ENTRETIEN – Nous aurions pu croire le feuilleton de l’UMP grenobloise clôturé le 8 octobre dernier, une fois Matthieu Chamussy désigné par la commission nationale d’investiture (CNI) du parti comme tête de liste à Grenoble pour l’élection municipale de mars 2014. Il ne s’agissait en réalité que de la fin d’une saison, dont la suivante a débuté ce samedi. Le chef de file de l’opposition municipale refuse, en effet, de confier les troisième et cinquième places de sa liste à Alain Carignon – condamné en 1996 pour corruption, abus de biens sociaux et subornation de témoins– et Richard Cazenave, comme cela lui a été demandé par la CNI, et les relègue après la quinzième place.
© Nils Louna
Grenoblois de naissance et militant gaulliste depuis son adolescence, Matthieu Chamussy a entamé sa carrière politique en 1998 par un mandat de conseiller régional, tout en étant secrétaire départemental du RPR en Isère.
Quand Charles Millon, alors président de la région Rhône-Alpes, a fait alliance avec le Front national pour conserver la majorité, Matthieu Chamussy a constitué par opposition un nouveau groupe politique avec quatre autres élus régionaux.
Il est conseiller municipal d’opposition à Grenoble depuis 2001 et conseiller communautaire de la Métro depuis 2009. Il a pris en 2012 la présidence du groupe politique de droite au conseil municipal de Grenoble.
La commission nationale d’investiture de l’UMP vous a placé, mardi dernier, comme tête de liste pour Grenoble mais réclame, par ailleurs, que vous placiez Alain Carignon et Richard Cazenave respectivement en troisième et cinquième places de votre liste. Quelle décision prenez-vous ? J’ai décidé de proposer à Alain Carignon et Richard Casenave de figurer à une place éligible en cas de succès, c’est-à-dire à partir de la quinzième place. J’ai pris cette décision dans un esprit de rassemblement, de responsabilité, avec l’attention et le respect que méritent ces personnes. Comme je l’ai déjà dit, je suis un homme libre mais je veux associer dans la nouvelle majorité les expériences les plus remarquables. Cela vise à garantir le double signe du renouveau et de l’union, sur lequel j’ai placé ma candidature aux élections municipales dès le 27 août dernier. La commission nationale d’investiture m’a confié une responsabilité éminente que j’accepte avec enthousiasme et détermination. Alors que les citoyens doutent beaucoup de la parole politique, c’est sur les actes que je veux qu’ils me jugent. S’agit-il d’un acte de rébellion face aux conditions inédites auxquelles la commission nationale d’investiture vous a soumis ? Rien dans les mots que j’emploie ne peut donner un sentiment de cette nature. J’ai la responsabilité de conduire cette liste et un collectif où chacun sera utile dans la meilleure position. Chaque place a un sens. Alain Carignon et Richard Cazenave sont susceptibles d’exercer des responsabilités éminentes dans la nouvelle majorité que je compte constituer en cas de victoire. © Nils Louna Ne craignez-vous pas, en balayant les recommandations de la commission, que l’investiture puisse vous être retirée ? Je ne balaye rien du tout. J’ai entendu les propositions qui avaient été formulées et que je ne remets pas complètement en question. La volonté d’union et la garantie du renouveau figurent dans cette proposition que je fais. Je considère qu’il y également ailleurs de l’expérience qui peut être mise au service des Grenoblois. Jean-Claude Peyrin, président de la fédération iséroise de l’UMP, a déclaré que « revoir la composition de liste qui (vous) a été soumise serait une erreur ». Ne craignez-vous pas d’en faire une ? Peut-on avoir le sentiment de faire une erreur en prenant une telle décision en toute conscience ? Bien au contraire, je pense que c’est le meilleur dispositif possible pour servir les Grenoblois. C’est ma responsabilité et je l’assume pleinement. © Nils Louna Il y a un oublié dans votre proposition : Benjamin Piton – candidat à la primaire de la droite désormais annulée – que la CNI vous demandait de placer en cinquième place de votre liste. Benjamin Piton correspond à la conception de renouveau et d’union que je me fais. La place qui m’a été proposée le concernant me convient. Alain Carignon refuse de citer votre nom comme tête de liste et estime que vous avez fait preuve de tricherie et de manipulation en présentant votre propre sondage. Pouvez-vous l’admettre sur votre liste sans mettre à mal votre autorité ? Celui qui déclare être le chef ne l’est jamais entièrement. Intimement, je connais mon sens des responsabilités et mon statut d’autorité. Je ne suis pas un candidat sous tutelle à l’élection municipale. © Nils Louna Par ses retours successifs sur la scène politique locale, Alain Carignon empêche-t-il la victoire de la droite ? Chacun est libre de faire de la politique comme il le souhaite. Je propose une place à Alain Carignon. C’est donc que j’estime qu’à cette place, il peut être un atout. Mais proposer une quinzième place à un ancien ministre et maire de Grenoble, n’est-ce pas lui faire injure ? Il faut adopter le raisonnement inverse. Parce qu’il a été maire et ministre, il ne peut pas être en quête d’un mandat d’opposition. Puisque je me place dans une perspective de victoire, je lui propose d’appartenir à une nouvelle majorité et d’exercer des responsabilités dans la municipalité que je dirigerai. © Nils Louna L’UMP iséroise est divisée, Denis Bonzy, Gilles Dumolard et le Modem prévoient de constituer des listes autonomes… Où se situe votre marge de manœuvre pour élargir votre base et faire preuve de rassemblement ? La majorité municipale sortante part sur quatre listes différentes. Outre la liste qui sera portée par Jérôme Safar, Philippe de Longevialle (Modem) constitue effectivement sa propre liste. Le Parti communiste envisage une candidature autonome et les écologistes souhaitent intégrer le Front de gauche. Nous sommes seulement en octobre. Les choses peuvent encore changer puisque je reste ouvert au dialogue. Les dissensions internes à droite brouillent totalement le projet que vous souhaitez porter pour Grenoble. Quelle est votre priorité pour la ville ? C’est de relancer la dynamique grenobloise qui est étouffée et de laisser ses talents s’exprimer. Dans la compétition des territoires, Grenoble doit rattraper le retard accumulé durant ces vingt dernières années. Cela passe par de nouvelles grandes infrastructures qui sont impératives. Comment peut-on admettre de relier Paris à Marseille dans la même durée que Paris à Grenoble ? Marseille a progressé, mais Grenoble a stagné. Et quand on stagne, on recule en réalité. Dans l’économie centralisée en France, l’accès rapide à Paris est prioritaire pour développer une ville. Je m’engage à améliorer la desserte TGV de Grenoble et à diminuer la durée du trajet. L’autre effort sur les infrastructures, c’est l’accès au sud de la France. Si Grenoble est si bien placée au classement Forbes de l’innovation, c’est uniquement grâce au CEA, d’où proviennent 95% des brevets déposés. Il y a également un CEA à Cadarache dans les Bouches-du-Rhône. Terminer la liaison de l’A51 permettrait, par exemple, que les chercheurs de ces deux sites puissent travailler davantage ensemble pour conforter et amplifier le dynamisme de notre territoire. © Nils Louna Les transports constituent donc votre priorité. À l’échelle de l’agglomération, qu’envisagez-vous pour rendre la circulation plus fluide ? Faire sauter les bouchons grenoblois, c’est le grand challenge en faveur de l’économie et du développement de notre territoire. Rien n’a été fait en la matière durant ces vingt dernières années. Je m’engage à développer le transport par câble sur deux axes. Du péage de Voreppe à la gare de Grenoble et du stade des Alpes à Domène. Cela permettra d’alléger les deux nœuds actuels qui saturent la ville. Nous avons la compétence locale du transport par câble, mais elle n’a jamais été exploitée, alors que le modèle économique du tramway est à bout de souffle. Chaque kilomètre de tramway nécessite un investissement de 31 millions d’euros. C’est la raison pour laquelle le SMTC est aujourd’hui endetté à hauteur de 605 millions d’euros, soit la dette de la Métro et de la ville de Grenoble réunies. En comparaison, le transport par câble coûte cinq fois moins cher à l’investissement et est également plus économe en coûts de fonctionnement. © Nils Louna Lors de son déplacement à Grenoble lundi, le ministre de l’Education Vincent Peillon a appelé l’opposition à ne pas prendre en otage les enfants par la polémique sur la réforme des rythmes scolaires. Le gouvernement s’est par ailleurs engagé à renouveler sa contribution au financement de la mesure l’année prochaine. Est-ce indispensable ? … Et insuffisant ! Ce gouvernement prend des décisions et fait financer la réalisation de ses réformes par d’autres. Il devrait assumer la plénitude des conséquences financières de ses décisions. Sur le fond de la réforme, l’objectif qui faisait consensus était de prendre en compte la chronobiologie de l’enfant. Il a été complètement oublié. Les enseignants s’y opposent, les parents râlent et les enfants sont fatigués le soir. C’est l’exemple d’une réforme complètement ratée. Propos recueillis par Victor Guilbert Photos de Nils Louna L’entretien a été réalisé le samedi 12 octobre sur les marches de l’hôtel de ville de Grenoble, coté jardin. Prévu depuis le milieu de la semaine, il a été enrichi par les déclarations de Matthieu Chamussy lors d’un point presse décidé ce samedi. L’entretien n’a pas été soumis à relecture.
