Opposant de gauche, adversaires de droite, les différents présidents des groupes de l’opposition ont tous un avis sur la nouvelle mesure du maire de Grenoble qui, le 23 novembre dernier, a officialisé la suppression de l’affichage publicitaire dans l’espace public. Des réactions contrastée mais une opposition globale.
Dans les rangs de l’opposition, l’annonce a surpris tout le monde… désagréablement. Le jour même, Jérôme Safar, conseiller municipal, président du groupe d’opposition Rassemblement de Gauche et de Progrès de la Ville de Grenoble déclarait dans un communiqué : « Nous apprenons aujourd’hui, par le biais de divers articles de presse liés à une campagne de communication orchestrée par l’équipe municipale, la fin d’un contrat concernant le mobilier urbain et la publicité sur l’espace public. »
Et de dénoncer la méthode : « comme d’habitude depuis maintenant 7 mois, cette annonce unilatérale se fait d’abord par voie de presse sans aucune information, ni concertation, tant avec les élus du conseil municipal qu’avec les Grenoblois eux-mêmes ».
Une décision “prise sans concertation”
Tout comme la gauche d’opposition, la droite déplore l’absence de débat préalable et condamne cette décision unilatérale.
« C’est une décision idéologique qui a été prise sans dialogue, sans concertation, ce qui est contradictoire avec le discours – on va réinventer la démocratie locale à Grenoble – », déclare Matthieu Chamussy, conseiller municipal à Grenoble, président du groupe d’opposition UMP-UDI.
Et d’ajouter : « Bannir la publicité dans l’espace public géré par la ville, cela peut apparaître très sympathique de prime abord mais cela va avoir un certain nombre d’effets négatifs. »
Pour l’élu, ce choix coupe les Grenoblois de nouveaux services au moment où « arrive sur le marché le mobilier urbain intelligent qui permet aux habitants d’être connectés, de suivre des fils d’infos, de charger des applis, d’obtenir des infos sur le quartier, le trafic etc. […] Cette municipalité a décidé, sans demander leur avis aux Grenoblois, qu’ils n’auraient pas accès à ces nouveaux services qui rendent la ville intelligente et qui s’inscrivent tout à fait dans le label French Tech que vient d’obtenir l’agglomération grenobloise. »
« On s’assoit sur 600 000 euros de recettes »
Partageant ce point de vue, Jérôme Safar se positionne d’emblée sur le terrain financier : « Là où je suis très surpris, c’est qu’il n’y a pas un conseil municipal, une réunion où les élus de la majorité actuelle ne se plaignent d’une baisse de dotation de la part de l’État et d’une situation financière, soit disant, catastrophique sans aucune marge de manœuvre. Et maintenant, on s’assoit sur 600 000 euros de recettes ! »
Une redevance jugée peu crédible
La ville déclare qu’en cas de nouveau contrat, la redevance aurait été au maximum de 150 000 euros par an, soit un montant divisé par quatre. A quoi Jérôme Safar répond : « Comment peut-elle annoncer ce chiffre alors que rien n’a été négocié ? C’est quand même la collectivité qui est la plus forte dans ce type de négociation car vous avez en face de vous un prestataire commercial – JCDecaux ou un autre – dont le seul intérêt est de pouvoir implanter son mobilier urbain sur notre commune. Donc la redevance, soyons clairs, c’est l’élu qui la fixe. […] Et la crise n’a pas d’incidence. »
Matthieu Chamussy ajoute : « Ce qui est sûr, c’est que dans le budget qui sera construit l’année prochaine, il n’y aura pas ces 600 000 euros de recettes. Est-ce qu’il faudra diminuer les subventions aux associations, au secteur culturel ? Cela nous promet un débat budgétaire très intéressant. »
Des économies contestées
D’après la municipalité, ce manque annuel sera très largement compensé par les économies déjà réalisées sur le budget protocole de la ville de Grenoble. Elle précise que rien qu’entre 2013 et 2014, il a déjà été réduit de plus de 190 000 euros. Un chiffre que Jérôme Safar conteste : « Dans le tableau du budget supplémentaire de la semaine dernière, le budget “fêtes, cérémonies et protocole” augmente de 111 500 euros entre les mois d’avril et aujourd’hui. » Quant à Matthieu Chamussy, il dénonce « un mensonge éhonté […] Les frais de petits fours augmentent avec cette nouvelle équipe municipale ! »
Des conséquences économiques redoutées
Et Matthieu Chamussy d’enchaîner : « cette décision va aussi avoir une conséquence négative sur le tissu économique local ». Même son de cloche de la part de Jérôme Safar selon lequel « cette décision va supprimer de l’emploi local car du personnel travaille sur place pour JCDecaux. » Sans compter les conséquences économiques plus larges qu’il y voit. « La crise s’accélère à Grenoble, les commerces ferment en nombre dans le centre-ville. Les commerçants se plaignent d’une absence d’attractivité et d’animations. Ils attendent de leur ville un soutien et là, ce n’est pas un signal de soutien ! »
Pour Mireille d’Ornano, eurodéputée et conseillère municipale Front National à Grenoble, du chômage sera inévitablement induit chez JCDecaux et dans la chaîne de ses sous-traitants.
Et reprenant sa rhétorique familière, déclare : « Éric Piolle veut repenser la ville à hauteur d’enfant. Il est temps qu’il devienne adulte. Non content de brider le commerce en asphyxiant la circulation dans la ville et en laissant libre cours à la délinquance, le voilà qui s’attaque aux moyens de communication des entreprises. »
“Qui va payer l’affichage libre ?”
Jérôme Safar émet déjà quelques réserves sur le nouveau dispositif d’affichage libre prévu par la ville.
« Il n’améliorera pas le paysage urbain. Rien qu’à voir les panneaux existants aujourd’hui à Grenoble, ils ne sont pas magnifiques… Ils sont blindés d’affiches dans tous les sens. Et puis avec la puissance de frappe de certains organisateurs de spectacles, par exemple capables de couvrir d’affiches tous les panneaux d’affichage, comment vont faire les autres ? »
Et l’élu de pointer les coûts induits. « Si la ville met en place un système de contrôle sympathique et éventuellement aussi de nettoyage régulier, cela va générer de la dépense de fonctionnement. Qui va payer tout ça ? » D’après Matthieu Chamussy, il ne faut pas être grand clerc : « les coûts d’investissement et d’entretien, c’est la collectivité qui les supportera à 100 %. »
Mireille d’Ornano va plus loin : « Le but de la municipalité n’est pas de libérer l’espace mais de remplacer ces panneaux par de la propagande interne qui sera collée par les nombreuses associations. »
Et s’il avaient été aux responsabilités ?
« Notre position serait restée ouverte, ce qui n’est pas le cas du maire qui arrête tout, affirme Jérôme Safar. Je suis cependant comme les trois-quarts des Français qui demandent la réduction des espaces publicitaires. Nous aurions lancé un nouvel appel d’offre sur la base d’une réduction du nombre de panneaux et intégrant l’implantation de mobilier urbain intelligent. »
Une position partagée par Matthieu Chamussy : « j’aurais lancé un avis d’appel à concurrence sur un nouveau marché, avec moins d’emplacements et du mobilier intelligent. » Quant à Mireille d’Ornano, elle n’aurait tout simplement rien changé. « Nous aurions, pour notre part, renouvelé le contrat existant avec JCDecaux ».
Véronique Magnin
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