BLOG ÉCONOMIE – Contrairement aux idées reçues, Apple est loin d’être seul à l’origine du succès de l’iPhone. L’État y est pour beaucoup à travers les investissements dans la recherche et développement, faisant de l’iPhone un produit symbole de l’État entrepreneurial.
Le succès de Apple repose sur un double mythe. Celui de la libre entreprise privée entendue comme une énergie créatrice à l’origine de la prospérité. Et celui du génial entrepreneur qui, depuis le fond de son garage, invente les technologies de demain au profit de ses congénères consommateurs.
Cette vision libérale est pourtant erronée. Si les talents de Steve Jobs et de ses associés sont indéniables, ils n’expliquent pas tout. La réussite de la marque à la pomme aurait été impossible sans le rôle actif de l’État américain. Les technologies intégrées dans l’iPhone (protocoles internet, GPS, semi-conducteurs, écran tactile, application vocale Siri, etc.) trouvent, en effet, leurs origines dans des financements publics et une intervention massive de l’État.
L’État américain s’est comporté en véritable entrepreneur au service de l’innovation. Il a investi, depuis plusieurs décennies, des montants colossaux dans la recherche fondamentale et des projets de recherche appliquée. Surtout, il a pris les risques que le secteur privé ne pouvait assumer, les coûts étant trop importants par rapport à des revenus incertains et trop lointains.
A Grenoble, cela n’étonnera pas. Nous savons combien l’État joue un rôle majeur dans l’innovation et le déploiement des nouvelles technologies. Le privé, par exemple les startups et le capital-risque, jouent, certes un rôle indéniable, mais il arrive plus tard, après que l’État a fourni le plus gros du financement et dégagé l’horizon des incertitudes de long terme.
Apple, pingre en matière de financement de l’innovation
Dans un ouvrage récent, malheureusement non traduit en français, Mariana Mazzucato montre comment Apple a su tirer parti de cette action publique aux États-Unis. Apple n’est pas source d’innovation dans le high-tech et se montre pingre lorsqu’il s’agit de financer l’innovation. Seulement 2,8 % de ses recettes sont consacrées à la R&D, contre 13,8 % pour Microsoft, 12,2 % pour Sony Ericsson, ou 8,3 % pour Samsung.
Le génie d’Apple ne réside donc pas dans sa capacité à innover sur le plan technologique. Mais plutôt à intégrer – certains diront exploiter – les technologies existantes, largement financées sur fonds publics, et à les combiner à un design et des recettes marketing efficaces.
Pourquoi pas, après tout ? On fait du business, non ? Le problème est qu’Apple illustre un cas d’école parfait de socialisation des investissements et de privatisations des profits. L’État a pavé les chemins de l’innovation, mais c’est Apple qui empoche les bénéfices.
Quand on sait qu’Apple a également obtenu des subventions gouvernementales importantes à ses débuts, on ne peut que s’interroger sur l’inéquitable rétribution de cet « État entrepreneurial ». Heureusement, les contribuables ne sont pas rancuniers, ils adorent les produits Apple !
Jean-François Ponsot