La commission nationale d’investiture de l’UMP vous a placé, mardi dernier, comme tête de liste pour Grenoble mais réclame, par ailleurs, que vous placiez Alain Carignon et Richard Cazenave respectivement en troisième et cinquième places de votre liste. Quelle décision prenez-vous ? J’ai décidé de proposer à Alain Carignon et Richard Casenave de figurer à une place éligible en cas de succès, c’est-à-dire à partir de la quinzième place. J’ai pris cette décision dans un esprit de rassemblement, de responsabilité, avec l’attention et le respect que méritent ces personnes. Comme je l’ai déjà dit, je suis un homme libre mais je veux associer dans la nouvelle majorité les expériences les plus remarquables. Cela vise à garantir le double signe du renouveau et de l’union, sur lequel j’ai placé ma candidature aux élections municipales dès le 27 août dernier. La commission nationale d’investiture m’a confié une responsabilité éminente que j’accepte avec enthousiasme et détermination. Alors que les citoyens doutent beaucoup de la parole politique, c’est sur les actes que je veux qu’ils me jugent. S’agit-il d’un acte de rébellion face aux conditions inédites auxquelles la commission nationale d’investiture vous a soumis ? Rien dans les mots que j’emploie ne peut donner un sentiment de cette nature. J’ai la responsabilité de conduire cette liste et un collectif où chacun sera utile dans la meilleure position. Chaque place a un sens. Alain Carignon et Richard Cazenave sont susceptibles d’exercer des responsabilités éminentes dans la nouvelle majorité que je compte constituer en cas de victoire. © Nils Louna Ne craignez-vous pas, en balayant les recommandations de la commission, que l’investiture puisse vous être retirée ? Je ne balaye rien du tout. J’ai entendu les propositions qui avaient été formulées et que je ne remets pas complètement en question. La volonté d’union et la garantie du renouveau figurent dans cette proposition que je fais. Je considère qu’il y également ailleurs de l’expérience qui peut être mise au service des Grenoblois. Jean-Claude Peyrin, président de la fédération iséroise de l’UMP, a déclaré que « revoir la composition de liste qui (vous) a été soumise serait une erreur ». Ne craignez-vous pas d’en faire une ? Peut-on avoir le sentiment de faire une erreur en prenant une telle décision en toute conscience ? Bien au contraire, je pense que c’est le meilleur dispositif possible pour servir les Grenoblois. C’est ma responsabilité et je l’assume pleinement. © Nils Louna Il y a un oublié dans votre proposition : Benjamin Piton – candidat à la primaire de la droite désormais annulée – que la CNI vous demandait de placer en cinquième place de votre liste. Benjamin Piton correspond à la conception de renouveau et d’union que je me fais. La place qui m’a été proposée le concernant me convient. Alain Carignon refuse de citer votre nom comme tête de liste et estime que vous avez fait preuve de tricherie et de manipulation en présentant votre propre sondage. Pouvez-vous l’admettre sur votre liste sans mettre à mal votre autorité ? Celui qui déclare être le chef ne l’est jamais entièrement. Intimement, je connais mon sens des responsabilités et mon statut d’autorité. Je ne suis pas un candidat sous tutelle à l’élection municipale. © Nils Louna Par ses retours successifs sur la scène politique locale, Alain Carignon empêche-t-il la victoire de la droite ? Chacun est libre de faire de la politique comme il le souhaite. Je propose une place à Alain Carignon. C’est donc que j’estime qu’à cette place, il peut être un atout. Mais proposer une quinzième place à un ancien ministre et maire de Grenoble, n’est-ce pas lui faire injure ? Il faut adopter le raisonnement inverse. Parce qu’il a été maire et ministre, il ne peut pas être en quête d’un mandat d’opposition. Puisque je me place dans une perspective de victoire, je lui propose d’appartenir à une nouvelle majorité et d’exercer des responsabilités dans la municipalité que je dirigerai. © Nils Louna L’UMP iséroise est divisée, Denis Bonzy, Gilles Dumolard et le Modem prévoient de constituer des listes autonomes… Où se situe votre marge de manœuvre pour élargir votre base et faire preuve de rassemblement ? La majorité municipale sortante part sur quatre listes différentes. Outre la liste qui sera portée par Jérôme Safar, Philippe de Longevialle (Modem) constitue effectivement sa propre liste. Le Parti communiste envisage une candidature autonome et les écologistes souhaitent intégrer le Front de gauche. Nous sommes seulement en octobre. Les choses peuvent encore changer puisque je reste ouvert au dialogue. Les dissensions internes à droite brouillent totalement le projet que vous souhaitez porter