Les gla­ciers alpins en sursis

Les gla­ciers alpins en sursis

ANALYSE – Dans les Alpes, la fonte des gla­ciers est le signe le plus visible du réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Certains sont d’ores et déjà condam­nés, comme le gla­cier de Sarennes au-des­sus de l’Alpe d’Huez. Alors que sort aujourd’­hui le 5ème rap­port du GIEC sur l’é­vo­lu­tion du cli­mat, les cli­ma­to­logues tirent la son­nette d’a­larme. Une nou­velle fois.
Glacier de Sarennes en 1906… et en 2005. © E.Thibert LGGE

Glacier de Sarennes en 1906… et en 2005.
© E.Thibert LGGE

Il est l’un des indi­ca­teurs de l’é­vo­lu­tion du cli­mat en alti­tude et l’un des gla­ciers les plus obser­vés au monde. Etudié depuis 1906, régu­liè­re­ment suivi depuis 1948 par la com­mu­nauté scien­ti­fique, le gla­cier de Sarennes, dans le mas­sif des Grandes Rousses, n’est plus que l’ombre de lui-même, condamné à dis­pa­raître du pay­sage alpin d’ici 2020.
Le constat est sans appel. Entre les apports de neige l’hi­ver et la fonte l’été, le gla­cier perd en moyenne chaque année près de 1 mètre 50 d’é­pais­seur de glace depuis trente ans. Et, depuis le milieu des années quatre-vingt, la fonte s’ac­cé­lère. « Sur les dix der­nières années, on perd chaque année l’é­qui­valent d’une couche de glace de 3 mètres », constate Emmanuel Thibert, cher­cheur à l’Irstea (l’Institut natio­nal de recherche en sciences et tech­no­lo­gies pour l’en­vi­ron­ne­ment et l’a­gri­cul­ture, ex-Cemagref). L’institut a, en effet, consti­tué, en col­la­bo­ra­tion avec le Laboratoire de gla­cio­lo­gie et géo­phy­sique de l’en­vi­ron­ne­ment de l’u­ni­ver­sité Joseph-Fourier (LGGE), une véri­table banque de don­nées sur l’é­vo­lu­tion des gla­ciers (1). Chaque année depuis dix ans, c’est ainsi 10 % de l’é­pais­seur de celui de Sarennes qui disparaît.
Le cli­mat se réchauffe… de plus en plus vite
Evolution de la mer de Glace de Chamonix. © IGN

Evolution de la mer de Glace de Chamonix.
© IGN

En l’es­pace de qua­rante ans, les gla­ciers alpins ont déjà perdu un quart de leur super­fi­cie. Qu’en res­tera-t-il à la fin du siècle ? Dans l’hy­po­thèse d’une hausse des tem­pé­ra­tures de 3°C d’ici 2100, seuls les gla­ciers situés à plus de 4 000 mètres d’al­ti­tude sub­sis­te­raient. Le plus célèbre d’entre eux, la Mer de glace à Chamonix, conti­nue­rait ainsi de recu­ler un peu plus, de 800 mètres à 1,2 km d’ici les vingt pro­chaines années.
Dans les Alpes, le déclin des gla­ciers est assu­ré­ment le signe le plus visible du chan­ge­ment cli­ma­tique. Et le cli­mat se réchauffe de plus en plus vite, comme le confirment dans leur 5ème rap­port sorti aujourd’­hui les experts du GIEC, Groupe inter­gou­ver­ne­men­tal sur l’é­vo­lu­tion du cli­mat (2).
La décen­nie la plus chaude depuis un siècle
« Le cli­mat se réchauffe de façon conti­nue », confirme Gerhard Krinner, direc­teur de recherches au CNRS et l’un des auteurs prin­ci­paux du 5ème rap­port du GIEC. « Chaque décen­nie depuis 1850 a été plus chaude que la décen­nie pré­cé­dente ». Et si le réchauf­fe­ment a mar­qué une pause ces dix der­nières années, pour les scien­ti­fiques, il ne s’est pas arrêté pour autant, comme en témoignent la hausse, elle, conti­nue, du niveau des mers et le recul des glaciers.
Le glacier de Sarenne mi-ombre mi-soleil. © Cédric Colomban

