TRIBUNE LIBRE – Anciens conseillers municipaux évincés de la majorité Piolle fin 2016, Bernadette Richard-Finot et Guy Tuscher reviennent, le 10 avril 2023, sur l’exclusion de sept élus de la majorité grenobloise dans un texte intitulé « Le despote et les crocodiles1L’expression « verser des larmes de crocodile » signifie pleurer en versant des larmes hypocrites destinées à émouvoir et tromper l’entourage. ». Anouche Agobian, Maxence Alloto, Pascal Clouaire, Hakim Sabri, Barbara Schuman, Laure Masson et Amel Zenati ont perdu leurs délégations le 24 mars 2023, après avoir critiqué la hausse de 25 % de la taxe foncière. Avant, pour les cinq premiers, de quitter le groupe Uma (Une métropole d’avance) pour créer leur propre groupe au conseil métropolitain. D’où l’ironie de Bernadette Richard-Finot et Guy Tuscher, qui fustigent autant les méthodes d’Éric Piolle que le silence des sept élus à l’époque de leur exclusion.
Vendredi 7 avril, nous avons vu le dernier acte des exclusions de la majorité Piolle avec la création d’un nouveau groupe politique métropolitain par les cinq élus métropolitains de ce groupe de sept élus municipaux. On ne sait comment le nommer selon l’importance qu’on lui accorderait ou le point de vue qu’on adopterait : « Le clan des 7 ? Les 7 samouraïs ? Les 7 salopards ? Les crocodiles ?… » Vaste programme !
Après les « départs » de Sadok Bouzaiene2Démissionnaire dès août 2020 soi-disant pour convenance personnelle alors que le revirement d’Eric Piolle sur le burqini en était la cause principale , Hosny Ben-Redjeb, Chloé Le Bret et Enzo Lesourt (non élu)3Démissionnaires respectivement pour cause de relégation, d’intrusion du cabinet ou d’engagements salariaux non tenus et « l’exclusion » de Lionel Picollet, c’est au tour des membres de ce groupe de subir les foudres du maire et du groupe majoritaire. Ils avaient pourtant pris toutes leurs précautions en votant quand même « pour » le budget auquel ils étaient opposés (sic!) et envoyé au front celle d’entre eux qui avait le moins à perdre, la non-adjointe Laure Masson.
Mais à la municipalité de Grenoble désormais, la simple parole de défiance vaut exclusion immédiate « On revendiquait juste le droit de s’exprimer. » (Les 7 “exclus”, DL du 26/03/23). Il est décidément très, très… loin le temps où les élus Verts-Ades-Alternatifs, membres éminents de l’exécutif municipal, refusaient de voter la totalité du budget4Voir les compte-rendus des séances du conseil municipal du 18 décembre 2006 (budget primitif 2007) et 17 décembre 2007 (budget primitif 2008)… sans être exclus séance tenante !
Au cours de la conférence de presse qu’ils ont donnée pour annoncer la création de leur groupe d’opposition municipale, “Les 7…” ont comparé, à juste titre, le maire à Emmanuel Macron pour « son manque d’empathie et son autoritarisme » allant jusqu’à affirmer qu’« Eric Piolle fai[sai]t comme Macron, avec un 49 – 3 à la grenobloise ».
Pourtant, dès 2014, le ver (Vert ?) était entré dans le fruit.
Des exclusions de la majorité dès 2016 par Ades interposée
Le premier “exclu” de la majorité fut un non élu, Bruno de Lescure. Artisan important du programme (les 120 engagements) et de la candidature rouge-verte-citoyenne à l’élection municipale de 2014, il avait choisi de ne pas être élu et d’être le représentant de l’Ades (parti local grenoblois) auprès du groupe de la majorité municipale du mandat 2014 – 2020 aux réunions hebdomadaires.
