IDÉES SORTIES – Deux très beaux “seuls en scène” pour cette fin de semaine ! De quoi réconcilier avec le théâtre ceux qui pensent ne rien avoir à y faire. Petit éloge de la simplicité sur les planches.
Je l’ai vu… Je vous en parle
Parlerie – « Ascolta » de Monique Brun au Petit 38 jusqu’au 18 octobre
Le Petit 38 est l’écrin idéal pour accueillir la grande comédienne Monique Brun et sa petite causerie « à sauts et à gambades ». De l’expression de Montaigne, elle prélève la liberté d’avancer par petites touches, sans qu’un fil conducteur ne bride la parole. Mais le langage, lui, est de notre temps, ou plutôt de tous les temps.
Ascolta (« Il écoute » en italien) s’enroule autour du geste du peintre. Il y a celui d’un Pierre Soulages, fasciné par les peintures rupestres, « cette trace élevée à la dignité de figure ». Celui aussi du personnage qu’incarne Monique Brun, à l’identité indécelable, qui nous parle de couleurs et de paysages pour mieux atteindre la vie, la mort.
La voix de la comédienne, parlée et parfois chantée a cappella, se pose avec une délicatesse et une assurance tranquille qui favorisent cette écoute rare et précieuse. Tout en émerveillant par son phrasé et la poésie simple de ses mots, elle manie le pinceau à sa table de travail et lance quelques sons depuis sa tablette, seule trace de technologie, utilisée avec astuce. Les murs de la petite cave du théâtre – qui peut accueillir une trentaine de personnes – détiennent encore pour quelques jours ce petit trésor.
Théâtre – « Une étoile pour Noël », avec Nasser Djemaï, à la MC2 jusqu’au 24 octobre
Sous l’apparence de la simplicité, Nasser Djemaï, seul en son plateau nu, se dévoile à demi, pudiquement, délicatement. Rien de plus difficile en théâtre que de donner au subtil les atours du simple. C’est pourtant ce que fait Nasser Djemaï, ici auteur du texte et interprète de tous les personnages qui tissent autour du petit Nabil – son double fictif – un réseau d’influences plus ou moins bienveillantes. Car la bonté peut aussi se faire ignominieuse, comme le suggère le sous-titre du spectacle « Une étoile pour Noël, ou l’ignominie de la bonté ».
Le jeune Nabil, fils de mineur immigré, trouve dans la famille de Jean-Luc, son copain d’école, une aide précieuse – et aliénante – dans son entreprise d’ascension sociale. Ambition apparemment dévorante qui grignote la véritable identité de Nabil à mesure qu’avance la pièce.
Touchant, cruel, mais aussi désopilant. Nasser Djemaï embrasse toute cette galerie de personnages à lui seul : une vraie performance ! Dans la famille bourgeoise de Jean-Luc, je demande le père, la mère et surtout la grand-mère, irrésistible (Nasser Djemaï excelle dans les personnages féminins !) mais aussi despotique… Ne rebaptise-t-elle pas Nabil ? Eh oui ! Elle va jusqu’à choisir à son poulain un prénom plus… commode pour arriver : Noël ! Un Noël, qui plus est, assoiffé de earl grey et préférant passer ses samedis à vendre des brioches plutôt qu’à aller danser au Macumba avec Tony… Consternation.
Je ne l’ai pas vu mais j’en ai entendu parler
Concert – BABX vendredi 16 octobre à La Bobine
Voilà bien une décennie que David Babin, alias Babx, se taille une belle renommée dans l’univers impitoyable de la chanson française. Trois albums à son actif dont la beauté singulière ne se dément pas. Mais en fait de salles pleines à craquer, c’est plutôt de succès d’estime dont il faudrait parler…
Dommage. Car l’exigence n’est pas toujours synonyme d’ennui au chapitre de la musique comme ailleurs. Les mélodies sont léchées, les textes un tantinet barrés, poétiquement parlant, mais pas plus que ceux d’un Bashung. Il sait installer une ambiance, de manière quasi cinématographique et possède un timbre de voix original, mais pas vraiment consensuel, c’est vrai. Il divise, Babx, c’est certain. Preuve de son intransigeance, sans doute.
Sur son dernier opus, « Cristal automatique #1 », en s’accompagnant au piano, il met en musique Baudelaire, Rimbaud, Aimé Césaire, notamment. La fréquentation de ces génies ne l’a pas paralysé : il préfère les considérer « comme de vieux potes », ainsi qu’il l’a confié au magazine Gonzaï. À la Bobine, batteur et violoncelliste l’entoureront pour ranimer les poètes, nos potes devant l’éternel.
Concert – David Murray Infinity Quartet invite Saul Williams, samedi 17 octobre à La Source
Le saxophoniste de jazz David Murray – une pointure en son domaine – pratique volontiers le brassage des styles. Pour ce concert à La Source – première date de la 11e édition du Festival du jazz club de Grenoble –, son quartet Infinity convie Saul Williams, considéré comme l’un des pères du spoken word (un cousin du slam).
Pas si étonnante, finalement, cette rencontre. Spoken word et free jazz se côtoient depuis longtemps déjà, se rejoignant autour de leur liberté, comme de juste.
Adèle Duminy
INFOS PRATIQUES :
38 rue Saint-Laurent à Grenoble
“Ascolta”, de Monique Brun
De 7 à 15 euros
Jusqu’au 18 octobre 2015 tous les soirs à 20 h 30 (sauf les lundis 5 et 12 octobre). Dimanche 11 heures
Réservations : 04 76 54 12 30 ou lepetit38@orange.fr
4 rue Paul-Claudel à Grenoble
“Une étoile pour Noël”, avec Nasser Djemaï
Jusqu’au samedi 24 octobre (tous les jours sauf les lundis et dimanches)
Mardis et vendredis à 20 h 30 / mercredis, jeudis et samedis à 19 h 30
De 6 à 25 euros
42 Bd Clémenceau à Grenoble
Babx
Vendredi 16 octobre, à 20 h 30
10 euros
38 avenue Lénine à Fontaine
David Murray Infinity Quartet invite Saul Williams
Samedi 17 octobre à 20 h 30
De 10 à 16 euros