Le gla­cier de Sarenne mi-ombre mi-soleil.
© Cédric Colomban

Les bilans de masse gla­ciaires sont ainsi des témoins pri­vi­lé­giés de l’é­vo­lu­tion du cli­mat à moyen et long terme. Un baro­mètre indis­pen­sable, alors que la com­mu­nauté scien­ti­fique se heurte encore à quelques incon­nues. Prévoir le cli­mat à court terme est un défi pour les cher­cheurs. « On sait com­ment le cli­mat va réagir dans cin­quante ans », conti­nue Gerhard Krinner, « mais on ne peut pas pré­dire aujourd’­hui si l’été 2014 sera cani­cu­laire ou pas ».
Une chose est sure tou­te­fois. Depuis un siècle et les pre­miers rele­vés de tem­pé­ra­ture en 1880, la pla­nète a vécu sa décen­nie la plus chaude. La tem­pé­ra­ture moyenne mon­diale a ainsi grimpé de 0,8° C depuis la fin du XIXe siècle, à la faveur d’é­mis­sions de gaz à effet de serre tou­jours plus impor­tantes. Et, d’ici la fin du XXIe siècle, le ther­mo­mètre pour­rait grim­per de 1,5 à 2° C, d’a­près les pro­jec­tions des climatologues.
Un nou­vel accord inter­na­tio­nal… en 2015

Sur le glacier de Sarenne… © Cédric Colomban

Sur le gla­cier de Sarenne…
© Cédric Colomban

Le GIEC tire une cin­quième fois la son­nette d’a­larme. « Il est extrê­me­ment pro­bable que l’homme soit la prin­ci­pale cause du réchauf­fe­ment observé depuis le milieu du XXe siècle », pointent ainsi les experts mon­diaux dans le résumé de leur rap­port trans­mis aux déci­deurs poli­tiques. Et ceux-ci d’en­fon­cer le clou : « Le chan­ge­ment cli­ma­tique exi­gera des réduc­tions sub­stan­tielles et durables des émis­sions de gaz à effet de serre ».
Le mes­sage est clair avant la tenue, en 2015 à Paris, de la pro­chaine confé­rence inter­na­tio­nale qui devrait débou­cher sur un nou­vel accord pour ten­ter de conte­nir le réchauf­fe­ment sous le seuil de + 2°C. « On consi­dère qu’une hausse des tem­pé­ra­tures de 2°C reste gérable. Ce n’est pas for­cé­ment la posi­tion du GIEC ! » sou­ligne Gerhard Krinner. « C’est un objec­tif poli­tique. Mais si on veut res­ter dans cet objec­tif, il faut des actions, et très rapi­de­ment. »
Patricia Cerinsek
(1) Cinq gla­ciers – Sarennes, Saint-Sorlin et Gébroulaz en Savoie, Argentière et la Mer de glace en Haute-Savoie – font par­tie du réseau Glacioclim, obser­va­toire de recherche en envi­ron­ne­ment, por­tant sur l’é­tude des gla­ciers et du climat.
(2) Il s’a­git du pre­mier volet des tra­vaux du GIEC, consa­cré aux sciences du cli­mat. Un deuxième volet, sur la vul­né­ra­bi­lité des acti­vi­tés humaines et leur adap­ta­tion au chan­ge­ment cli­ma­tique, fera l’ob­jet d’un rap­port en mars 2014 ; enfin, un troi­sième volet, sur les mesures à prendre pour atté­nuer les impacts du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, est prévu en avril 2014. Le rap­port glo­bal de syn­thèse sera publié fin octobre 2014.
N.B : La hausse de 1,5 à 2°C des tem­pé­ra­tures moyennes mon­diales à la fin du XXIe siècle est le scé­na­rio le plus « opti­miste » du GIEC. Version pes­si­miste, le ther­mo­mètre devrait grim­per de 4,8°C. Jusque-là, on a pu consta­ter que c’é­tait le scé­na­rio pes­si­miste qui prévalait…
A lire aussi sur Place Gre’net : Climat : bien­tôt un plan régional
A lire sur Echosciences : Risques natu­rels : dans les entrailles du gla­cier de Tête Rousse