La majorité et le maire qui supportaient de plus en plus difficilement les rappels de Bruno de Lescure aux 120 engagements en matière de démocratie et d’urbanisme notamment, ont fini, par l’action conjuguée de deux élus Ades, Pierre Mériaux et Laurence Comparat, ainsi que par son président, Vincent Comparat, à le faire exclure de la représentation auprès des élus en 2016 et ensuite du CA de l’Ades lors de l’AG 2017 par des méthodes staliniennes éprouvées.
Et puisque Guy Tuscher tenait le même discours, il lui a également été indiqué la porte de sortie. A l’époque, nous n’avons jamais entendu Amel Zenati, membre du CA depuis 2015, et Hakim Sabri, membre de longue date du CA, protester contre ces exclusions.
Au sein de l’Ades il est bon de rappeler que son ancien président (et ex-adjoint aux écoles), Jean-Marc Cantèle avait dès janvier 2014 quitté l’association en désaccord sur la désignation de Piolle comme tête de liste, augurant ce qui allait se produire.
Dés 2015, le chantage à la délégation du maire
Si en tout début de mandat, cette majorité s’est penchée sur le projet de grand service public de l’énergie, désormais perdu corps et biens, il n’est pas inutile de rappeler l’épisode du plan lumière où le maire a imposé à sa majorité de confier la conception, la réalisation, l’exploitation, la maintenance de l’éclairage public de la Ville à un consortium privé Bouygues/Vinci associé à Soitec… Et non, par exemple, à une régie municipale digne de ce nom, comme pour l’eau, conformément à ce que nous avions professé tout au long de la campagne.
Pour Eric Piolle si les élus de base pouvaient voter selon leur choix (à condition qu’ils ne soient pas nombreux), les adjoints devaient se prononcer obligatoirement « pour » au risque de perdre leurs délégations. Dès 2015, l’autoritarisme, que d’aucuns feignent de découvrir aujourd’hui, était déjà bien présent.
C’est ainsi qu’en l’espace de quatre heures (le temps entre le conseil municipal et la réunion de groupe au cours de laquelle Eric Piolle avait professé ses amicaux “conseils”) nous sommes passés de six abstentionnistes + cinq « contre » à seulement cinq contre… Envolés les adjoints-abstentionnistes !
En 2016, la charte du groupe bafouée
Ceux qui pensaient être dans une municipalité de gauche, écologiste, citoyenne et surtout démocratique allaient vite déchanter quand Eric Piolle a, là encore, après de pseudo-séminaires budgétaires où aucun document n’était laissé à la disposition des élus, imposé le plan dit de « sauvegarde des services publics », un véritable plan d’austérité qui conduisait, entre autres, à fermer trois bibliothèques dans les quartier populaires.
Quand six mois avant le vote, nous avions demandé (Bernadette Richard Finot et Guy Tuscher) tous les documents budgétaires chiffrés puis la révision de ce plan, nous nous sommes heurtés à un refus ferme et définitif. A l’époque, aucun des nouveaux « exclus » présents ne nous avait soutenus dans notre demande.
Dès lors, conformément à la charte du groupe majoritaire de l’époque qui l’autorisait, nous avions prévenu que nous nous abstiendrons sur le vote du budget. Mal nous en a pris car nous venions de commettre là un crime de lèse-majesté. Les petites mains de la majorité municipale (Laurence Comparat et Claus Habfast co-présidents du groupe) se sont mises en action, jouant tour à tour sur l’affectif « Nous sommes une grande famille… » et la menace « Ça va être l’enfer pour vous… ».
