ANALYSE – Dans les Alpes, la fonte des glaciers est le signe le plus visible du réchauffement climatique. Certains sont d’ores et déjà condamnés, comme le glacier de Sarennes au-dessus de l’Alpe d’Huez. Alors que sort aujourd’hui le 5ème rapport du GIEC sur l’évolution du climat, les climatologues tirent la sonnette d’alarme. Une nouvelle fois.
Il est l’un des indicateurs de l’évolution du climat en altitude et l’un des glaciers les plus observés au monde. Etudié depuis 1906, régulièrement suivi depuis 1948 par la communauté scientifique, le glacier de Sarennes, dans le massif des Grandes Rousses, n’est plus que l’ombre de lui-même, condamné à disparaître du paysage alpin d’ici 2020.
Le constat est sans appel. Entre les apports de neige l’hiver et la fonte l’été, le glacier perd en moyenne chaque année près de 1 mètre 50 d’épaisseur de glace depuis trente ans. Et, depuis le milieu des années quatre-vingt, la fonte s’accélère. « Sur les dix dernières années, on perd chaque année l’équivalent d’une couche de glace de 3 mètres », constate Emmanuel Thibert, chercheur à l’Irstea (l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, ex-Cemagref). L’institut a, en effet, constitué, en collaboration avec le Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement de l’université Joseph-Fourier (LGGE), une véritable banque de données sur l’évolution des glaciers (1). Chaque année depuis dix ans, c’est ainsi 10 % de l’épaisseur de celui de Sarennes qui disparaît.
Le climat se réchauffe… de plus en plus vite
En l’espace de quarante ans, les glaciers alpins ont déjà perdu un quart de leur superficie. Qu’en restera-t-il à la fin du siècle ? Dans l’hypothèse d’une hausse des températures de 3°C d’ici 2100, seuls les glaciers situés à plus de 4 000 mètres d’altitude subsisteraient. Le plus célèbre d’entre eux, la Mer de glace à Chamonix, continuerait ainsi de reculer un peu plus, de 800 mètres à 1,2 km d’ici les vingt prochaines années.
Dans les Alpes, le déclin des glaciers est assurément le signe le plus visible du changement climatique. Et le climat se réchauffe de plus en plus vite, comme le confirment dans leur 5ème rapport sorti aujourd’hui les experts du GIEC, Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (2).
La décennie la plus chaude depuis un siècle
« Le climat se réchauffe de façon continue », confirme Gerhard Krinner, directeur de recherches au CNRS et l’un des auteurs principaux du 5ème rapport du GIEC. « Chaque décennie depuis 1850 a été plus chaude que la décennie précédente ». Et si le réchauffement a marqué une pause ces dix dernières années, pour les scientifiques, il ne s’est pas arrêté pour autant, comme en témoignent la hausse, elle, continue, du niveau des mers et le recul des glaciers.
Les bilans de masse glaciaires sont ainsi des témoins privilégiés de l’évolution du climat à moyen et long terme. Un baromètre indispensable, alors que la communauté scientifique se heurte encore à quelques inconnues. Prévoir le climat à court terme est un défi pour les chercheurs. « On sait comment le climat va réagir dans cinquante ans », continue Gerhard Krinner, « mais on ne peut pas prédire aujourd’hui si l’été 2014 sera caniculaire ou pas ».
Une chose est sure toutefois. Depuis un siècle et les premiers relevés de température en 1880, la planète a vécu sa décennie la plus chaude. La température moyenne mondiale a ainsi grimpé de 0,8° C depuis la fin du XIXe siècle, à la faveur d’émissions de gaz à effet de serre toujours plus importantes. Et, d’ici la fin du XXIe siècle, le thermomètre pourrait grimper de 1,5 à 2° C, d’après les projections des climatologues.
Un nouvel accord international… en 2015
Le GIEC tire une cinquième fois la sonnette d’alarme. « Il est extrêmement probable que l’homme soit la principale cause du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle », pointent ainsi les experts mondiaux dans le résumé de leur rapport transmis aux décideurs politiques. Et ceux-ci d’enfoncer le clou : « Le changement climatique exigera des réductions substantielles et durables des émissions de gaz à effet de serre ».
Le message est clair avant la tenue, en 2015 à Paris, de la prochaine conférence internationale qui devrait déboucher sur un nouvel accord pour tenter de contenir le réchauffement sous le seuil de + 2°C. « On considère qu’une hausse des températures de 2°C reste gérable. Ce n’est pas forcément la position du GIEC ! » souligne Gerhard Krinner. « C’est un objectif politique. Mais si on veut rester dans cet objectif, il faut des actions, et très rapidement. »
Patricia Cerinsek
(1) Cinq glaciers – Sarennes, Saint-Sorlin et Gébroulaz en Savoie, Argentière et la Mer de glace en Haute-Savoie – font partie du réseau Glacioclim, observatoire de recherche en environnement, portant sur l’étude des glaciers et du climat.
(2) Il s’agit du premier volet des travaux du GIEC, consacré aux sciences du climat. Un deuxième volet, sur la vulnérabilité des activités humaines et leur adaptation au changement climatique, fera l’objet d’un rapport en mars 2014 ; enfin, un troisième volet, sur les mesures à prendre pour atténuer les impacts du réchauffement climatique, est prévu en avril 2014. Le rapport global de synthèse sera publié fin octobre 2014.
N.B : La hausse de 1,5 à 2°C des températures moyennes mondiales à la fin du XXIe siècle est le scénario le plus « optimiste » du GIEC. Version pessimiste, le thermomètre devrait grimper de 4,8°C. Jusque-là, on a pu constater que c’était le scénario pessimiste qui prévalait…
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