La diaspora et communauté malgache de Grenoble suit de près les élections présidentielles à Madagascar avec le duel Ravalomanana - Rajoelina

Elections, l’es­poir de la dia­spora malgache

Elections, l’es­poir de la dia­spora malgache

DÉCRYPTAGE – Environ 3 000 Malgaches, dont une majo­rité d’étudiants, vivent à Grenoble. Ce 25 octobre, le peuple était appelé aux urnes à l’oc­ca­sion de l’é­lec­tion pré­si­den­tielle, mais pas la dia­spora. Car pour voter, il faut attes­ter de six mois de rési­dence à Madagascar. Ce qui n’empêche pas les Malgaches gre­no­blois de se sen­tir concernés.

« De nom­breux Malgaches ont la double natio­na­lité mais il faut avoir vécu six mois sur le ter­ri­toire pour pou­voir voter » regrette Alain, diacre pro­tes­tant dans le temple de la rue Hébert, à Grenoble. Résultat : une grande par­tie de la dia­spora se trouve pri­vée de vote à l’oc­ca­sion de l’é­lec­tion pré­si­den­tielle, dont le pre­mier tour s’est déroulé le 25 octobre der­nier. Une échéance pour­tant capi­tale alors qu’Andry Rajoelina, pré­sident de la Haute Autorité de la tran­si­tion, est sur le point de lais­ser sa place à la tête de l’Etat. Pour mémoire, celui-ci s’est vu octroyer les pleins pou­voirs par un direc­toire mili­taire, le pré­sident mal­gache Marc Ravalomanana ayant été poussé à la démis­sion le 16 mars 2009, suite à de nom­breuses mani­fes­ta­tions et à ce que cer­tains assi­milent à un coup d’État.

La diaspora et communauté malgache de Grenoble suit de près l'élection présidentielle à Madagascar avec le duel Ravalomanana - Rajoelina

Andry Rajoelina, pré­sident de la Haute Autorité de la tran­si­tion (HAT). DR

Les Malgaches éta­blis à Grenoble ont vu la crise s’aggraver au cours de leurs retours régu­liers au pays. « La baisse du niveau de vie est une réa­lité, déclare Alain en fai­sant de grands gestes. Quand on com­pare l’état du pays en 2009 à celui de main­te­nant, cela n’a rien à voir. Avant, en brousse, on man­geait des yaourts. Maintenant, c’est dur de trou­ver du manioc… » La ges­tion de l’État par Andry Rajoelina est ainsi très cri­ti­quée. « Pourquoi Rajoelina comme pré­sident ? Il n’a même pas le Bac [avant sa prise de pou­voir, Rajoelina a été DJ, puis homme d’affaires ndlr]. Alors pour­quoi pas moi ? » iro­nise Alain. Si à Madagascar, la cor­rup­tion est mas­sive, son ori­gine reste dis­cu­tée. Pour lui, c’est clair et il le mar­tèle : « C’est la France et le Vatican qui ont fomenté le com­plot contre Ravalomanana. Ils ont payé pour pou­voir entre­te­nir la cor­rup­tion dans le pays, et donc piller les res­sources. »
Le diacre aurait ainsi pré­féré un dia­logue mal­ga­cho-mal­gache, prôné par l’organisation des églises pro­tes­tantes à Madagascar. L’idée : écar­ter des élec­tions les orga­nismes inter­na­tio­naux soup­çon­nés d’in­gé­rence. Une vision éga­le­ment défen­due par Marc Ravalomanana. Mais sans les fonds alloués par l’Union euro­péenne ou l’Union afri­caine, les Malgaches n’auraient pas pu payer les bul­le­tins de vote ou l’organisation même des élec­tions. Noël, en recherche d’emploi, en convient : « on avait besoin d’aide pour les élec­tions. » Il a quitté défi­ni­ti­ve­ment Madagascar quand Rajoelina est arrivé au pou­voir. « Si le can­di­dat sou­tenu par Ravalomanana passe, c’est bien. Sinon, ce sera un retour au début de la tran­si­tion » cer­ti­fie le quadragénaire.

