BLOG ÉCONOMIE – Le lobby bancaire a confisqué le débat sur les enjeux d’une activité bancaire mieux contrôlée. Comment le citoyen peut-il s’informer et contribuer à une vraie réforme bancaire ?
Sortir un soir pluvieux et venteux d’octobre pour écouter un économiste parler des dérives de la gouvernance bancaire et du trading à haute fréquence, il faut être motivé ! Panne de chauffage à la maison ? Pas de place au spectacle de Nasser Djemaï à la MC2 ?
Et pourtant, la conférence de notre collègue Dominique Plihon, mercredi, à la maison des associations, fut passionnante. Comme un écho à l’enquête sur l’évasion fiscale organisée par une filiale du Crédit mutuel, diffusée quelques jours plus tôt sur France 3… après avoir été censurée sur Canal+.
Dominique Plihon a rappelé l’essentiel. On ne peut pas se passer des banques (regards médusés d’une partie du public !). Seulement, elles n’assurent plus l’essentiel de leur mission : financer l’économie réelle. Les banques françaises sont devenues des mégabanques universelles, des conglomérats financiers qui font peser un risque de nouvelle crise financière sur l’économie française.
Les pratiques non vertueuses des banques françaises ne se limitent pas aux opérations spéculatives ou à l’organisation de l’évasion fiscale pour les grandes entreprises et les particuliers fortunés. Les banques françaises sont spécialisées dans le financement des activités polluantes : les investissements qu’elles financent à l’étranger génèrent des émissions de CO₂ quatre fois supérieures au total des émissions de CO₂ en France…
A quand une vraie réforme bancaire ?
La première des mesures à prendre serait de séparer leurs activités de détail et leurs activités de banques d’affaires. Les banques ne devraient plus spéculer avec les dépôts de leurs clients, puis demander à l’État (et donc aux contribuables) de les renflouer en cas de déconvenues sur les marchés. Malheureusement, la réforme bancaire de 2013, qui devait « remettre la finance au service de l’économie, et non au service d’elle-même », a accouché d’une souris… Quelle occasion manquée !
196 sièges “fauchés” aux banques avant la COP21
Les « faucheurs de chaises » entendent confisquer 196 chaises dans les banques, soit autant que de parties qui seront présentes à la COP21. Ces chaises serviront à organiser une action symbolique visant à dénoncer l’immobilisme des grandes puissances, durant la conférence, et à mobiliser les citoyens du monde en les invitant à siéger sur le mobilier confisqué.
Une initiative qui répond à un appel lancé le 30 septembre, justifiant cette réquisition et signé notamment par le philosophe Edgar Morin, la sociologue Dominique Méda, l’écrivain Patrick Chamoiseau et le biologiste Jacques Testart.
Force du lobby bancaire ? Sans doute. Mais aussi fatalisme d’une partie des citoyens qui s’est laissé convaincre que le renforcement de la réglementation mettrait en péril le financement de l’économie, l’emploi et le bien-être des populations : « On ne peut rien faire », « La finance est devenue trop complexe pour nous, simples citoyens, on ne comprend rien », entend-on régulièrement.
Le lobby bancaire a confisqué le débat sur les enjeux d’une activité bancaire mieux contrôlée, comme l’explique Jézabel Couppey-Soubeyran, dans BlaBlaBanque, le discours de l’inaction.[1] Car la complexité fait partie, explique-t-elle, des « écrans de fumée » derrière lesquels le secteur bancaire essaie de s’abriter. C’est cette rhétorique que l’auteur s’attache à décrypter dans son brillant ouvrage.
La liste d’ouvrages pédagogiques et accessibles visant à ouvrir le débat aux citoyens sur les banques est longue.[2] Les plus connectés trouveront une mine d’informations, publications, vidéos sur le site web de l’ONG européenne Finance Watch.
Quant à ceux qui privilégient le contact humain et l’action collective, il reste les conférences-débats, nombreuses sur le sujet. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige…
Jean-François Ponsot
[1] Jézabel Couppey-Soubeyran, BlaBlaBanque, le discours de l’inaction, Michalon, 2015.
[2] Attac & Basta, Le livre noir des banques, Les Liens qui Libèrent, 2015. Christian Chavagneux & Thierry Philipponnat, La capture, Où l’on verra comment les intérêts financiers ont pris le pas sur l’intérêt général, La découverte, 2014. Les Économistes atterrés, Nouveau manifeste des économistes atterrés : 15 chantiers pour une autre économie, Les Liens qui libèrent, 2015. Collectif Roosevelt & Claude Simon, Stop à la dérive des banques et de la finance, L’atelier, 2014.