CHRONIQUE – Place Gre’net s’associe à la radio RCF Isère chaque lundi midi dans la chronique L’Écho des médias. Notre objectif ? Revenir sur une actualité, décrypter une information… ou délivrer quelques coulisses du traitement d’une nouvelle. Pour cette chronique sur RCF épisode 20 du lundi 31 janvier, retour sur la polémique causée par un dessin de Goin sur un mur de Grenoble.
Retrouvez ci-dessous la chronique RCF 20 sur une polémique autour d’un dessin en version texte, et sa version radiophonique en cliquant sur le lecteur ci-dessous.
« Aujourd’hui, nous allons revenir sur une polémique causée… par un dessin. Et, plus précisément, un dessin sur un mur de Grenoble, signé par l’artiste Goin. Petite précision : son nom s’écrit G.O.I.N. mais se prononce “Go in”. Goin, donc, a signé une œuvre représentant une femme voilée arborant une étoile jaune avec l’indication “muslim”, soit “musulman” en français. Les couleurs de la tenue du personnage rappellent pour leur part celles des uniformes des Juifs dans les camps de concentration nazis. Le but du dessin est donc clairement d’établir un parallèle entre la situation actuelle des musulmans et celles des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale…
Et le dessin n’a pas manqué de faire polémique. Une polémique à retardement, en l’occurrence. Car une rapide recherche permet de voir que l’œuvre était présente sur ce mur grenoblois depuis… juillet 2021. C’est finalement un membre de la communauté juive qui l’a remarquée vers la fin du mois de janvier, et en a averti le Crif Grenoble-Dauphiné.
Son président a alors immédiatement écrit au maire de Grenoble pour lui demander le retrait de l’œuvre en question. À ses yeux, l’utilisation d’un symbole comme l’étoile jaune va dans le sens d’une banalisation de la Shoah, banalisation qui peut elle-même mener au négationnisme.
Mais le Crif n’est pas seul à réagir, loin de là. Plusieurs réactions politiques se sont fait entendre, notamment du côté des oppositions de la Ville de Grenoble. Mais la plus marquante est celle de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Qui a annoncé retirer la subvention qu’elle accorde au Street Art Fest Grenoble Alpes. Pourtant, même si l’artiste Goin compte parmi les participants de ce festival, l’œuvre incriminée n’a pas été officiellement réalisée dans ce cadre. D’où l’incompréhension exprimée par Jérôme Catz, fondateur du Street Art Fest, auprès de TéléGrenoble.
Pour finir, l’œuvre a été dégradée… Oui, et très rapidement, une fois les articles de presse publiés. Ce que l’artiste a dénoncé auprès de France 3, en niant farouchement tout antisémitisme et en revendiquant la “défense de la cause des faibles”. Pour Goin, son œuvre est victime d’une “instrumentalisation par le communautarisme et les fondamentalistes”.
Reste que l’artiste affectionne les symboles virulents, il suffit de se rendre sur son site pour s’en rendre compte. Si ses œuvres font écho dans le fond aux problématiques sociales ou politiques contemporaines, elles correspondent aussi, dans la forme, aux crispations et aux outrances avec lesquelles ces sujets peuvent s’exprimer. C’est un choix revendiqué de sa part. Et l’artiste est trop intelligent pour ignorer que pousser l’autre dans ses retranchements, c’est prendre le risque de générer des biais d’interprétation faussés.
Mais, n’oublions pas que si Jérôme Bosch, Gustave Flaubert, les dadaïstes, les Marx Brothers, les Monty Python ou encore Hara-Kiri avaient cultivé l’autocensure, le monde d’aujourd’hui serait bien différent. Et peut-être même un peu triste. »
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