En 2023, les techniques (information incomplètes et floues, pressions individuelles…) n’ont manifestement pas changé : « Quand on demande des précisions sur le bouclier climatique et social, on ne nous répond que par bribes. », « On nous a convoqués un par un pour que de nous-mêmes nous rendions nos délégations. » (DL du 26/03/23). Et dire qu’il a fallu près de sept ans à certains, dont un ancien adjoint à la démocratie locale, pour s’apercevoir que ces techniques posaient un vrai problème démocratique…
Une abstention transformée en exclusion deux heures avant le conseil
Et deux heures avant le conseil, comme annoncé par Claus Habfast, ce fut effectivement l’enfer qui s’invita lors de la réunion de pré-conseil : une modification de la charte du groupe majoritaire non inscrite à l’ordre du jour était présentée subrepticement en fin de réunion et votée en urgence à l’unanimité (moins deux voix, les nôtres). Tout élu de la majorité se devait dorénavant de voter positivement le budget. Les « aventuriers » qui voteraient autrement s’excluraient ainsi d’eux-mêmes5Une quasi-paraphrase du célébre gimmick inventé par les Guignols de l’info « Brice !!!! tu t’exclus toi-même du mouvement !!!! » qui ponctuait la fin des sketchs réunissant le couple écologiste infernal : Antoine Waechter, le secrétaire national des Verts de l’époque qui incarnait la fraction « khmer vert » des Verts, et Brice Lalonde, le Vert libéral-centriste opportuniste !
Manœuvre grotesque qui a donc conduit à notre exclusion et nous en a appris beaucoup sur nos petit(e)s camarades qui, non contents de voter cette modification de dernière minute (aucune voix n’a manqué à l’appel), ne s’y sont à aucun moment opposés. Parmi eux, Pascal Clouaire, Hakim Sabri…
Des protestations de « crocodiles »
Aussi, les entendre aujourd’hui se plaindre (à juste titre) « [d’avoir] été excommuniés lors d’un véritable procès politique » (DL du 26/03/23) alors que, pour certains, ils ont accepté de faire partie des 40 complices du nôtre nous fait franchement rigoler à défaut de nous faire pleurer.
Le summum est atteint quand ils déclarent « (…) imposer 25 % sans en parler à la population, ce n’est pas notre conception de la démocratie. Et dire qu’Éric Piolle se faisait le chantre de la démocratie participative. » (DL du 26/03/23). Quelle est donc la conception de la démocratie de ce groupe des sept parmi lesquels on trouve deux anciens adjoints à la démocratie locale qui se sont particulièrement illustrés dans nombre de dossiers où justement la population n’a au final pas eu du tout son mot à dire ? Pour n’en citer que deux :
- Laure Masson était l’adjointe à la démocratie locale du mandat Destot 2008 – 2014 qui a refusé pendant six mois d’organiser un débat sur le méga-projet Esplanade (1 200 logements dans le projet initial) rendu obligatoire par le dépôt d’une pétition ayant recueilli 20 000 signatures, s’y est finalement résolue en juin 2013 pour, au terme du débat, enterrer toute concertation.
- Pascal Clouaire, lui, s’est distingué en juillet 2017 à la stupéfaction de tout le conseil, en justifiant l’injustifiable : l’annulation arbitraire par le maire de la votation en octobre 2017 de la pétition contre la fermeture des trois bibliothèques de quartiers populaires, votation qui aurait dû obligatoirement suivre le désaccord entre les porteurs de la pétition et la municipalité.
Toutes ces larmes de reproches bien tardives nous font donc immanquablement penser à celles du crocodile ! « Ah ! le pauvre animal… » aurait pu écrire Molière (cf. Tartuffe : “Ah, le pauvre homme !”).
En effet, au-delà des similitudes entre les pratiques du maire-despote et celles du président-despote particulièrement en ce qui concerne leur négation des corps intermédiaires (associations d’habitants, syndicats), nulle critique de fond de leur part du système qui permet au chef de l’arc dit humaniste de broyer qui lui résiste :
1- le tout-pouvoir du maire alloué par la loi (et tant décrié avant 2014, beaucoup moins maintenant…)
2- la soumission de chaque conseiller municipal grâce aux délégations (900 €/mois pour les conseillers délégués, 2 200 € pour les adjoints) distribuées à tous les conseillers de la majorité dans le dernier mandat !
