REPORTAGE – 200 personnes environ étaient rassemblées, jeudi soir, place Félix Poulat en hommage à Clément Méric, battu à mort par des skinheads parisiens. Une foule composée de militants venus d’horizons politiques divers, d’élus et de « simples citoyens heurtés ».
Ce devait être un rassemblement silencieux. Le Mouvement des jeunes socialistes (MJS), à l’initiative du rassemblement, entendait ainsi ne pas politiser le drame. Mais les habitués du mégaphone et de la cause antifasciste n’ont pas résisté à l’envie de prendre la parole depuis les marches de l’église Saint-Louis. Jo Briant, fondateur du Centre d’information inter-peuples (CIIP), a introduit la succession de rapides discours, en soulignant « l’indignation qui devait être celle de tous les citoyens français face à une agression fasciste mortelle ».
Victime d’une rixe à Paris dans la nuit de mercredi à jeudi, Clément Méric, 19 ans, avait été laissé dans un état de mort cérébrale. Cet étudiant de Sciences-Po Paris, syndicaliste et militant antifasciste, est finalement décédé jeudi après-midi à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Une agression qui, selon le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, porterait « la marque de l’extrême droite ». Ce que semble confirmer la mise en garde à vue de sept personnes dans la journée de jeudi, dont certaines « graviteraient » autour du « noyau dur » des Jeunesses nationalistes révolutionnaires. Le leader du groupuscule parisien, Serge Ayoub, a cependant démenti dans la matinée.
Dissolution des groupes radicaux
En fond de tribune improvisée, ce jeudi soir à Grenoble, de jeunes militants antifascistes tendent une banderole sur laquelle est inscrit « De Paris à Grenoble, no pasaran ! ». Ils ne passeront pas. Le slogan républicain espagnol est devenu dans la nuit celui de la mobilisation et de l’indignation nationale sur les réseaux sociaux, alors que circulaient les premières informations liées à l’agression. C’est d’ailleurs sur ces réseaux qu’ont germé dans la journée les prémices du rassemblement grenoblois.
Dans la valse des prises de paroles des représentants politiques, militants et syndicaux, une revendication se démarque des discours de stupeur. Celle d’un appel unanime à la dissolution des groupes d’extrême droite radicale. La semaine dernière, le Président du Conseil régional de Rhône-Alpes avait également formulé ce vœu dans un courrier adressé à Manuel Valls, sur demande des groupes politiques de la majorité de gauche. Le groupuscule des Jeunesses Nationalistes du conseiller régional Alexandre Gabriac, exclu du Front National, faisait partie de la liste.
Une assemblée hétéroclite
La revendication politique prend ainsi le pas sur l’émotion suscitée par l’agression. Un émoi exprimé dignement par une minute de silence, au terme de laquelle une quinzaine de jeunes antifascistes grenoblois scandent en cœur « Clément », le prénom de la victime. « L’un des nôtres », confie l’un des militants « puisqu’à Grenoble, l’antifascisme est très ancré ». Les jeunes socialistes entreprennent de lancer le chant des partisans mais abandonnent, faute de sympathisants pour reprendre avec eux. Drapeaux en berne à la main, des adhérents du Front de Gauche ont fait le déplacement. Tout comme les membres d’Europe Ecologie les Verts et du Rassemblement citoyen de Grenoble qui viennent grossir les rangs.
Eux n’ont pas pris la parole publiquement, mais écoutent néanmoins attentivement celles des autres. Un groupe d’élus s’est formé d’un coté du demi-cercle composant l’assistance. Les sénateurs socialistes de l’Isère Jacques Chiron et André Vallini sont côte à côte, à quelques pas de Jérome Safar, premier adjoint au maire de Grenoble. Le député-maire Michel Destot a, quant à lui, fait une furtive apparition, avant d’être rapidement invectivé, en pleine interview, par plusieurs personnes sur la politique d’austérité menée par le gouvernement… Comme une limite de la proximité politique.
Victor Guilbert
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