DÉCRYPTAGE – Sciences Po Grenoble, en partenariat avec la ville de Grenoble, organisait ce mardi 21 avril le premier « Grand oral » public d’Éric Piolle au théâtre municipal. A cette occasion, une dizaine d’experts ont analysé ses orientations politiques et l’ont interrogé sur onze thématiques. Retour sur cet exercice de style un peu frustrant.
Un grand oral savamment orchestré. La règle du jeu ? Onze experts issus du monde universitaire et de la recherche posaient chacun une question à l’élu.
Ils n’avaient droit qu’à la projection d’une seule diapositive pour illustrer le thème choisi et à quatre minutes pour l’exposer, le développer et en clarifier les enjeux. Le maire, quant à lui, disposait de six minutes pour y répondre, avec la possibilité d’utiliser jusqu’à trois jokers permettant à un membre de son équipe de répondre à sa place.
Histoire d’ajouter un peu plus de pression si besoin était, le public – à qui l’on avait remis deux cartons, un rouge et un vert – indiquait, après chaque réponse de l’élu, s’il avait été convaincu par ses arguments en brandissant l’un ou l’autre des cartons. Aucune autre interaction avec le public n’était toutefois possible et l’interrogateur ne pouvait pas rebondir sur les propos du maire.
Une première en France
Ce grand oral, fruit d’une initiative de Raul Magni Berton, enseignant-chercheur à Science Po Grenoble et médiateur de la soirée, inaugurait une première en France. Jusqu’à présent, seuls le Québec et la Belgique l’avaient expérimenté.
L’idée sous-jacente, selon le communiqué de Sciences Po : « promouvoir l’utilité de l’Université dans son rôle de diffusion des connaissances et d’analyse des enjeux politiques, économiques, sociaux ou juridiques, à travers un débat public traitant des points peu couverts dans les médias ».
Tout un programme donc avec, en ligne de mire, le pointage éventuel des quelques ratés ou manquements survenus au cours de la première année de la mandature du maire écologiste.
Aucune question sur le thème de la culture
La formule a visiblement dû intriguer puisque c’est dans un théâtre plein à craquer que la confrontation a pu démarrer. Finalement, onze questions explorant autant de thématiques avaient été retenues par le médiateur.
Un aréopage de doctorants, chercheurs et enseignants de l’École d’architecture et d’urbanisme de Grenoble et de l’Institut d’études politiques a ainsi abordé des domaines aussi variés que « Végétaliser la ville », « La remunicipalisation de la gestion des énergies », « Plan local d’urbanisme et promesses électorales » ou « Sécurité ».
On pourra cependant regretter qu’aucune des questions n’ait abordé le thème de la culture. Un choix surprenant étant donné le lieu d’accueil de l’événement et le contexte un peu tendu dans ce domaine.
Éric Piolle en terrain conquis ?
Éric Piolle s’est livré à l’exercice de bonne grâce, sans se départir de la décontraction qui lui est coutumière. Les questions ne lui avaient pas été communiquées, assure la municipalité. C’est la règle dans un grand oral.
Il les découvrait d’ailleurs visiblement en direct. Pas de fiches donc, juste quelques notes prises lors de l’exposé d’introduction des questions, quelque peu longuet pour certains.
Un constat : à aucun moment le maire n’a réellement été mis en difficulté par ses interlocuteurs, auxquels il a parfois manqué ce petit brin d’impertinence qui aurait pimenté un questionnement par trop policé. Les quelques manquements pointés par les analystes restaient circonscrits dans un prudent consensus, allant même parfois jusqu’à valider certaines des options prises par le maire, notamment sur le thème de l’arrêt de la vidéosurveillance.
Réalisation JK Production
Un seul joker !
L’assistance, composée d’universitaires, de beaucoup d’étudiants mais aussi de citoyens, pouvait sembler toute acquise à sa cause, à en croire la forêt de petits cartons verts qui ponctuait chacune de ses interventions.
Bien sûr, certains affichaient ostensiblement leur carton rouge mais, globalement et proportionnellement, les verts l’ont emporté sur l’ensemble des onze questions. Éric Piolle s’en sort donc bien. Il aura su convaincre le public mais, peut-être celui-ci était-il déjà conquis ?
L’élu, très à l’aise, a bien esquivé certains écueils en s’appuyant sur une rhétorique désormais bien rodée, mais n’a utilisé qu’un seul joker en la personne de Pascal Clouaire, l’adjoint à la démocratie locale, pour compléter sa réponse sur « Les outils juridiques de la démocratie directe ».
Pour autant, le format trop contraint ne permettait aucun rebond, ni contradiction ni relance, alors que les réponses de l’élu auraient, pour certaines, mérité d’être approfondies. Mais il est vrai que ce n’était pas un débat… Au grand regret des amateurs de scoop, les réponses d’Éric Piolle sur les différents thèmes n’auront rien appris de bien nouveau au public.
Une impression mitigée
Au final, persiste une impression mitigée. On retiendra le bon niveau des questions et des analyses et la précision des angles choisis. Le tout accompagné d’un intéressant décryptage des enjeux par des universitaires qui entendaient bien démontrer combien leurs apports pouvaient contribuer à améliorer et ouvrir le débat sur la chose publique.
Mais on restait tout de même dans l’entre-soi. Avec ce je ne sais quoi, comme un ronronnement, qui au bout de la cinquième question pouvait commencer à émousser l’intérêt.
Joël Kermabon
L’intégralité du grand oral est disponible en vidéo sur la chaine Youtube de Science Po Grenoble.