Suite au ren­ver­se­ment de l’ex-président en 2009 mar­quant le début de la tran­si­tion, Andry Rajoelina s’était engagé à orga­ni­ser des élec­tions le plus vite pos­sible. Il lui aura fina­le­ment fallu près de cinq ans pour le faire. Marc Ravalomanana, poussé à l’exil en Afrique du Sud, n’a pas pu se pré­sen­ter mais il sou­tient le doc­teur Jean-Louis Robinson, n°33 sur la liste des candidats.
Un retour attendu de Ravalomanana
Pour l’heure, le dépouille­ment des suf­frages qui bat son plein s’annonce long. Néanmoins, quelques noms parmi les 33 can­di­dats émergent, dont Jean-Louis Robinson pour le moment en pre­mière posi­tion. « Les gens se sou­viennent com­ment était la vie avant Rajoelina et veulent un retour de Ravalomanana » explique Alain.
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Anja, jeune Malgache gre­no­bloise.
© Véronique Serre : pla​ce​gre​net​.fr

Anja, étu­diante, voit les choses de façon dif­fé­rente. Elle n’a pas « ana­lysé chaque can­di­dat ». Car elle le sait, les résul­tats ne bou­le­ver­se­ront pas le quo­ti­dien de la majo­rité de la popu­la­tion. « Il n’y a que 20% de la popu­la­tion qui peut com­prendre les enjeux réels de l’élection. La popu­la­tion rurale ne com­prend pas. Leur vie se limite à leur com­mu­nauté » déclare la jeune femme, rési­gnée. En 2011, le taux d’alphabétisation des adultes s’élevait à 64%. Mais savoir lire ne signi­fie pas savoir per­cer les arti­fices politiques.

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Anja, jeune Malgache gre­no­bloise.
© Véronique Serre : pla​ce​gre​net​.fr

Nonobstant le mau­vais état de Madagascar, Anja, comme la plu­part des Malgaches ren­con­trés à Grenoble, a envie de retour­ner dans son pays. « J’ai l’espoir que la situa­tion s’améliore avant mon retour » admet Mirana, une autre étu­diante, consciente de sa situa­tion pri­vi­lé­giée : « J’entends par­tout : “tu as de la chance d’être en France pour étu­dier. Tu auras un meilleur ave­nir qu’ici.” ». Les études en métro­pole sont effet un pas­sage obligé pour réus­sir sa vie pro­fes­sion­nelle. Mais un pas­sage seulement.
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Le camé­léon, ani­mal très pré­sent à Madagascar.
© Véronique Serre : pla​ce​gre​net​.fr

Julien Rabarison, dont toute la famille se trouve à Madagascar, explique pour­quoi il a étu­dié en France : « Il n’y a pas d’entreprises dans mon domaine, la micro-élec­tro­nique, là-bas. Mais si je dois reve­nir, il fau­dra que je me pré­pare maté­riel­le­ment et psy­cho­lo­gi­que­ment. Pour trou­ver un loge­ment et ne pas être un poids pour la famille ». Haingo, un père de famille, pour­suit : « Vivre et tra­vailler le plus long­temps pos­sible en France, puis pas­ser sa retraite à Madagascar, c’est ce que veulent faire beau­coup de Malgaches. »

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Rhum de Madagascar
© Véronique Serre : pla​ce​gre​net​.fr

La pau­vreté, les poli­tiques cor­rom­pus et l’augmentation de l’insécurité ne dis­suadent pas la dia­spora de reve­nir. Anja veut d’ailleurs tra­vailler dans la Grande Île : « Je veux ren­trer après mes études et tra­vailler dans l’environnemental. Il y a beau­coup à faire sur ce plan. Et la France n’est pas mon pays. » Qu’importe les dif­fi­cul­tés, ses racines sont là-bas. A 10 000 kilo­mètres. Très au Sud.

