PORTRAIT INTERACTIF – Successeur naturel de Michel Destot qui l’avait repéré dès 1989, Jérôme Safar a depuis gravi les échelons pour s’imposer aujourd’hui comme le candidat légitime du Parti socialiste et de ses alliés à Grenoble. Par sécurité, il a complété son parcours politique d’une parenthèse professionnelle dans le privé. « Travailleur exigeant » pour les uns, « colérique » pour d’autres, son ascension est en partie due à son caractère.
Les municipales : un scrutin de listes mais un bulletin de cœur. Plus qu’une équipe, c’est surtout le nom d’un maire qui sera glissé dans l’urne les 23 et 30 mars prochains. Place Gre’net vous fait découvrir un candidat chaque dimanche jusqu’au premier tour. Son parcours politique, mais aussi ses attaches personnelles et son tempérament pour faire votre choix avec conscience et conviction.
Boulevard du Maréchal Joffre. Le local de campagne est incontournable, tant pour les piétons que pour les automobilistes de cette artère traversant la ville d’Est en Ouest. La vitrine verte et rose détonne de la grisaille des édifices voisins. Ce sont les couleurs de campagne de Jérôme Safar, dont le portrait couvre en grande partie la façade. À l’intérieur, Arlette, une des aînées de l’équipe de campagne, assure une permanence énergique entre le téléphone et la machine à café. Elle en propose une tasse à tous les visiteurs et s’assure que le gobelet a bien été vidé avant qu’ils n’aient quitté les lieux. Pas de gaspillage. L’agenda du candidat socialiste est dense. La veille, il participait à un débat public. « Nous avons rendez-vous à la caserne de Bonne dans une heure et demie », prévient Céline Deslattes, adjointe grenobloise à la petite enfance, qui veille au respect du timing et qui le conduira ensuite en voiture à quelques pas du local. « Le débat et la rhétorique, un sport familial » « C’est un homme ferme dans ses opinions et solide dans ses principes », prévient un proche politique. Paisible mais déterminé, Jérôme Safar répond comme d’habitude avec une assurance naturelle et un charisme certain. « J’ai baigné dès l’enfance dans un univers ou la discussion, le débat et la rhétorique étaient un sport familial. Mais je suis le seul de ma famille à avoir franchi le pas de l’engagement politique », remarque le candidat, fils d’un médecin et d’une professeur d’espagnol. Un cadre familial « cultivé, informé, mais pas politisé ». Quelques visages célèbres, passés jadis à la table familiale, lui reviennent en mémoire. Des rencontres déterminantes. Vittorio de Sicca, le réalisateur italien oscarisé, décédé en 1974, quelques mois après avoir promis un rôle au jeune Jérôme dans son prochain film. « Je suis peut-être passé à côté d’une grande carrière », plaisante-t-il aujourd’hui. Mais aussi le père Delorme, « curé des Minguettes » qui fut le porte-parole médiatique en 1975 des prostituées occupant l’église Saint-Nizier à Lyon, avant d’être l’un des initiateurs de la « Marche des beurs », huit ans plus tard. Les rencontres, ce sont également elles qui pousseront le lycéen lyonnais de l’époque – créateur d’une antenne de SOS Racisme dans son lycée et opposant aux lois Devaquet — jusqu’au militantisme politique. « J’ai rencontré Michel Rocard à 20 ans. Pas encore Premier ministre mais déjà présidentiable. J’ai été totalement séduit par le discours de l’homme, l’exigence démocratique, jamais en dehors de la réalité ». Michel Destot enfin, celui-ci ayant remarqué le jeune Safar dès son arrivée à Grenoble pour intégrer Sciences-Po. « Rocardien lui aussi, il avait une ambition démesurée. Il s’imaginait député-maire alors qu’il n’était que conseiller général ». Une fois élu au palais Bourbon, l’actuel maire de Grenoble le rappelle en 1989 pour lui proposer d’être son assistant parlementaire en parallèle de ses études. Incontournable, il devient son chef de cabinet en 1995, son adjoint à la culture en 2001, son premier adjoint en 2008. Et demain son successeur ? L’expérience professionnelle Bouygues Avant sa carrière politique, Jérome Safar a fait un court passage dans le privé. « Un vrai travail », recommandé par Michel Destot et Jean-Paul Huchon comme « filet de sécurité ». En 2001, il obtient un rendez-vous matinal avec le directeur général de Bouygues Construction à Paris. « 5h30 du matin. Il voulait me montrer qu’on se levait tôt dans le bâtiment », se remémore-t-il. « Aimez-vous les gens ? », lui demande-t-on simplement. Une évidence pour celui que ses proches décrivent comme empathique. « Ce sera donc la direction des ressources humaines ». Fin de l’entretien. « Je ne connaissais rien à ce secteur-là. J’ai potassé comme un malade mon droit du travail et mon droit social », avoue-t-il désormais. Quel souvenir garde-t-il de cette carrière privée, abandonnée en 2008 pour se consacrer pleinement à ses mandats politiques ? « J’ai appris l’humilité face aux hommes de l’art, que l’intelligence pouvait également être pratique, mais aussi la valeur travail, l’organisation et la réactivité ». Désormais homme politique à plein temps, il garde en estime les chefs d’entreprises : « Nous avons de belles et grandes entreprises françaises. Il faut faire attention aux PME, mais aussi à ces grands groupes qui sont une force de frappe pour le pays que beaucoup nous envient ».Passez votre souris sur l’image et cliquez sur les vignettes pour les animer. Photo : Nils Louna / Interactivité : Victor Guilbert © placegrenet.fr
Passez votre souris sur l’image et cliquez sur les vignettes pour les animer. Photo : Nils Louna / Interactivité : Victor Guilbert © placegrenet.frExigeant pour les uns, colérique pour d’autres Cette expérience des ressources humaines, il en fait profiter l’équipe municipale et de la campagne. « C’est un manager bienveillant. Il sait mettre les gens en confiance mais aussi mettre la pression quand il le faut », décrit l’un de ses proches colistiers. « Il peut être colérique. C’est pour lui un atout d’efficacité car il est craint pour cela », souhaite compléter un adversaire. L’intéressé dément. « Colérique non, mais je peux être très dur. J’ai tendance a être très exigeant vis-à-vis des autres et de moi-même pour contrer ma nonchalance naturelle ». Ses proches admirent d’ailleurs son sens de l’introspection et sa connaissance de ses propres limites. Ainsi, il ne faudrait pas se fier à son visage froid, parfois austère, selon un proche conseiller régional, pour qui « cette apparente sévérité cache en réalité un humour dévastateur ». « Tellement dévastateur qu’il peut-être blessant », admet Jérôme Safar. « Je suis parfois dur dans le débat. C’est un axe de progression personnel auquel je dois faire attention ». Arlette, elle, ne craint pas la foudre du candidat tête de liste. En fin d’entretien, elle vérifie nos gobelets. « Attention car, même moi, elle n’hésite pas à m’engueuler ! », prévient-t-il, avant de rejoindre son rendez-vous suivant. Victor Guilbert