REPORTAGE – La Ville de Grenoble a procédé, dans une ambiance à la fois conviviale et studieuse, au dépouillement de la deuxième votation citoyenne, ce samedi 15 octobre de 18 heures jusque tard dans la nuit. Peu de suspense concernant la pétition sur les tarifs de stationnement, qui n’a pas atteint le seuil imposé des 20 000 votants, mais beaucoup plus pour les 26 projets soumis aux Grenoblois dans le cadre du budget participatif.
Samedi 15 octobre,17 heures. Les portes vitrées de l’Hôtel de ville de Grenoble sont verrouillées : les retardataires ne pourront pas participer cette année à la votation citoyenne organisée par la municipalité. Mais tous ceux entrés dans la salle avant l’heure fatidique pourront encore glisser leurs bulletins dans l’urne… Et ils sont encore nombreux.
Le vote est double pour cette édition 2016. Les Grenoblois sont en effet invités à se prononcer sur les projets à retenir dans le cadre du budget participatif, ainsi que sur la pétition émise par le Cluq (Comité de liaison des unions de quartier) réclamant l’abrogation des nouveaux tarifs de stationnement. Une enveloppe jaune pour l’un, une enveloppe bleue pour l’autre.
Si la pétition, à l’image d’un référendum, demande une simple réponse par “oui” ou “non”, la sélection des projets à retenir pour le budget participatif nécessite plus de concentration. Sur les 26 projets proposés, chaque votant doit retenir deux « gros projets », de plus de 100 000 euros, et trois « petits projets », de moins de 100 000 euros. Et pas question de répondre de manière fragmentaire, tout bulletin approuvant moins de cinq projets étant considéré comme nul.
Une ambiance d’examen
Autant dire que la votation a des allures de salle d’examen, où il serait toutefois autorisé de tricher en copiant sur son voisin. Le profil des électeurs est varié : des couples, des familles, des personnes jeunes ou plus âgées. L’Hôtel de ville n’est pas le seul bureau de vote pour cette votation citoyenne : les bibliothèques Centre-ville et Kateb Yacine accueillent également les votants.
Le bruit court que la participation est en hausse dans le quartier de la Villeneuve par rapport à l’année dernière. Des données qui resteront à confirmer dans les jours prochains et qui seront mises en ligne sur le site de la Ville. Mais une fois les derniers bulletins glissés dans les urnes, le chiffre global de votants est dévoilé aux dépouilleurs volontaires, sous les applaudissements : 7 076 personnes. 6 678 pour la pétition, et 6 046 pour le budget participatif.
Une fois le contenu des urnes des bibliothèques livré à l’Hôtel de ville, le dépouillement s’organise. Une salle pour le budget participatif, une autre pour la pétition citoyenne, et beaucoup de circulation entre les deux. Pascal Clouaire, adjoint à la mairie de Grenoble en charge de la démocratie locale, est enthousiaste. « Maintenant, il n’y a plus de questions qui fâchent ! »
Même quand nous lui indiquons que le Gam compte s’adresser à la préfecture dès l’annonce des résultats de la votation ? « Nous avons pris toutes les mesures, en nous encadrant de professionnels du droit, pour faire en sorte que cette mesure que nous avons prise en conseil municipal soit valide juridiquement parlant. Ce que nous avons fait entre dans le cadre de la Loi : c’est un engagement moral devant les Grenoblois, aujourd’hui mis en œuvre, qui atteste de notre volonté de réaliser la démocratie directe et participative », estime Pascal Clouaire.
