Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, les salariés de Vélocité services avalent le bitume à toute vitesse pour assurer, à l’heure, la livraison de colis avec leurs vélos ou triporteurs. Ce créneau écolo n’est toutefois pas sans contraintes. L’entreprise vient ainsi d’opérer un virage stratégique pour renouer avec la rentabilité.
Tenue de cycliste sur le dos et baskets aux pieds, Julien Harnal s’apprête à enjamber son triporteur et à pédaler pendant plusieurs heures. Il ne lui reste plus qu’à glisser un colis dans son sac. Et c’est parti ! Vélos, cartons et colis se mêlent dans ce local de l’ancienne usine Cemoi, rue Ampère, où est installée la société Vélocité services. « Le défi est physique mais c’est également une question de timing. Nous avons le stress permanent de livrer à l’heure et dans les bonnes conditions », affirme Julien, qui apprécie la dimension sportive de son métier. Voilà sept ans que Julien Harnal et Nicolas Durand ont créé ce service de coursier à vélo. Après des études dans le domaine du développement durable et un job d’étudiant de coursier à Lausanne, Julien a eu le déclic : séduit par le modèle helvète, il a voulu créer sa propre société de livraison express. « J’ai pris le virus, j’ai adoré le côté sportif et surtout l’adrénaline d’une telle activité », confie-t-il. Grenoblois de naissance, c’est dans sa ville qu’il décide de s’installer. Un choix motivé par la densité du réseau de pistes cyclables et par le grand nombre de cyclistes qui parcourent la ville. « Le vélo est très présent dans la vie quotidienne des Grenoblois », rappelle-t-il. Emballé, c’est pesé, Vélocité services voit le jour en 2006. L’entreprise se concentre d’abord sur la livraison express avant d’élargir son activité à la sous-traitance, en partenariat avec des transporteurs nationaux, tels que Chronopost, Géopost ou Exapaq. Début 2013, les coursiers déposent ainsi, chaque jour, plus de 500 colis à travers l’agglomération. Virage stratégique Lassés d’être soumis à une productivité sans cesse croissante, les jeunes entrepreneurs décident alors, au début de l’été d’opérer un virage stratégique en arrêtant la sous-traitance. « Les transporteurs exigeaient une très grande productivité mais avaient du mal à prévoir au jour le jour. Nous étions tout au bout de la chaîne et le nombre de livraisons variait beaucoup d’une journée à l’autre », confie Julien Harnal. « Au final, cela nous demandait beaucoup d’énergie pour une faible rentabilité. D’autant qu’il fallait faire de plus en plus de choses pour le même tarif ! » souligne Julien, qui reste cependant convaincu de l’avenir de ce type de livraisons. « C’est la solution pour livrer en ville, en évitant la camionnette qui coince tout le monde sur un trottoir. On encombre beaucoup moins à vélo et en triporteur. » Recentrage, donc sur l’activité d’origine : celle de coursier à vélo. « Nous sommes revenus à nos premières amours : la livraison express locale de personnes qui se livrent entre elles », résume-t-il. L’occasion aussi de renforcer leur proximité avec les clients, à qui sont livrés tout type de colis, du bouquet de fleurs à la prothèse dentaire. « Nous avons moins de livraisons mais plus de valeur ajoutée », affirme le Grenoblois. Ce changement de stratégie n’a cependant pas été sans conséquence : « Nous avons divisé le chiffre d’affaires par deux », résume Julien. « Il a donc fallu réduire les effectifs. Nous étions quinze et ne sommes plus que cinq depuis le 10 octobre, suite à quatre départs volontaires et six licenciements économiques. » L’entreprise va, par ailleurs, déménager dans de plus petits locaux. Désormais, Vélocité Services réalise entre 60 et 70 livraisons quotidiennes, avec quatre triporteurs d’une capacité de 1,5 mètre cube, une dizaine de vélos et deux véhicules électriques à quatre roues. Mais ce créneau est porteur, un nombre croissant de Grenoblois étant tout à la fois convaincus par l’efficacité et la dimension écologique de ce moyen de transport. « La course à vélo est une solution contre les problèmes de déplacements et d’embouteillages mais c’est aussi l’atout « vert » qui attire nos clients », confie Julien Harnal. Pour preuve, Vélocité a fait des émules, un ancien salarié s’est installé à son compte, comme auto-entrepreneur. Et les deux jeunes associés n’excluent pas un développement sur Lyon. Emeline Wuilbercq et Muriel BeaudoingCourses à vélo : la France à la traîne Le concept de la course à vélo ou cyclomessagerie n’est pas nouveau. Né dans les plus grandes villes anglo-saxonnes, dans les années 70, il s’est progressivement développé dans des agglomérations telles que New York, Los Angeles, Tokyo, Londres, Bruxelles, Berlin, Dublin et Lausanne. En France, où le tout-voiture règne en maître, la réalité est toute autre. La course à vélo, apparue il y a quelques années, peine encore à trouver sa place.