Patricia Cerinsek

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

Échirolles : vers une ville plus verte
Échirolles inau­gure ses nou­veaux espaces verts : un ver­ger par­ti­ci­pa­tif et un cor­ri­dor écologique

EN BREF - La ville d’Échirolles a inauguré, le vendredi 24 mars 2023, deux nouvelles zones vertes : un corridor écologique et un verger participatif. Lire plus

Meylan : dans le cadre du projet Mi-Plaine la ville rénove entièrement l’école et le gymnase du site
Quartier Mi-Plaine à Meylan : une fois réno­vés, l’école et le gym­nase des Aiguinards consom­me­ront 60% d’éner­gie en moins

EN BREF - Projet phare du mandat, la rénovation du quartier Mi-Plaine à Meylan vient d'entrer dans sa phase opérationnelle avec la désignation des maîtres Lire plus

Cartographie des aléas du projet de PPR Inondation, réunion du 15 mars 2022 à la Plateforme © Séverine Cattiaux - Place Gre'net
Sassenage : le pro­jet urbain Portes du Vercors enterré… avant celui du futur trans­port par câble ?

DÉCRYPTAGE - Le projet urbain Portes du Vercors sur la commune de Sassenage, près de Grenoble, consistait à urbaniser 20 ha de terres agricoles très Lire plus

Des ressources en eau préoccupantes en Isère, avec un Nord-Isère déjà classé en vigilance sécheresse
Des res­sources en eau pré­oc­cu­pantes en Isère, avec un Nord-Isère déjà classé en vigi­lance sécheresse

FOCUS - Si les pluies de mars ont amélioré la situation, les cours d'eau et les nappes phréatiques du département de l'Isère ne se portent Lire plus

Une dizaine de militants du collectif STopMicro s'est réunie mercredi 22 mars devant les locaux de Eaux de Grenoble Alpes, place Vaucanson. © Martin de Kerimel - Place Gre'net
Journée mon­diale de l’eau : face aux indus­triels de l’élec­tro­nique, le col­lec­tif STop Micro appelle à la mobi­li­sa­tion le 1er avril 2023

FOCUS - Une dizaine de militants du collectif STop Micro se sont réunis devant les locaux (fermés) d'Eaux de Grenoble Alpes, ce mercredi 22 mars Lire plus

Site de captage de l'eau potable de Rochefort, près de Varces, lundi 20 mars 2023 © Séverine Cattiaux - Place Gre'net
Journée mon­diale de l’eau : la Métropole de Grenoble lance des études pros­pec­tives sur le deve­nir de ses nappes d’eau potable

FOCUS - « Buvez l'eau du robinet ! C'est bon pour la santé, cela profite à l'environnement et au porte-monnaie. » Tel est le message qu'adressent aux Lire plus

Flash Info

|

30/03

10h43

|

|

28/03

12h29

|

|

27/03

18h15

|

|

27/03

16h10

|

|

27/03

16h05

|

|

27/03

10h22

|

|

27/03

10h21

|

|

26/03

22h33

|

|

24/03

20h11

|

|

23/03

18h50

|

Les plus lus

Politique| Sept élus de Grenoble annoncent leur exclu­sion de la majo­rité après avoir cri­ti­qué la hausse de 25 % de la taxe foncière

Politique| Affaire de la Fête des Tuiles : Éric Piolle et les six autres pré­ve­nus jugés en appel les 19 et 20 juin 2023

Société| Grenoble : un troi­sième han­di­parc ouvre dans le parc des Champs-Élysées

Agenda

Je partage !