Une pétition perdue d’avance
Une chose est certaine : la pétition n’a aucune chance d’aboutir, le seuil fixé pour sa prise en compte étant de… 20 000 votes positifs. Le président du Cluq Gilles Namur le regrette amèrement. « On ne s’est pas donné les moyens en nombre d’urnes, en horaires et en moyens de communication. Il y a plein de choses positives, mais si les moyens étaient en adéquation avec ce qu’on nous demande de faire, ce serait vraiment beau. »
Trop élevé, ce seuil de 20 000 votants ? Éric Piolle vient saluer les dépouilleurs en début de soirée et en profite pour répondre aux critiques. « Il y avait un mélange : “On veut de la concertation” et “On ne veut pas payer plus cher pour notre voiture”… Il faut choisir des enjeux qui intéressent tous les Grenoblois, et pas seulement les 50 % des 8 000 tickets résidents qui payent plus cher qu’avant. »
Alain Carignon et Jérôme Safar, venus en observateurs
Le maire de Grenoble n’aura pas eu l’occasion de croiser l’ancien maire Alain Carignon, venu « jeter un œil par mobilisation citoyenne » au dépouillement un peu plus tôt. Lui aussi dit pis que pendre du seuil « scandaleux » de 20 000 votes positifs. « On fait voter les Grenoblois sans leur donner la possibilité de décider autrement que ce que le conseil municipal a décidé », juge-t-il.
Éric Piolle ne s’en émeut guère, et se refuse à réagir aux déclarations d’un « maire corrompu ». Alain Carignon aura surtout eu l’occasion de s’entretenir avec Pascal Clouaire et… Jérôme Safar, candidat malheureux aux élections municipales de 2014, venu tout simplement voter et voir comment les choses se passaient « avant d’aller manger en famille ».
La votation citoyenne ? Elle faisait partie du programme de l’ancien adjoint de Michel Destot. « Nous n’avons jamais été contre », précise-t-il, sans s’enthousiasmer devant le chiffre de 7 000 participants. « Nous sommes au meilleur niveau de participation pour ce genre de projets à l’échelle européenne », se félicite pourtant Éric Piolle.
« Les Grenoblois ont compris qu’on leur donnait vraiment le pouvoir d’agir, affirme de son côté Pascal Clouaire. Ils peuvent décider d’un certain nombre de choses, ce n’est pas consultatif. Le résultat du vote est effectif, et ça participe à la mobilisation. »
Et comme les sportifs, il veut faire encore mieux la prochaine fois : « On identifiera tous les points faibles du dispositif avec l’ensemble des Grenoblois. Nous l’avons fait l’année dernière, nous le ferons cette année. Consolider le dispositif, c’est notre objectif. »
Des résultats tombés tard dans la nuit
Au dépouillement participent des porteurs de projets eux-mêmes et d’autres volontaires parmi lesquels quelques élus de la Ville de Grenoble tels qu’Antoine Back, Jacques Wiart ou encore Alain Denoyelle. Le temps d’être validés, les résultats tombent dans la nuit.
À 22 heures, on apprend que le “oui” à la pétition – perdue d’avance – sur les tarifs de stationnement l’emporte avec 66 % des voix, soit 4 515 voix sur les 6 618 votants. Un chiffre qui ne devrait pas être suffisant pour faire vaciller la municipalité sur ses positions. Plus tôt dans la soirée, Éric Piolle jugeait déjà qu’une victoire du “oui” avec, par exemple, 70 % des voix voudrait dire que « même parmi les gens concernés, ce n’est pas un large consensus ».
C’est enfin le dimanche 16 octobre, peu avant une heure du matin, que sont connus les projets retenus pour le Budget participatif. Pour un coût estimé de 135 000 euros, la végétalisation du cours Jean-Jaurès est le « gros projet » vainqueur des urnes. Demain, des platanes et des arbres fruitiers le long du parcours de la ligne de tram E ?
12 « petits projets », allant de 7 000 euros (pour l’installation de boîtes à livres) à 95 000 euros, sont également retenus : mise en place de jardins partagés dans le quartier de l’Abbaye, installation de pigeonniers contraceptifs, amélioration de l’accessibilité de la rue Gabriel-Péri… Tous les sujets urbains semblent avoir été abordés par les votants.
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