encourue : trois ans de détention. Quant à la subornation de témoin, l’avocate se fait plus prudente : « C’est au président de la cour et au procureur général de décider de poursuivre. »
Un premier revirement, révélateur, qui augure mal de la suite de cette semaine durant laquelle les accusés seront tour à tour mis sur le gril. L’avocate est pessimiste. « Je crains que l’omerta règne. Pour l’instant, il n’y a eu aucune révélation et je crois qu’il n’y en aura pas », regrette-t-elle.
Hafida El Ali revient sur les premiers interrogatoires de ce début de semaine.
Reportage Joël Kermabon
Des accusations « friables » de la part d’accusés « qui mentent tous »
« C’est un procès difficile, un marathon judiciaire. Six semaines d’audiences, c’est extrêmement long !, analyse maître David Metaxas, l’un des avocats de l’accusé Constant Mukala Wetu. Nous avons passé beaucoup de temps sur la personnalité des accusés et des victimes, ce qui explique la longueur des débats » Un temps pourtant nécessaire, selon lui, pour que la cour d’assises puisse analyser sereinement les faits et les personnalités.
« Pour ma part, je suis l’avocat d’un accusé qui conteste avoir participé aux faits. Ce que j’espère c’est un verdict d’acquittement pour mon client », déclare le défenseur. « Il indique qu’il était bien là lors des premières scènes mais pas sur la rixe mortelle. Aucun des éléments du dossier ne laisse apparaître qu’il aurait été présent lors des coups mortels » précise-t-il encore. Pour lui, c’est clair : son client a fait l’objet d’accusations « friables de la part de coaccusés qui ne prêtent pas serment de dire la vérité et puis qui mentent. Ils mentent tous ! », s’indigne David Metaxas.
Des déclarations d’une versatilité extraordinaire
« Nous abordons enfin les questions de savoir qui a fait quoi. Et nous avons abordé cette question par l’un des accusés qui accuse les uns et les autres », constate maître Ronald Gallo, défenseur de Bérat Karaborklu. « Nous avons passé toute l’après-midi d’hier à vérifier le bien-fondé de ces accusations », poursuit-il. L’avocat dénonce, un tantinet ironique, « l’attitude bienveillante du ministère public à l’égard de l’accusé Mohamed El Amine Elhadj Daouadji ».
Pour le défenseur, c’est une évidence, il est l’auxiliaire de l’accusation puisqu’il charge les autres accusés. Et ce « même si, pendant trois ans, il a varié sur ses déclarations, accusant, se rétractant, ré-accusant, faisant preuve d’une versatilité extraordinaire », déplore l’avocat, qui s’étonne du fait que « le ministère public ne s’inquiète pas de ces variations ».
Impressions et sentiments des défenseurs David Metaxas et Ronald Gallo sur les enjeux de ces premières audiences traitant le fond de l’affaire.
Reportage Joël Kermabon
Joël Kermabon
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