RENCONTRE LITTÉRAIRE – Jean Rolin présentait son dernier roman, Les Évènements, à la librairie Le Square ce jeudi 12 février. Jeunes – et moins jeunes – lecteurs ont écouté l’auteur lever quelques-uns des mystères qui nimbent cet ouvrage aux allures de journal de guerre mi-burlesque, mi-rêveur.
Les Évènements, de Jean Rolin, figure parmi les dix titres sélectionnés pour le prix du roman France Culture – Télérama. Prix pour lequel le jury est exclusivement composé d’étudiants.
Certains d’entre eux étaient présents, jeudi 12 février dernier, à la librairie Le Square, ce qui faisait sensiblement chuter la moyenne d’âge de l’assemblée !
Une souveraine nonchalance
À le voir répondre aux questions de Nicolas Trigeassou, directeur de la librairie, on devine, chez l’auteur, une proximité avec ses personnages de narrateur. Amusé, ironique parfois, souverainement nonchalant. Peut-être la lassitude causée par le marathon des rencontres littéraires y est-elle pour quelque chose.
Qu’à cela ne tienne, Jean Rolin n’en a pas moins évoqué, avec la brillance qu’on lui prête à la lecture de ses textes, les origines de sa fiction. Car c’est bien de fiction dont il s’agit et non d’anticipation ou de récit plus ou moins prophétique, comme le voudrait la petite polémique qui enfle au sujet de l’ouvrage depuis les attentats contre Charlie Hebdo.
Jean Rolin n’est pas un prophète
Les Évènements est un roman qui prend pour cadre une France lacérée par les conséquences d’une guerre civile dont on a sonné la trêve peu de temps auparavant. L’armée régulière et les milices de tout poil se disputent le territoire. Les différentes milices sont d’obédiences disparates. Politiques : les extrêmes de la gauche et de la droite ; confessionnelles : les unes chrétiennes, les autres musulmanes (d’où la polémique larvée).
Dans ce mic-mac, se tissent des alliances pour le moins étonnantes : les djihadistes d’Aqbri (« Al Qaïda dans les Bouches-du-Rhône islamiques » !) forment une coalition avec quelques mouvements d’extrême gauche. Difficile de prendre au sérieux de telles fantaisies, surtout quand on mesure à quel point l’auteur est loin de se préoccuper des enjeux réels du conflit, dont le lecteur ne saura rien.
L’auteur des paysages
Ce qui intéresse Jean Rolin, ce sont les à‑côtés de la guerre. Les marques qu’elle imprime sur le territoire que traverse un narrateur absolument indifférent aux troubles de son pays.
L’auteur peut ainsi s’adonner à son goût de l’exactitude. Les paysages sont décrits avec un luxe de détails que sert ce langage ciselé qui brille de l’éclat d’un lexique et d’une syntaxe incroyablement fouillés. La transition de l’hiver au printemps offre un singulier contraste avec la guerre civile sans sombrer dans la « niaiserie » dont se défie l’auteur.
À l’intérieur de flamboyantes descriptions, surgissent à l’improviste tels mots ou considérations sinon vulgaires du moins triviales. L’auteur est coutumier de ces heurts stylistiques. Il peut ainsi rapporter dans le plus beau langage la difficulté que représente pour le narrateur le fait de devoir, dans un même temps, se soulager et tenir son pistolet. Lequel n’est pas armé puisque le personnage ne se verrait « pas faire feu sur un quidam pour la simple raison qu’il aurait interrompu [s]a miction. »
L’expérience du grand reporter
Pour être burlesque, le récit ne se nourrit pas moins du passé bien réel de l’auteur, qui couvrit le conflit en ex-Yougoslavie cependant qu’il était grand reporter. « J’ai voulu transposer des scènes de guerre dans des paysages qui nous sont familiers », assure l’auteur, fasciné par la propension des populations à « restaurer certains types d’activité » au cœur des situations de conflit.
Et de poursuivre sur une anecdote vécue. À Sarajevo, il fut le témoin, ébahi, de la traversée d’un quatuor à cordes au sein d’une zone particulièrement prisée par les snipers ! Un passé riche, donc, transfiguré dans un roman aux allures de journal de guerre bercé de rêverie et d’ironie amère.
Adèle Duminy
Les Évènements, de Jean Rolin
Éditions P.O.L
Prochaine rencontre à la librairie Le Square :
Emmanuelle Guattari pour New York, petite Pologne
Jeudi 26 février à 18 h 30
Plus d’infos sur www.librairielesquare.fr