Jean-Baptiste Auduc
Des élec­tions très attendues
Les élec­tions se fai­saient attendre. Désormais, le pou­voir est sur le point d’être rendu aux 20 mil­lions de Malgaches. 7 822 837 élec­teurs, répar­tis dans 20 003 bureaux de vote, ont fina­le­ment pu expri­mer leur opi­nion. Mais sans les têtes d’affiches annon­cées. Andry Rajoelina, actuel­le­ment au pou­voir, et Lalao Ravalomanana, femme de Marc Ravalomanana, étaient les deux favo­ris de l’élection. Cependant, la Commission élec­to­rale spé­ciale (CES) char­gée de véri­fier les dépôts de can­di­da­tures, les a reca­lés sous la pres­sion internationale.
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Affiche de cam­pagne du can­di­dat Hery Rajaonarimampianina.

La rai­son : pour le pre­mier, un dépôt de can­di­da­ture trop tar­dif. Pour la seconde, le non res­pect de l’obligation de vivre six mois sur le ter­ri­toire mal­gache avant l’élection. Impossible à prou­ver pour Lalao Ravalomanana, exi­lée en Afrique du Sud avec son mari depuis 2009. Les deux per­son­na­li­tés ne s’en sont tou­te­fois pas for­ma­li­sées et ont décidé de sou­te­nir des can­di­dats accep­tés par la CES. Jean-Louis Robinson, sou­tenu par le clan de l’an­cien pré­sident, a ainsi pro­mis de nom­mer Lalao Ravalomanana Première ministre. Hery Rajaonarimampianina est, pour sa part, sou­tenu par Andry Rajoelina : « Si je suis élu Président, Andry Rajoelina sera mon Premier ministre », a‑t-il d’ailleurs déclaré.
Jean-Louis Robinson arrive pour l’heure en tête, avec envi­ron 30% ; Hery Rajaonarimampianina second, avec un score de 14%. 25 des 33 pré­ten­dants ont quant à eux un score com­pris entre 0 et 3%. Leur espoir ? Récupérer suf­fi­sam­ment de voix afin de les mon­nayer dans un futur gou­ver­ne­ment. Des résul­tats tou­te­fois pro­vi­soires, les dépouille­ments étant tou­jours en cours.
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Affiche de cam­pagne du can­di­dat Jean-Louis Robinson

Une chose est sûre, les résul­tats de cette élec­tion sont très sur­veillés. Environ 300 obser­va­teurs de la SADC (Communauté de déve­lop­pe­ment d’Afrique aus­trale) sont ainsi épau­lés par du per­son­nel de l’Union euro­péenne et de Union afri­caine. S’y ajoutent les quelque 5 000 obser­va­teurs mal­gaches et les délé­gués de bureaux de vote dési­gnés par les can­di­dats. De quoi jus­ti­fier la décla­ra­tion de Catherine Ashton, le 25 octobre der­nier : « La Haute Représentante salue la tenue du pre­mier tour des élec­tions pré­si­den­tielles à Madagascar qui a per­mis au peuple mal­gache de s’exprimer démo­cra­ti­que­ment. »
Pourtant, les élec­teurs hors des grandes villes n’auraient pas été cor­rec­te­ment infor­més, à en croire le site d’information local la Tribune de Madagascar. Et celle-ci de dénon­cer des pan­neaux d’affichage quasi inexis­tant et des cam­pagnes de sen­si­bi­li­sa­tion aux élec­tions insuf­fi­santes. Les par­tis poli­tiques for­me­raient par­fois eux-mêmes les élec­teurs, là où les ins­tances indé­pen­dantes n’ont pas pu se rendre. Avec, à la clé, des risques d’instrumentalisation.

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