3- l’instauration du “groupe unique majoritaire” avec sa charte qui, grâce à la soumission de chacun, permet l’exclusion. La seule véritable innovation « démocratique » de 2014 (elle n’avait jamais été discutée avant l’élection par l’équipe de campagne) des Verts et de Piolle – sur une suggestion de Vincent Comparat (Ades) – qui, forts de leur expérience des mandats socialistes de 1995 à 2008, avaient bien compris que, s’ils ne voulaient pas subir ce qu’ils avaient fait subir aux socialistes (un véritable débat démocratique public et pluraliste), il fallait imposer “l’unanimisme obligatoire” en empêchant la création de tout sous-groupe… comme celui dans lequel ils siégeaient qui leur permettait une expression libre et indépendante.
Des anecdotes croustillantes
Devant la difficulté qu’il y avait à accepter un budget d’austérité en 2017, on peut rappeler l’anecdote amusante qu’un journal local révélera un peu plus tard : la première adjointe (députée depuis) jouait l’aveu (mensonger) à ses petits camarades insoumis qu’elle avait voté ce plan « sans faire gaffe », en se traitant d’un nom d’oiseau que nous n’écrirons pas ici.
Tout aussi amusant : le néo-révolté Enzo Lesourt s’est abondamment épanché dans la presse sur la personnalité d’Eric Piolle qu’il vient, par surprise, de découvrir. Ce charmant compagnon de route a été la tête pensante du maire, l’auteur de tous ses discours creux (« le chemin », « la maison commune », « l’arc humaniste » etc), le soutien indéfectible de toutes les décisions de son patron, de l’organisation de son cabinet, omniprésent dans l’ombre dans tous les moments (et les plus emblématiques, notamment sur l’inculpation pour le marché de la Fête des Tuiles), l’artisan de son échec aux primaires écologistes. Il a validé si ce n’est impulsé tous les choix de son « mentor ».
Enfin, l’Ades qui ne critique pas aujourd’hui la hausse de 25 % de la taxe foncière mais qui, à l’époque criait au loup, au scandale politique et social sur le simple fait d’oser évoquer une hausse de 2 %, nous arrache un petit sourire narquois.
La Boétie nous enseignait dès 1560 dans son fameux « Discours de la servitude volontaire » que la soumission … est en effet un acte volontaire. Cinq cents ans plus tard, on aurait pu croire à l’évolution positive des pratiques politiques, l’actualité nous montre que ce n’est pas gagné !
Bernadette Richard-Finot et Guy Tuscher
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3 réflexions sur « Tribune libre | Exclusion de sept élus de la majorité à Grenoble : “le despote et les crocodiles” »
On (ne) peut (que) déplorer l’idée que ce se fait Éric Piolle de la démocratie au sein d’un conseil municipal mais cet épisode déplorable n’est une surprise pour personne et certainement pas pour les fameux « sept » ; ils savaient pertinemment ce qu’il allait se passer quand ils ont franchi les porte du Conseil.
S’ils n’étaient pas d’accord, il fallait voter contre ; ils avaient le choix. Cette position entre deux ne les honore pas vraiment. Personnellement je ne comprends pas.
Et ça n’empêchera pas qu’il soit réélu !
Écolo bobo c’est toujours mieux que le reste !
Les Grenoblois sont des veaux
Un despote de citadelle qui a fini dernier à la primaire des melons verts. Tout le monde en rigole encore.
Mais qui peut compter sur les gardes du corps zélés de son « arc humaniste » haineux et vermoulu.
Alan CONFESSON (@AlanConfesson) 18 juil. 2020 : Ce qui vient de se produire au #CMetro de Grenoble Alpes Métropole est d’une extrême gravité. En voulant à tout prix conserver le pouvoir, Christophe Ferrari a commis un parjure : se faire élire avec les voix de la droite et de l’extrême-droite.
Antoine BACK ✊🌻🤘😎 (@abkgrenoble) July 17, 2020 : Elu avec les voix de la #droite et de #LREM, le déshonneur de la #gauche locale a désormais un visage : celui de M. Ferrari