FOCUS – Si le conseil municipal de Grenoble est d’accord pour accorder plus de place aux femmes sur les plaques de la ville, le débat autour de cinq lieux portant des noms de femmes lors du conseil municipal du 28 mars 2022 n’en a pas moins pris une teinte acerbe.
La délibération avait tout pour être consensuelle. Elle a finalement donné lieu à de longs échanges et quelques crispations durant le conseil municipal de Grenoble du 28 mars. À l’occasion de la Journée des Droits des femmes, le mardi 8 mars, la Ville avait annoncé donner le nom de femmes à cinq lieux emblématiques de son territoire. Une proposition présentée devant les élus, que personne n’a contestée… ou presque.
Les lieux en question ? Le Jardin des Plantes se voit ajouter le nom de Joséphine Baker. Tandis que le Jardin des Vallons devient le Jardin Gisèle-Halimi, le parvis de la gare prend le nom de la résistante Madeleine Pauliac. La halle de tennis, située avenue de la Mogne, est renommée d’après la militante du sport féminin Alice Milliat, et le futur parc quartier Bouchayer-Viallet épouse le nom de la révolutionnaire communarde Isaure Périer.
Pas de lieu Jacques-Chirac à l’horizon
À l’origine de la délibération, un constat dressé par l’adjoint à la Mémoire Emmanuel Carroz : les lieux de Grenoble ne comptent que 37 noms de femmes… contre 605 pour les hommes. Et si la nécessité de rééquilibrer les genres ne fait pas débat dans les rangs de l’opposition, quelques bémols ne se font pas moins entendre. Notamment autour… du cas Jacques Chirac et, par extension, du cas Valéry Giscard d’Estaing.
Alain Carignon (Société civile) et Delphine Bense (Nouveau regard) n’ont pas manqué de rappeler au maire de Grenoble son engagement de « [proposer] au prochain conseil municipal qu’un lieu emblématique de Grenoble porte [le] nom » de Jacques Chirac, formulé le jour de son décès en 2019. Une annonce jamais suivie d’effet, comme celle formulée, mot pour mot, le jour du décès de Valéry Giscard d’Estaing.
Éric Piolle ne reviendra pas sur les raisons pour lesquelles ses déclarations sont restées lettre morte. Emmanuel Carroz, en réponse, a plaidé pour sa part pour une concertation avec l’ensemble des élus, au-delà même des simples participants aux commissions ad hoc. Tout en émettant l’idée d’un lieu pouvant « réunir ces mémoires ». Moins risqué sans doute qu’un lieu Jacques-Chirac marqué du sceau du « bruit et l’odeur ».
Le nom de Samuel Paty s’invite dans le débat
Mais c’est autour du nom de Samuel Paty que les échanges ont tourné au vinaigre. Delphine Bense a en effet regretté que la future Place des Mosaïques, reliant les quartiers Mistral et Eaux-Claires, ne prenne pas plutôt le nom du professeur d’histoire décapité par un terroriste islamiste. « Typiquement, devant une école, son nom aurait été plus judicieux », a affirmé l’élue d’opposition. Avec amendement à la clé.
Dans une recherche de consensus, Emmanuel Carroz a alors proposé que la question soit, elle aussi, abordée lors d’une prochaine commission, tout en contestant toute « volonté de minimiser l’histoire tragique » de Samuel Paty. Mais Delphine Bense a campé sur ses positions. « Chirac c’est en 2019 que vous l’avez proposé. Samuel Paty, vous allez attendre jusqu’à quand ? », a‑t-elle lancé au maire de Grenoble. Qui s’est impatienté en retour et a reproché au groupe d’opposition de chercher la polémique.
La confusion institutionnelle a ajouté à l’agacement, quand la majorité et le groupe Nouvel Air ont fait cause commune pour ajouter un sous-amendement à l’amendement, solution rejetée par Nouveau Regard. C’est finalement un second amendement, proposant qu’un lieu soit « choisi rapidement » pour rendre hommage à Samuel Paty, qui a été retenu. Au final ? Après trente minutes d’échanges acerbes, la délibération principale a été adoptée… à l’unanimité.