REPORTAGE – Le week-end dernier, la Villeneuve fêtait ses 40 ans. En bas des immeubles, dans le parc Jean Verlhac, au pied des écoles, le quartier grouillait d’animations montées par des bénévoles. Repas festif, activités ludiques… Ces journées de fête ont eu le mérite de rassembler les habitants, le temps d’un week-end. Une belle image pour un anniversaire symbolique. Pourtant, derrière les rires et les couleurs, se cache la difficile construction du vivre-ensemble dans un quartier qui peine à se relever, après les émeutes de 2010.
Après les festivités du week-end, parenthèse joviale dans la vie des habitants, la vie reprend peu à peu son cours. Le calme s’est à nouveau emparé du quartier où fourmillaient des centaines de personnes à proximité des stands. Et les discussions autour des spécialités culinaires latines, kurdes ou sénégalaises du « repas des 1000 couverts » se sont bel et bien envolées. Retour au quotidien pour les 12 000 habitants. Un quotidien qu’ils partagent avec leurs voisins, sans forcément penser à la notion abstraite du « vivre-ensemble ».
Il y a quarante ans, cette expression du « vivre-ensemble » n’était pas encore à la mode. A l’époque, c’était les notions de camaraderie, d’interdépendance et de fraternité qui imprégnaient le quartier de la Villeneuve. À la fin des années 1960, l’équipe du maire socialiste Hubert Dubedout (1965−1983) rêvait même d’une cité idéale mélangeant les classes sociales, les communautés et les générations. Aujourd’hui, de nombreux habitants tentent toujours de tisser, chaque jour, des liens forts, mais au fil des années, le modèle s’est essoufflé.
La promesse d’une mixité sociale a vécu.« Quand j’étais parent d’élève, il y a trente ans, il y avait du vivre-ensemble. Nous organisions de mini-cantines chez nous et les parents faisaient à manger aux enfants à tour de rôle », se rappelle Bernadette Guérin, enseignante retraitée résidant à l’Arlequin. « Aujourd’hui, les gens vivent les uns à côté des autres », déplore-t-elle.
Un sentiment partagé par de nombreux habitants. Malgré les galeries piétonnes et les coursives qui favorisent les rencontres, les individus se croisent sans toujours communiquer. Et les relations de voisinage sont flottantes. « Je suis dubitatif sur notre capacité à vivre ensemble puisque la dichotomie est forte entre les communautés », avance Alain Manac’h, membre du collectif Villeneuve Debout.
Une jeunesse abandonnée ?
Car entre la communauté maghrébine et les « vieux blancs » du quartier, mais aussi entre la jeunesse et les personnes âgées, les fossés se creusent. « Le projet Villeneuve correspond à l’idéal de mai 1968 mais il n’a pas fonctionné », regrette Alain Manac’h.
Malgré leurs efforts, lui et les autres militants de la première heure, très actifs dans le quartier, peinent surtout à mobiliser les jeunes habitants. « Ils ne se reconnaissent malheureusement pas dans ces associations qui ne vont pas suffisamment à leur rencontre », regrette Abou Dieng, responsable de Secteur Six Street, un collectif rassemblant des jeunes gens des quartiers Villeneuve-Village olympique.
De leur côté, les « jeunes » en question font preuve d’un certain mutisme. La plupart d’entre eux refusent de s’exprimer, par peur d’en dire trop ou de ne pas réussir à exprimer leur désarroi. Ils font pourtant confiance à certaines structures comme KIAP, association socio-sportive créée en 1992 par les habitants. Leurs ateliers de courts métrages, mis en place dès février, ont ainsi réussi à mobiliser certains adolescents du quartier.
Mais ils sont encore nombreux à se plaindre du manque d’activités. “Il n’y a rien à la Villeneuve”, affirme même l’un d’eux. “La jeunesse est en détresse mais elle est aussi abandonnée”, regrette Abou Dieng. S’il reconnaît les efforts de certains médiateurs de la Ville pour mobiliser la jeunesse du quartier, le chemin sera encore long avant que cette dernière se sente réellement impliquée.
Un quartier truffé d’associations
La volonté d’organiser des événements fédérateurs est bien palpable chez certains habitants. « Villeneuve est un quartier truffé d’associations. C’est une vraie toile d’araignée » rappelle Chaïbia Godoy, du collectif Tout Horizon, organisateur de débats et d’ateliers à thèmes pour les femmes du quartier. Mais des rumeurs circulent sur le caractère factice de certaines structures. Des “imposteurs” subtiliseraient les subventions de la Ville. « Le quartier de la Villeneuve est prioritaire… », glisse au passage l’un d’entre eux. Des accusations que dément Hélène Vincent, adjointe au maire en charge de la jeunesse à la Ville de Grenoble. « Les subventions sont octroyées avec rigueur et réflexion et en fonction des besoins de chaque structure », se défend-elle, avant de poursuivre, surprise par ces reproches : « Les activités des associations sont évaluées chaque année pour décider si nous reconduisons l’aide financière. » La Villeneuve a désormais 40 ans. Les bâtiments ont vieilli, tout comme les habitants de la première heure. Alors, que faire pour améliorer la vie du quartier ? « Créer une nouvelle utopie » propose Alain Manac’h, « mieux encadrer les enfants » suggère Bernadette Guérin, « accepter la différence » avance Chaïbia Godoy, « aller à la rencontre des bandes de jeunes » assure Abou… La question reste ouverte. Emeline Wuilbercq
La volonté d’organiser des événements fédérateurs est bien palpable chez certains habitants. « Villeneuve est un quartier truffé d’associations. C’est une vraie toile d’araignée » rappelle Chaïbia Godoy, du collectif Tout Horizon, organisateur de débats et d’ateliers à thèmes pour les femmes du quartier. Mais des rumeurs circulent sur le caractère factice de certaines structures. Des “imposteurs” subtiliseraient les subventions de la Ville. « Le quartier de la Villeneuve est prioritaire… », glisse au passage l’un d’entre eux. Des accusations que dément Hélène Vincent, adjointe au maire en charge de la jeunesse à la Ville de Grenoble. « Les subventions sont octroyées avec rigueur et réflexion et en fonction des besoins de chaque structure », se défend-elle, avant de poursuivre, surprise par ces reproches : « Les activités des associations sont évaluées chaque année pour décider si nous reconduisons l’aide financière. » La Villeneuve a désormais 40 ans. Les bâtiments ont vieilli, tout comme les habitants de la première heure. Alors, que faire pour améliorer la vie du quartier ? « Créer une nouvelle utopie » propose Alain Manac’h, « mieux encadrer les enfants » suggère Bernadette Guérin, « accepter la différence » avance Chaïbia Godoy, « aller à la rencontre des bandes de jeunes » assure Abou… La question reste ouverte. Emeline Wuilbercq