pour Grenoble. Quelle est votre priorité pour la ville ? C’est de relancer la dynamique grenobloise qui est étouffée et de laisser ses talents s’exprimer. Dans la compétition des territoires, Grenoble doit rattraper le retard accumulé durant ces vingt dernières années. Cela passe par de nouvelles grandes infrastructures qui sont impératives. Comment peut-on admettre de relier Paris à Marseille dans la même durée que Paris à Grenoble ? Marseille a progressé, mais Grenoble a stagné. Et quand on stagne, on recule en réalité. Dans l’économie centralisée en France, l’accès rapide à Paris est prioritaire pour développer une ville. Je m’engage à améliorer la desserte TGV de Grenoble et à diminuer la durée du trajet. L’autre effort sur les infrastructures, c’est l’accès au sud de la France. Si Grenoble est si bien placée au classement Forbes de l’innovation, c’est uniquement grâce au CEA, d’où proviennent 95% des brevets déposés. Il y a également un CEA à Cadarache dans les Bouches-du-Rhône. Terminer la liaison de l’A51 permettrait, par exemple, que les chercheurs de ces deux sites puissent travailler davantage ensemble pour conforter et amplifier le dynamisme de notre territoire. © Nils Louna Les transports constituent donc votre priorité. À l’échelle de l’agglomération, qu’envisagez-vous pour rendre la circulation plus fluide ? Faire sauter les bouchons grenoblois, c’est le grand challenge en faveur de l’économie et du développement de notre territoire. Rien n’a été fait en la matière durant ces vingt dernières années. Je m’engage à développer le transport par câble sur deux axes. Du péage de Voreppe à la gare de Grenoble et du stade des Alpes à Domène. Cela permettra d’alléger les deux nœuds actuels qui saturent la ville. Nous avons la compétence locale du transport par câble, mais elle n’a jamais été exploitée, alors que le modèle économique du tramway est à bout de souffle. Chaque kilomètre de tramway nécessite un investissement de 31 millions d’euros. C’est la raison pour laquelle le SMTC est aujourd’hui endetté à hauteur de 605 millions d’euros, soit la dette de la Métro et de la ville de Grenoble réunies. En comparaison, le transport par câble coûte cinq fois moins cher à l’investissement et est également plus économe en coûts de fonctionnement. © Nils Louna Lors de son déplacement à Grenoble lundi, le ministre de l’Education Vincent Peillon a appelé l’opposition à ne pas prendre en otage les enfants par la polémique sur la réforme des rythmes scolaires. Le gouvernement s’est par ailleurs engagé à renouveler sa contribution au financement de la mesure l’année prochaine. Est-ce indispensable ? … Et insuffisant ! Ce gouvernement prend des décisions et fait financer la réalisation de ses réformes par d’autres. Il devrait assumer la plénitude des conséquences financières de ses décisions. Sur le fond de la réforme, l’objectif qui faisait consensus était de prendre en compte la chronobiologie de l’enfant. Il a été complètement oublié. Les enseignants s’y opposent, les parents râlent et les enfants sont fatigués le soir. C’est l’exemple d’une réforme complètement ratée. Propos recueillis par Victor Guilbert Photos de Nils Louna L’entretien a été réalisé le samedi 12 octobre sur les marches de l’hôtel de ville de Grenoble, coté jardin. Prévu depuis le milieu de la semaine, il a été enrichi par les déclarations de Matthieu Chamussy lors d’un point presse décidé ce samedi. L’entretien n’a pas été soumis à relecture.
Réactions des protagonistes
Adrien Fodil, porte-parole d’Alain Carignon :
« Craindre des talents, des personnalités, avoir peur de ne pouvoir s’imposer et faire un refus d’obstacle ne correspond pas aux qualités qu’on attend d’un maire (…) Aujourd’hui, M. Chamussy a renoncé à devenir maire, peut-être avec soulagement car il sait qu’il n’a pas ces qualités. Je souhaite que l’UMP propose rapidement une alternative crédible et forte que nous puissions soutenir. » Richard Cazenave : « Seule la victoire qui permet l’alternance me motive, là où d’autres semblent avoir comme seule ambition dans cette élection municipale de gagner un poste de conseiller d’opposition… Si la solution proposée par Matthieu Chamussy permet que s’ouvre enfin une campagne sereine autour des vrais enjeux pour Grenoble, je suis prêt à l’entendre, et sans doute à m’y investir. » Jean-Claude Peyrin, président de l’UMP38 : « À mon avis, par sa décision irresponsable, M. Chamussy perd l’investiture UMP qui avait été donnée pour un « pack », afin de garantir l’union et la diversité. » A lire aussi sur Place Gre’net : - Municipales : réactions sur la liste UMP - UMP38 : le fiasco de la primaire - Consultez ici les autres entretiens politiques du Dimanche de Place Gre’net.