FOCUS - Le festival Détours de Babel retrouve ses habitudes printanières et se déploie à Grenoble et dans vingt autres communes de l'Isère du 11 mars au 10 avril 2022. Pour cette 12e édition, près de 280 artistes venus de 40 pays différents se produiront au cours de plus de 80 concerts et spectacles dont de nombreuses créations. Au programme des Détours de Babel ? Du jazz et des musiques nouvelles et du monde, réunis à travers une « approche transculturelle » de la création musicale, à l'écart des chemins balisés.
« En 2021, nous avons annulé les spectacles du printemps pour les reporter en septembre. Nous repartons cette année sur une 12e édition du festival Détours de Babel, qui aura lieu dans des conditions normales, du 11 mars au 10 avril 2022 », annonce Benoît Thiebergien, directeur de ce festival unique en France. L'occasion pour lui de se féliciter que l'ouverture du festival organisé par le Centre international des musiques nomades (CIMN) coïncide, à quelques jours près, avec la levée des restrictions sanitaires prévue pour le 14 mars.
« C'est vraiment très bien car ça commençait à devenir lourd de devoir contrôler les gens comme nous avons dû le faire ! », se réjouit le directeur. « Je pense aussi que ça permettra à plus de gens de venir aux concerts », souligne-t-il par ailleurs.
« Nous repartons donc sur les mêmes formules, indique Benoît Thiebergien. Des concerts et spectacles répartis dans l'agglomération et le département1Soit 40 lieux et salles partenaires dans vingt communes de l'Isère. en semaine et quatre brunchs2Durant une journée, concerts, spectacles, performances, installations artistiques se répartissent dans différents espaces du lieu d’accueil. les dimanches3Au théâtre Sainte-Marie-d'en-Bas, au musée dauphinois et à Fort Barraux pour le dimanche de clôture. ». Et puis, bien sûr, comme pour chaque édition depuis douze ans, l'action culturelle avec les salons de musique, des projets participatifs, des rencontres, ainsi que des concerts scolaires et de proximité. Bref, « toutes ces parties qui sont peut-être moins visibles dans le programme et le dépliant mais tout aussi importantes que ce qui est proposé au public », insiste Benoît Thiebergien.
Deux coups de cœur qui « entrent en résonance avec la guerre en Ukraine »
« Ce que nous mettons en avant, c'est cette idée de la rencontre née d'artistes qui ont décidé de travailler ensemble pour créer de nouvelles œuvres, explique le directeur. Mais aussi, cette ouverture, cette attention particulière aux projets transculturels pour des expériences musicales hybrides et métissées. »
Autrement dit, « accompagner les artistes, compositeurs et musiciens4Soit près de 280 artistes venus de 40 pays différents., d’où qu’ils viennent, à s’affranchir des appellations d’origine contrôlée, des hiérarchies institutionnelles, pour imaginer des échappées belles, des trajectoires croisées à l’écart des chemins balisés ». Tout l'ADN des Détours de Babel.
Quid des concerts proposés cette année ? Tout d'abord, deux « coups de cœur » du programmateur. Lesquels, estime-t-il, « entrent en résonance avec la tragique actualité de la guerre en Ukraine qui se déroule aux portes de l'Europe ».
Tout particulièrement le concert d'ouverture, ce vendredi 11 mars à la MC2, du violoniste tzigane aveugle, Tcha Limberger dans le spectacle I Silenti. Un hommage aux Gitans qui commémore également le génocide des Roms au cours de la Seconde Guerre mondiale. « On est là dans un long spectacle qui redonne voix à toutes celles et ceux qui sont condamnés au silence. C'est un message porteur d'humanité, d'espoir et de résilience », décrit Benoît Thiebergien.
« La guerre, l'exil, tous ces thèmes qui, évidemment, résonnent fortement avec l'actualité »
Autre coup de cœur: le programme onirique Signe des temps, une création portée par l'ensemble Spirito, qui met en musique des poèmes de femmes du Moyen-orient. « Là aussi, sur la guerre, l'exil, tous ces thèmes qui, évidemment, résonnent fortement avec l'actualité », souligne le directeur des Détours de Babel.
Un grand plateau musiques du monde consacré à l'Afrique à la MC2
Autre originalité pour cette 12e édition du festival; la programmation de deux opéras multimédias qui parlent du rapport aux technologies. Le premier, Narcisse, de Joséphine Stephenson et Marion Pellissier autour des réseaux sociaux. « Un regard sur la complexité de notre rapport social, en particulier à travers les outils médiatiques dont notre société dispose », indique la brochure. Quant à Terres rares, le second opéra, « c'est une fiction qui parle des mémoires humaines et algorithmiques et de ce rapport que l'Homme entretient avec la machine », indique Benoît Thiebergien.
L'Afrique sera également au rendez-vous des Détours de Babel. Notamment avec une grande soirée à la MC2 proposant un double plateau musiques du monde avec le Quatuor Bella qui présentera des œuvres de compositeurs africains. Lui succèdera, en deuxième partie, une création intitulée Radicants associant le joueur de kora malien Ballaké Sissoko et le compositeur électroacoustique Lorenzo Bianchi-Hoesch. « Outre cette soirée, nous aurons des grands moments consacrés à l'Afrique ainsi que des petites formes permettant de découvrir de jeunes musiciens africains », promet Benoît Thiebergien.
Dans un autre registre, « il y aura aussi beaucoup de projets portés par des femmes », indique le programmateur du festival. Dont la compositrice et flûtiste de jazz d'origine syrienne Naïsam Jalal, la jeune violoniste libanaise Layale Chaker ou encore Claire Rengade, une jeune slameuse5Le slam est une forme de lecture poétique considérée comme un mouvement d'expression populaire, initialement en marge des circuits artistiques traditionnels..
Les brunchs des Détours de Babel pour découvrir des formes musicales peu familières
Au chapitre des découvertes, Benoît Thiebergien attend beaucoup de Sa-ri-ga-ma-pa-da-ni. En l'occurrence la rencontre de deux maîtres de deux grandes traditions de musique classiques, l'une orale, l'autre écrite, avec Manjunath B.C, percussionniste indien, et son homologue français Florent Jodelet. « Ce sera une surprise car c'est une création », commente le directeur.
Dans la catégorie « grosses pépites » à ne surtout pas rater lors du brunch de clôture à Fort Barraux: Organik Orkeztra. « C'est plus qu'une fanfare, c'est un orchestre et ils sont formidables. C'est vraiment un autre grand coup de cœur !», s'enflamme Benoît Thiebergien. Avant de citer, toujours au chapitre des pépites, le groupe de musiques nouvelles Superklang, qui offrira au public des Détours de Babel une prestation « totalement déjantée, atypique et incroyable », assure-t-il.
« Il y aura de très beaux spectacles, résume le directeur du festival. Pour ceux qui ne sont pas familiers de ces musiques-là, je les invite à venir aux brunchs les dimanches parce que c'est une manière sympa et conviviale de découvrir des musiques qu'on n'entend jamais à Grenoble. »