“Nous sommes des explo­ra­teurs en politique”

“Nous sommes des explo­ra­teurs en politique”

ENTRETIEN – Le réseau citoyen de Grenoble fête sa pre­mière année d’existence. Ce ras­sem­ble­ment, ini­tia­le­ment infor­mel, de plu­sieurs col­lec­tifs mili­tants gre­no­blois s’est pro­gres­si­ve­ment struc­turé avec l’objectif avoué de peser sur l’élection muni­ci­pale de 2014. Quelques jours avant l’assemblée géné­rale qui défi­nira la stra­té­gie de cette année élec­to­rale, leurs porte-parole Alain Denoyelle, Martine Jullian et Pascal Clouaire nous ont confié les pre­mières unions envi­sa­geables, leur « phi­lo­so­phie poli­tique » et leur diag­nos­tic de la situa­tion municipale.
© Nils Louna

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Le réseau citoyen a vu le jour en juin 2012 grâce à la ren­contre de mili­tants gre­no­blois (de Mounier, Esplanade, Villeneuve, de conseils de quar­tier, etc.) et suite à un constat com­mun de « décon­nec­tion des élus ». Il a depuis reçu le sou­tien de plu­sieurs cen­taines de Grenoblois.
Ses orga­ni­sa­teurs reven­diquent aujourd’hui l’héritage des groupes d’action muni­ci­pale (GAM), fon­dés par Hubert Dubedout dans les années 60, avant son acces­sion au fau­teuil de maire de Grenoble. Deux autres élé­ments entrent dans le « code géné­tique » de cette struc­ture : l’implantation poli­tique locale, sans objec­tif natio­nal, et l’échéance du scru­tin muni­ci­pal comme finalité.
Présenterez-vous une liste auto­nome à l’élection muni­ci­pale de Grenoble ?
Notre seule cer­ti­tude, c’est notre volonté de peser sur le scru­tin et de ne pas ter­mi­ner le reste du man­dat dans une oppo­si­tion che­villée. Pour influen­cer la poli­tique muni­ci­pale, il faut appar­te­nir à une majo­rité capable de l’emporter au pre­mier tour. Cependant, nous serons très vigi­lants à ne pas com­pro­mettre nos idées dans des alliances poli­ti­ciennes. Nous sommes des explo­ra­teurs en poli­tique. Nous n’aurons pas une can­di­da­ture de témoi­gnage, après toute une année de tra­vail à la ren­contre des Grenoblois qui attendent que nous por­tions leur déception.
© Nils Louna
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Êtes-vous déjà en dis­cus­sion avec des par­tis poli­tiques ? L’UMP38 vous accuse notam­ment d’être pilo­tés par l’Association démo­cra­tie éco­lo­gie et soli­da­rité (Ades).
Cette polé­mique lan­cée par l’UMP38 est typique des méthodes d’Alain Carignon. Mais en essayant de salir notre réseau par de fausses accu­sa­tions, celui-ci se décré­di­bi­lise, si c’est encore néces­saire, et nous offre une visi­bi­lité ines­pé­rée. Concernant les rap­pro­che­ments avec d’autres orga­ni­sa­tions, nous sommes en rela­tion avec plu­sieurs struc­tures sans aucun enga­ge­ment. Europe-Ecologie les Verts a sou­haité nous ren­con­trer et nous avons sol­li­cité Stéphane Gemmani et le ras­sem­ble­ment citoyen qu’il coor­donne pour nous pré­sen­ter à eux. Nous par­ta­geons des posi­tions sur plu­sieurs thé­ma­tiques, mais il n’y a actuel­le­ment aucun échange pro­gram­ma­tique, seule­ment des dis­cus­sions de fond.
Certains membres du réseau citoyen sont enga­gés poli­ti­que­ment. N’y a‑t-il pas conflit d’intérêts ?
Nous n’avons aucune gêne lorsqu’ils par­ti­cipent au réseau de façon indi­vi­duelle et non pas sous l’é­ti­quette d’un parti qui les man­date pour nous ren­con­trer. Cependant, nous avons demandé à la tren­taine de membres du bureau de s’exprimer publi­que­ment au nom du réseau citoyen et d’aucune autre for­ma­tion poli­tique. Le réseau citoyen doit être leur éti­quette privilégiée.
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Êtes-vous pré­pa­rés à la rudesse d’une cam­pagne élec­to­rale et à assu­mer le finan­ce­ment que cela représente ?
Nous avons conscience des dif­fi­cul­tés, ainsi que des méthodes uti­li­sées par d’autres for­ma­tions pour désta­bi­li­ser leurs adver­saires, mais nous n’avons pas connu l’épreuve du feu. Peut-être est-ce un avan­tage. Les élec­teurs recon­naî­tront notre posi­tion­ne­ment, qui consiste à ne pas entrer dans des luttes poli­tiques intes­tines. Nous ris­quons cepen­dant d’en être la cible et serons sur nos gardes. Le com­bat est pri­mor­dial pour nous sur le plan des idées, mais nous n’avons aucune dépen­dance vis-à-vis des résul­tats, contrai­re­ment aux gros par­tis. Nous sou­hai­tons prendre le pou­voir à Grenoble et non uti­li­ser cette élec­tion comme un trem­plin vers le cumul de man­dats locaux ou nationaux.
Le finan­ce­ment pas­sera inévi­ta­ble­ment par des emprunts, dont la somme dépen­dra de notre stra­té­gie. Cependant, même si les finan­ce­ments de cam­pagne sont enca­drés et pla­fon­nés, toutes les listes ne partent pas sur un pied d’égalité. La majo­rité sor­tante a pris les devants en fai­sant finan­cer par les Grenoblois, à hau­teur d’environ 200 000 euros, l’exposition Grenoble Factory qui était une habile cam­pagne de com­mu­ni­ca­tion expo­sant les chan­ge­ments de la ville sous la man­da­ture de Michel Destot. La meilleure preuve, c’est que l’exposition s’est clô­tu­rée le 28 février, soit un jour avant que cela ne soit pris en compte dans les frais de cam­pagne du can­di­dat sortant.
Avoir plu­sieurs fonc­tions exé­cu­tives dis­cré­dite-t-il la parole politique ?
Cela éloigne les res­pon­sables poli­tiques des pro­blèmes quo­ti­diens de leurs élec­teurs. Le cumul des man­dats est une des rai­sons de ce dis­cré­dit, mais la pro­fes­sion­na­li­sa­tion des car­rières poli­tiques éga­le­ment. Comment ne pas dou­ter de l’implication muni­ci­pale des élus quand ils par­tagent leur temps avec d’autres res­pon­sa­bi­li­tés élec­tives ? Lorsque Michel Destot ouvre le conseil muni­ci­pal par une demi-heure de dis­cours sur la situa­tion éco­no­mique natio­nale et inter­na­tio­nale, cela laisse un goût amer de dés­in­té­rêt des pro­blèmes locaux.
© Nils Louna

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Quelle dif­fé­rence entre le popu­lisme des­truc­teur et sa forme créatrice ?
C’est la force de pro­po­si­tion. Derrière les cri­tiques, il faut sou­mettre des solu­tions rai­son­nées et lucides. Ne pas for­mu­ler de pro­messes irréa­li­sables. Sur la ques­tion de la sécu­rité par exemple, nous refu­sons les rac­cour­cis xéno­phobes et ceux qui dressent un lien entre pau­vreté et délin­quance. Notre solu­tion à ce pro­blème passe davan­tage par l’éducation à la citoyen­neté dès le plus jeune âge, plu­tôt que par l’ap­port d’une réponse tech­nique avec l’ar­me­ment des poli­ciers muni­ci­paux ou la vidéo­sur­veillance, déma­go­giques et élec­to­ra­listes. Ce sont ces mesures-là qui sont popu­listes en stig­ma­ti­sant des popu­la­tions et en pro­vo­quant une esca­lade de la violence.
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Mais les repré­sen­tants poli­tiques ont été élus sur la base d’un pro­gramme. Remettre en cause les déci­sions, n’est-ce pas indi­rec­te­ment remettre en cause le pro­ces­sus démo­cra­tique qui les a ins­tal­lés à des fonc­tions exécutives ?
Ecouter les citoyens en cours de man­dat per­met aussi d’ajuster sa poli­tique en fonc­tion de l’attente des élec­teurs. Lorsque des col­lec­tifs, des oppo­si­tions ou des luttes réunissent plu­sieurs mil­liers de per­sonnes, il est légi­time d’entendre leurs remarques et de les prendre en compte. Les alertes citoyennes for­mu­lées au sujet de la carte sco­laire inégale ou du pro­jet d’aménagement de l’Esplanade doivent être entendues.
C’est éga­le­ment le rôle des citoyens de prendre la parole quand des enga­ge­ments sont bafoués. Michel Destot avait fait la pro­messe de cam­pagne de ne pas aug­men­ter les impôts locaux mais a renoncé, dès le pre­mier conseil muni­ci­pal, en fai­sant voter une aug­men­ta­tion de 9%. Dans le cas d’une aug­men­ta­tion légi­time, les citoyens doivent être asso­ciés à une déci­sion quand un enga­ge­ment est réexa­miné. Concernant la Villeneuve, la pro­messe de cam­pagne for­mu­lait qu’il n’y aurait aucune des­truc­tion, alors que le pro­jet archi­tec­tu­ral d’origine est aujourd’hui détruit par la refonte du quar­tier. Ce sont autant de renon­ce­ments et d’abus de la parole publique qui font explo­ser le popu­lisme et l’abstention.
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Comment le réseau citoyen peut-il trou­ver sa place dans le pay­sage poli­tique face à de grosses for­ma­tions dis­po­sant de moyens de com­mu­ni­ca­tion, finan­ciers et humains ?
Nous pou­vons inté­res­ser une popu­la­tion désa­bu­sée qui n’a plus confiance en la parole poli­tique, en garan­tis­sant que notre volonté poli­tique s’arrête à l’échelle muni­ci­pale. Par ailleurs, Grenoble dis­pose d’une spé­ci­fi­cité par l’existence de mou­ve­ments poli­tiques locaux qui pro­fitent d’une consé­quente assise popu­laire. Les GAM d’Hubert Dubedout, dont nous nous récla­mons, ont connu un grand suc­cès dans les années 60 et Go Citoyenneté à la fin des années 1990. Aujourd’hui, l’ADES conti­nue encore de faire un tra­vail de fond effi­cace. Les réseaux citoyens sont dans l’air du temps, puisque d’autres for­ma­tions iden­tiques germent ailleurs, comme à Echirolles, Avignon ou Saint-Etienne. Cela tra­duit une volonté des citoyens de reprendre en main la poli­tique locale, détour­née par les grands par­tis pour ser­vir de vitrine ser­vant des pré­ten­tions nationales.
Propos recueillis par Victor Guilbert
Le réseau a accepté de se plier à l’exercice de l’interview, sous réserve que plu­sieurs membres soient pré­sents, pour res­ter fidèle à l’esprit col­lec­tif de cette struc­ture. L’entretien a été réa­lisé le jeudi 13 juin dans le Jardin de ville. Il n’a pas été sou­mis à relecture.
- Consultez ici les autres entre­tiens poli­tiques du Dimanche de Place Gre’net. 

VG

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